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03/05/2022 | FRANCE | N°21NC02029

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 03 mai 2022, 21NC02029


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, M. A... C... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 23 novembre 2020 de la préfète du Bas-Rhin, pris à leur encontre, portant retrait d'attestation de demande d'asile, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi et de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la lecture de la décision de la Cour nationale du dr

oit d'asile et, en cas d'ordonnance de rejet, jusqu'à la notification de ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, M. A... C... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 23 novembre 2020 de la préfète du Bas-Rhin, pris à leur encontre, portant retrait d'attestation de demande d'asile, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi et de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile et, en cas d'ordonnance de rejet, jusqu'à la notification de celle-ci.

Par deux jugements n° 2007831 et 2007745 du 15 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté leur surplus des conclusions de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 14 juillet 2021 sous le n° 21NC02025, M. A... C..., représenté par Me Elsaesser, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 janvier 2021 le concernant ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 23 novembre 2020 le concernant ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une nouvelle attestation de demande d'asile jusqu'à l'issue définitive de la procédure devant la Cour nationale du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de cinquante euros par jours de retard, ou, à défaut, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 23 novembre 2020 jusqu'à la date de lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que, par une motivation très succincte, le premier juge a écarté le moyen tiré de ce que la préfète s'était crue en situation de compétence liée pour édicter l'obligation de quitter le territoire français ;

- la mesure d'éloignement est entachée d'une erreur de fait substantielle s'agissant de la mention du défaut de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de l'examen de sa demande de suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement ; le premier juge n'a pas procédé à un examen réel et sérieux à cet égard ; c'est à tort que le tribunal a écarté ces conclusions.

II. Par une requête enregistrée le 14 juillet 2021 sous le n° 21NC02029, Mme B... D..., représentée par Me Elsaesser, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 janvier 2021 la concernant ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 23 novembre 2020 la concernant ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une nouvelle attestation de demande d'asile jusqu'à l'issue définitive de la procédure devant la Cour nationale du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de cinquante euros par jours de retard, ou, à défaut, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 23 novembre 2020 jusqu'à la date de lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- c'est à tort que, par une motivation très succincte, le premier juge a écarté le moyen tiré de ce que la préfète s'était crue en situation de compétence liée pour édicter l'obligation de quitter le territoire français ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de l'examen de sa demande de suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement ; le premier juge n'a pas procédé à un examen réel et sérieux à cet égard ; c'est à tort que le tribunal a écarté ces conclusions.

Les requérants ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 14 juin 2021.

Les requêtes ont été régulièrement communiquées à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de conclusions.

Par des courriers du 15 mars 2022, les parties ont été informées, dans chacune des deux instances, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible relever d'office qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions relatives à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile, dès lors que cette décision est intervenue.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... et sa compagne Mme B... D..., ressortissants arméniens, relèvent appel des jugements du 15 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'ils ont rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 23 novembre 2020 de la préfète du Bas-Rhin, pris à leur encontre, portant retrait d'attestation de demande d'asile, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi, ainsi que ses conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, présentant à juger des questions communes, pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité des jugements attaqués :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le premier juge a répondu, de manière suffisamment détaillée par rapport aux écritures dont il était saisi, aux moyens tirés de ce que la préfète s'était crue en situation de compétence liée et de ce que l'exécution des mesures d'éloignement devait être suspendue dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Les jugements attaqués ne sont donc pas entachés d'insuffisance de motivation.

Sur la légalité des arrêtés litigieux :

4. En premier lieu, il ne ressort ni de la rédaction des arrêtés litigieux, ni des pièces des dossiers que la préfète du Bas-Rhin se serait crue en situation de compétence liée pour édicter des mesures d'éloignements à l'encontre des requérants, du seul fait du rejet de leurs demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit, invoqué à l'encontre des obligations de quitter le territoire français, doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il est constant que les demandes d'asiles des requérants, ressortissants d'un pays d'origine sûr, au sens de l'article L. 722- 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans ses dispositions alors applicables, ont été examinées dans le cadre de la procédure accélérée. Les intéressés ne disposaient du droit de se maintenir en France que jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, conformément aux dispositions, alors en vigueur, du 1° de l'article L. 723-2 et du 7° du premier alinéa de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, si l'arrêté concernant M. C... indique qu'il n'a pas saisi la Cour nationale du droit d'asile, alors qu'il avait présenté une demande d'aide juridictionnelle en vue de saisir cette juridiction, cette circonstance n'a pu que demeurer sans incidence sur la légalité des décisions le concernant.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

7. Les requérants font valoir que M. C... a été victime de persécutions émanant d'officiers arméniens à la suite de son intention de dénoncer des agissements de détournement de matériel militaire auxquels il avait été contraint de procéder, alors qu'il était militaire. Les requérants allèguent également avoir été victimes d'une agression à leur domicile en Arménie en octobre 2018, en lien avec ces dénonciations. Toutefois, leur seul témoignage est insuffisant, en l'espèce, pour tenir pour établi la réalité et l'actualité des risques allégués. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté leurs conclusions aux fins d'annulation.

Sur les conclusions relatives à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement :

9. Aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables devant le tribunal, désormais repris à l'article L. 752-5 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la Cour nationale du droit d'asile a, postérieurement à l'enregistrement des requêtes d'appel, rejeté les recours de M. C... et Mme D..., par des décisions lues le 3 décembre 2021. Dès lors, les conclusions tendant à la suspension de l'exécution des mesures d'éloignement ont perdu leur objet. Il en va de même des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer aux requérants des attestations de demande d'asile jusqu'à l'issue définitive de la procédure devant la Cour nationale du droit d'asile. Il n'y a, dès lors, plus lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les frais liés au litige :

11. L'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par les requérants ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21NC02025 de M. C... aux fins de sursis à exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile et d'injonction.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21NC02029 de Mme D... aux fins de sursis à exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile et d'injonction.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 21NC02025 de M. C... est rejeté.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 21NC02029 de Mme D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.

La présidente,

Signé : A. E...L'assesseur le plus ancien,

Signé : E. MEISSE

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

Nos 21NC02025, 21NC02029


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02029
Date de la décision : 03/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme la Pdte. Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : ELSAESSER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-03;21nc02029 ?
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