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18/05/2022 | FRANCE | N°19NC03357

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 18 mai 2022, 19NC03357


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Strasbourg d'annuler la décision de la ministre des armées du 30 juillet 2018 rejetant sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour aggravation de son infirmité et de condamner celui-ci à lui verser une pension militaire d'invalidité à un taux de 45 %.

Par un jugement n°19/00001 du 15 juillet 2019, le tribunal des pensions militaires de Strasbourg a annulé cette décision du 30 juillet 2018, a enjoint à la ministre de

s armées d'accorder une pension militaire d'invalidité à M. B... pour l'infirmité...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Strasbourg d'annuler la décision de la ministre des armées du 30 juillet 2018 rejetant sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour aggravation de son infirmité et de condamner celui-ci à lui verser une pension militaire d'invalidité à un taux de 45 %.

Par un jugement n°19/00001 du 15 juillet 2019, le tribunal des pensions militaires de Strasbourg a annulé cette décision du 30 juillet 2018, a enjoint à la ministre des armées d'accorder une pension militaire d'invalidité à M. B... pour l'infirmité " séquelles graves d'entorse du genou gauche " au taux de 45 % à compter du 10 mai 2016 et a condamné l'Etat aux dépens et à la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er novembre 2019 et 8 juin 2020 à la cour administrative d'appel de Nancy, la ministre des armées demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires de Strasbourg du 15 juillet 2019 en tant que celui-ci a annulé sa décision du 30 juillet 2018 et a accordé une pension militaire d'invalidité à M. B... à un taux de 45 % à compter du 10 mai 2016 ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'aggravation de son invalidité était exclusivement imputable à l'infirmité pensionnée ; ils ont ainsi méconnu l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- en vertu de l'article L. 6 du code précité, les certificats médicaux produits après le 10 mai 2016, date de sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation, ne sont d'aucune utilité pour évaluer le taux d'invalidité de M. B... ;

- en tout état de cause, M. B... est correctement indemnisé pour l'état séquellaire de son entorse au genou gauche, au taux de 35 % et ce, conformément au guide barème des invalidités ;

- le tribunal des pensions militaires affirme que le taux d'invalidité retenu de 40 % est conforme au guide barème des invalidités, sans aucune justification.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2020, M. B..., représenté par Me Dakessian, conclut :

1°) au rejet de la requête de la ministre des armées ;

2°) à la confirmation du jugement du tribunal des pensions militaires de Strasbourg ;

3°) à titre subsidiaire, si la cour ne s'estime pas suffisamment éclairée, à la désignation d'un expert judiciaire avec pour mission de fixer le taux d'invalidité de son infirmité au 10 mai 2016, date de sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour aggravation de son infirmité ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à la compagnie d'assurance Allianz qui a pris en charge les honoraires d'avocat au titre de la protection juridique, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'aggravation de son infirmité est exclusivement imputable à son accident de service en 1987 et pour laquelle il est pensionné ;

- le tribunal a fait une exacte application du guide-barème des invalidités et a motivé sa décision ;

- l'aggravation de son infirmité a été correctement appréciée dans le respect des conditions de l'article L. 6 du code précité, devenu l'article L. 151-2, car les éléments médicaux produits ont permis d'objectiver la gêne fonctionnelle à la date de sa demande de révision.

Par une ordonnance du 11 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 avril 2022 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né en 1966, a été blessé au service au cours de son service militaire en avril 1987 et sera réformé à titre définitif le 16 septembre 1987. Une pension militaire d'invalidité au taux de 35 % lui a été concédée par un arrêté du ministre de la défense du 23 octobre 2006 pour une infirmité intitulé : " séquelles d'entorse grave du genou gauche traitée par double méniscectomie totale et suture du LCAE ; reprise par plastie de Mac Intosch et évolution arthrosique traitée par ostéotomie de valgisation-résection du bord externe de la rotule : boiterie, périmètre de marche à 200m ; hydarthrose avec genou globuleux (40cm/38cm) ; flexion limitée à 100°/140°, accroupissement limité au 1/3, amyotrophie quadricipitale (47cm/52cm) ; laxité objective ; gonarthrose tri-compartimentale confirmée radiologiquement ". Il a sollicité le 10 mai 2016 une révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de cette infirmité. Un refus lui a été opposé par la ministre des armées le 30 juillet 2018. Il a alors saisi le tribunal des pensions militaires de Strasbourg. Par un jugement du 15 juillet 2019, le tribunal a annulé la décision de la ministre des armées du 30 juillet 2018, a accordé à M. B... une pension militaire d'invalidité pour son infirmité à un taux de 45 % et a condamné l'Etat aux dépens et aux frais de procès. La ministre des armées relève appel du jugement du 15 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires de Strasbourg en tant que celui-ci a annulé sa décision du 30 juillet 2018 et a accordé une pension militaire d'invalidité à M. B... au taux de 45 % à compter du 10 mai 2016.

2. Aux termes de l'article L. 6, alors applicable, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, désormais codifié à l'article L. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B..., devenu l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ".

3. D'une part, il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. L'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. D'autre part, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction et plus particulièrement du rapport médical du 12 août 2016 que le genou gauche de M. B... est en voie de dégradation fonctionnelle évidente et que l'usure est globalisée et séquellaire de son ostéotomie de 2005. Un compte rendu d'IRM du 21 février 2011 précise que le genou gauche de M. B... subit une importante dégénérescence méniscale. L'expert désigné par la commission de réforme dans le cadre de l'instruction de la demande de révision de pension de M. B... précise dans son rapport du 20 février 2018 que l'aggravation de l'infirmité litigieuse est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives de l'infirmité pour laquelle la pension a été accordée, soit la gonarthrose de son genou gauche. Il conclut que l'état de santé de M. B..., consécutif à l'accident de service dont il a été victime, s'est aggravé depuis la dernière expertise et que le nouveau taux d'invalidité est de 45 %. Ainsi, au regard de ces éléments, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la ministre, l'aggravation de l'affection de M. B... ne résulte pas d'une cause étrangère alors même que ce dernier souffre d'une atteinte dégénérative des deux genoux.

5. En second lieu, le médecin expert qui a rendu le rapport médical du 20 février 2018 a estimé que l'aggravation de cette infirmité, sur la période comprise entre 2006 et le 10 mai 2016, date de la demande de révision de la pension militaire d'invalidité par M. B..., est réelle et qu'elle peut être estimée à 10 %. Cette appréciation n'est pas contestée en appel par la ministre. Si cette dernière fait valoir que le taux de pension militaire d'invalidité de 35 % déjà accordé à M. B... par son arrêté du 23 octobre 2016 aurait été surévalué par rapport aux indications figurant dans le guide-barème des invalidités de sorte qu'il n'y aurait en tout état de cause pas lieu de l'augmenter, l'erreur ainsi commise, à la supposer établie, ne saurait priver M. B... du droit à révision du taux de pension dont il bénéficiait jusqu'alors du fait de l'aggravation de son affection évaluée à 10 % par l'expert.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder à une expertise, que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Strasbourg a annulé sa décision du 30 juillet 2018 rejetant la demande de révision de pension militaire d'invalidité par M. B... et lui a enjoint d'accorder à M. B... une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles graves d'entorse du genou gauche " au taux de 45 % à compter du 10 mai 2016.

Sur les frais liés au litige :

7. Les conclusions tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au bénéfice de la compagnie d'assurances Allianz qui n'est pas partie au litige ne peuvent être que rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 26 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N°19NC03357


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03357
Date de la décision : 18/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DAKESSIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-18;19nc03357 ?
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