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05/05/2022 | FRANCE | N°21NC02347

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 05 mai 2022, 21NC02347


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... E... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 9 juin 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a ordonné leur transfert aux autorités allemandes, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin d'enregistrer leur demande d'asile selon la procédure normale dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur

conseil, pour chacun d'eux, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... E... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 9 juin 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a ordonné leur transfert aux autorités allemandes, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin d'enregistrer leur demande d'asile selon la procédure normale dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil, pour chacun d'eux, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2104420 et un jugement n° 2104421 du 16 juillet 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 21NC02347 le 17 août 2021, M. C..., représenté par Me Rommelaere, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2104420 du 16 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités allemandes ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin d'enregistrer sa demande d'asile selon la procédure normale dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet l991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- il n'a pas bénéficié de la garantie d'information prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'information lui ayant été donnée en langue serbe, qu'il ne comprend pas ;

- il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel conforme aux dispositions de l'article 5 de ce même règlement, dès lors qu'il n'est pas établi que cet entretien a été mené par une personne qualifiée ;

- il n'a pas bénéficié de l'information prévue par l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le retrait de l'aide juridictionnelle qui lui a été accordée le 12 juillet 2021 est illégal et porte atteinte à son droit à un procès équitable ainsi qu'à son droit à un recours effectif tels que protégés par les articles 6 et 47 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au principe du contradictoire.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 19 novembre 2021 et 23 mars 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés et précise que le transfert du requérant a été exécuté.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 21NC02348 le 17 août 2021, Mme C..., représenté par Me Rommelaere, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2104421 du 16 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités allemandes ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin d'enregistrer sa demande d'asile selon la procédure normale dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet l991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- elle n'a pas bénéficié de la garantie d'information prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'information lui ayant été donnée en langue serbe, qu'il ne comprend pas ;

- elle n'a pas bénéficié d'un entretien individuel conforme aux dispositions de l'article 5 de ce même règlement, dès lors qu'il n'est pas établi que cet entretien a été mené par une personne qualifiée ;

- elle n'a pas bénéficié de l'information prévue par l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le retrait de l'aide juridictionnelle qui lui a été accordée le 12 juillet 2021 est illégal et porte atteinte à son droit à un procès équitable ainsi qu'à son droit à un recours effectif tels que protégés par les articles 6 et 47 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au principe du contradictoire.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 19 novembre 2021 et 23 mars 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés et précise que le transfert de la requérante a été exécuté.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., ressortissants macédoniens, sont entrés en France, selon leurs déclarations le 4 mai 2021 et ont déposé une demande d'asile le 10 mai 2021. La consultation du fichier " Eurodac " ayant établi qu'ils avaient préalablement demandé l'asile auprès des autorités allemandes, une demande de reprise en charge a été adressée à celles-ci et a été acceptée par elles le 25 mai 2021. Par arrêtés du 9 juin 2021, la préfète du Bas-Rhin a décidé de transférer M. et Mme C... vers l'Allemagne. Ceux-ci relèvent appel des jugements du 16 juillet 2021 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des arrêtés du 9 juin 2021 :

2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent (...) ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...) ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert (...) ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

3. S'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... se sont vu remettre, le 10 mai 2021, la brochure " A. J'ai demandé l'asile dans l'UE - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " et la brochure " B. Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", qui constituent, ensemble, la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, il est constant que ces documents étaient rédigés en langue serbe, que les intéressés n'avaient pas déclaré comprendre. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il était raisonnablement possible de supposer qu'ils comprenaient cette langue, ce que leur seule nationalité macédonienne ne permet pas non plus d'établir. Si le préfet fait valoir qu'au cours de l'entretien individuel dont les intéressés ont bénéficié le 10 mai 2021, ces documents leur auraient été lus intégralement par l'interprète de langue macédonienne mis à leur disposition par le biais de l'application ISM interprétariat, l'obligation de remise par écrit des informations énumérées à l'article 4 du règlement du 26 juin 2013, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, est constitutive d'une garantie, distincte de celle tenant, en application de l'article 5 du même règlement, à la tenue d'un entretien individuel, au cours duquel ces informations peuvent, si cela est nécessaire à sa bonne compréhension, lui être à nouveau communiquées, et ce oralement. En outre, ni le résumé établi à l'issue de cet entretien, ni aucune autre pièce ne permettent d'affirmer que la lecture des documents évoqués précédemment par un interprète de langue macédonienne aurait été réalisé dans des conditions telles qu'elle ait pu représenter, en l'espèce, une garantie équivalente à celle de la remise par écrit des informations prévues par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir qu'ils ont été privés de cette garantie et à soutenir que ce vice entache la légalité des arrêtés du 9 juin 2021 ordonnant leur transfert aux autorités allemandes.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

En ce qui concerne le retrait de l'aide juridictionnelle :

5. Aux termes de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le bénéfice de l'aide juridictionnelle (...) est retiré, en tout ou partie, dans les cas suivants : (...) 3° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive (...) ". Aux termes de l'article 51 de la même loi : " Le retrait de l'aide juridictionnelle peut (...) intervenir d'office. (...) Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle ".

6. S'il est exact, comme l'a relevé le premier juge, que les requêtes introduites par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Strasbourg reposaient exclusivement sur des moyens présentés de façon stéréotypée, sans précision quant à leur situation, et n'étaient accompagnées d'aucune pièce susceptible de conforter leurs allégations, ces constatations ne permettaient pas, dans les circonstances de l'espèce, de considérer que la procédure engagée par les intéressés présentaient un caractère dilatoire ou abusif au sens des dispositions précitées de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, il y a lieu d'annuler les jugements attaqués en tant qu'ils retirent l'aide juridictionnelle accordée à M. et Mme C....

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. L'exécution du présent arrêt n'implique pas que le préfet enregistre les demandes d'asile de M. et Mme C... selon la procédure normale. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par les requérants.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que le conseil de M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Strasbourg du 16 juillet 2021 et les arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 9 juin 2021 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... E... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Vidal, présidente de chambre,

M. Rees, président-assesseur,

M. Goujon-Fischer, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLa présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC02347, 21NC02348


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02347
Date de la décision : 05/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ROMMELAERE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-05;21nc02347 ?
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