Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son assignation à résidence.
Par un jugement n° 2100562 du 8 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 juin 2021 M. A..., représenté par Me Berry demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 février 2021 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 26 janvier 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a assigné à résidence ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision méconnait les dispositions des articles L. 313-11-11° et L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de son état de santé ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant au motif que ses trois enfants résident en France depuis plus de quatre ans et y sont scolarisés.
Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :
- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
Sur l'assignation à résidence :
- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 25 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant russe, est entré sur le territoire français le 23 mars 2017 en compagnie de son épouse et de leurs trois enfants afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié le 19 juin 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 mars 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 21 décembre 2018 ainsi que sa demande de réexamen le 28 juin 2019 par la CNDA. Le 17 avril 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. A la suite d'un avis défavorable du collège des médecins de l'OFII du 30 septembre 2019, par un arrêté du 21 janvier 2020 dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2020 et une ordonnance du 18 novembre 2021 de la cour administrative d'appel de Nancy, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Le 26 janvier 2021, lui a été notifié un arrêté par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et un second arrêté du même jour par lequel la préfète a ordonné son assignation à résidence. Par la présente requête, M. A... fait appel du jugement du 8 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié " et de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... pourrait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour pour raisons de santé qui fasse obstacle à l'obligation de quitter le territoire français édictée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées est écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'intégralité de la famille est de nationalité russe et se trouve en situation irrégulière en France. La circonstance que les trois enfants soient en France depuis trois ans à la date de la décision attaquée et y soient scolarisés ne fait pas obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en fédération de Russie et qu'ils y poursuivent leur scolarité. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels le préfet a pris la décision attaquée et n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants. Il résulte de ces mêmes éléments qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision refusant le délai de départ volontaire :
6. A l'appui de sa demande, M. A... soutenait notamment que la décision lui refusant un délai de départ volontaire était entachée d'erreur manifeste d'appréciation alors que toute sa famille réside en France et qu'il avait le droit de se maintenir sur le territoire français le temps que le tribunal administratif se prononce sur son recours. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de cette décision doit être annulé.
7. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg en ce qui concerne la décision lui refusant un délai de départ volontaire.
8. En premier lieu, par un arrêté du 15 décembre 2020, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, la préfète du Bas-Rhin a donné délégation à Mme Hélène Montelly, secrétaire générale adjointe de la préfecture du Bas-Rhin, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas la décision attaquée. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de Mme C..., signataire des décisions attaquées, manque en fait et doit être écarté.
9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble de la famille du requérant se trouvait en France en situation irrégulière et que son épouse faisait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. En outre, la circonstance que M. A..., ait contesté devant le tribunal administratif de Strasbourg son obligation de quitter le territoire français, en l'absence de sursis à exécution de cette décision, ne lui donnait aucun droit à se maintenir sur le territoire français. Par suite, la décision lui refusant un délai de départ volontaire n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision refusant un délai de départ volontaire devrait être annulée, par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". D'une part, il ressort de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 septembre 2019 et ce n'est contredit par aucune pièce du dossier, que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et voyager sans risque vers ce pays. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il encourrait des risques actuels d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ce qui résulte également au demeurant de la décision de la CNDA du 21 décembre 2018. Par suite, la décision attaquée ne méconnait pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision interdisant son retour sur le territoire français devrait être annulée, par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
13. En second lieu, aux termes des premier et huitième alinéas du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
14. Il ressort des pièces du dossier que pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'un an à l'encontre de M. A..., la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur les circonstances que M. A... est entré et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, qu'il n'établissait pas avoir noué des liens intenses en France et qu'il s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Il s'ensuit qu'alors même que M. A... ne représente pas une menace à l'ordre public, la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
Sur l'assignation à résidence :
15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision l'assignant à résidence devrait être annulée, par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, lui interdisant de revenir sur le territoire français et l'assignant à résidence. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100562 du 8 février 2021 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A... à fin d'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg à fin d'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin
Délibéré après l'audience du 31 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- M. Rees, président-assesseur,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mai 2022.
La rapporteure,
Signé : M. B...La présidente,
Signé : S. VidalLa greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 21NC01857