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03/05/2022 | FRANCE | N°21NC00085

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 03 mai 2022, 21NC00085


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2017 par lequel le maire de la commune de Saulny a délivré à la société Ambre un permis de construire une maison de santé et trois logements, la décision du 3 avril 2018 rejetant leur recours gracieux contre cet arrêté et l'arrêté du 18 février 2020 portant permis modificatif.

Par un jugement n° 1803491 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les

arrêtés des 28 décembre 2017 et 18 février 2020 en tant qu'ils ne prévoient pas que le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2017 par lequel le maire de la commune de Saulny a délivré à la société Ambre un permis de construire une maison de santé et trois logements, la décision du 3 avril 2018 rejetant leur recours gracieux contre cet arrêté et l'arrêté du 18 février 2020 portant permis modificatif.

Par un jugement n° 1803491 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés des 28 décembre 2017 et 18 février 2020 en tant qu'ils ne prévoient pas que les arbres plantés en remplacement de ceux qui seront abattus seront d'essence locale et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 12 janvier 2021, 27 décembre 2021 et 18 février 2022, M. B... A... et Mme D... A..., représentés par Me de Zolt, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 28 décembre 2017 et du 18 février 2020 ainsi que la décision du 3 avril 2018 du maire de Saulny ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Saulny et de la société Ambre une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur recours est recevable au regard des dispositions des articles L. 600-1-2 et R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les prescriptions étaient suffisamment motivées, alors que les avis sur lesquels se fondent ces prescriptions ne comportent pas de motivation en droit ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le raccordement au réseau de gaz était représenté dans le dossier de demande de permis modificatif ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le dossier de demande permettait d'apprécier l'insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes, leur moyen ne se limitant pas à l'absence de prise en considération de leur propre habitation ;

- les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme sont méconnues ;

- le projet n'est pas conforme aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- les dispositions des articles UA 2 et UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme sont méconnues ;

- le projet n'est pas conforme à la destination de l'emplacement réservé n° 1, alors que l'emplacement réservé n° 6 est destiné à l'aménagement d'un accès à la zone 1AU et qu'il n'est pas justifié du caractère exécutoire de la modification du plan local d'urbanisme ayant supprimé l'emplacement réservé en question.

Par trois mémoires enregistrés les 27 mai 2021, 10 janvier 2022 et 9 mars 2022, la commune de Saulny, représentée par Me Gillig, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre solidairement à la charge de M. et Mme A... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Arab pour la commune de Saulny.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'un recours dirigé contre l'arrêté du 28 décembre 2017 par lequel le maire de la commune de Saulny a délivré à la société Ambre un permis de construire une maison de santé et trois logements et contre la décision du 3 avril 2018 rejetant leur recours gracieux, avant de contester, au cours de l'instance devant le tribunal, l'arrêté du 18 février 2020 accordant un permis modificatif, portant sur les changements affectant une toiture-terrasse et des portes fenêtres. Par un jugement du 12 novembre 2020, le tribunal a annulé ces arrêtés, en tant qu'ils ne prévoient pas que les arbres plantés en remplacement de ceux qui seront abattus seront d'essence locale. M. et Mme A... doivent être regardés comme contestant ce jugement en tant qu'il rejette leurs conclusions tendant à l'annulation totale de ces autorisations d'urbanisme.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'insuffisance du volet paysager en relevant qu'" il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire comporte notamment deux documents graphiques " Au Pré Pierron " et " Rue de la Fontaine ", qui permettent d'apprécier l'aspect visuel du projet depuis ces rues, ainsi que des photographies de l'état initial des lieux, une vue aérienne, des plans de coupe et de façades qui ont permis au service instructeur d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement proche ". Par suite, si le tribunal a indiqué à tort que M. et Mme A... soutenaient que les documents graphiques produits ne permettaient pas d'apprécier l'insertion du projet par rapport à leur maison d'habitation, alors que les demandeurs alléguaient que les documents figurant au dossier ne permettaient pas de distinguer l'insertion du projet par rapport aux constructions voisines déjà existantes, et notamment à leur habitation, sans limiter leur argumentation à cette dernière, il a néanmoins répondu de manière suffisante au moyen dont il avait été saisi.

Sur la légalité des décisions litigieuses :

3. En premier lieu, si les articles L. 424-3 et R. 424-5 du code de l'urbanisme prévoient la motivation des prescriptions assortissant la délivrance d'un permis de construire, la motivation exigée peut résulter directement du contenu même des prescriptions. Si les requérants soutiennent que les avis émettant les multiples prescriptions dont est assorti le permis litigieux sont dépourvus de motivation en droit, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une motivation spécifique à cet égard s'imposait, à peine d'irrégularité d'une prescription dont la légalité conditionnerait celle du permis de construire litigieux lui-même.

4. En deuxième lieu, il n'est pas contesté qu'ainsi que le fait valoir la commune dans ses dernières écritures devant la cour, le projet n'a pas vocation à être raccordé au réseau public de distribution de gaz. Par suite, le défaut de représentation de ce réseau sur le plan de masse est sans incidence sur la conformité du dossier de demande aux exigences de l'article R 431-9 du code de l'urbanisme et donc sur la légalité des décisions en litige. Eu égard à l'office du juge d'appel, la circonstance que les premiers juges auraient estimé à tort que ce plan comportait une telle information ne saurait justifier, par elle-même, l'annulation du jugement.

5. En troisième lieu, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire comporte notamment deux photomontages, qui permettent d'apprécier l'aspect visuel du projet depuis la rue Au Pré Pierron et la rue de la Fontaine, ainsi que des photographies de l'état initial des lieux, une vue aérienne, des plans de coupe et de façades qui ont permis au service instructeur d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement proche. Dans ces conditions, la circonstance que certaines des habitations existantes n'apparaissent pas sur les documents graphiques n'a pas été de nature à fausser l'appréciation du service instructeur. Le moyen tiré de l'insuffisance du dossier au regard des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme doit donc être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. (...) ".

7. Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, en prenant en compte les perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Il en résulte qu'un permis de construire ne peut être accordé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.

8. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité (...). Les obligations imposées par l'alinéa ci-dessus s'étendent au branchement des équipements propres à l'opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes. (...) L'autorisation peut également, avec l'accord du demandeur et dans les conditions définies par l'autorité organisatrice du service public de l'eau ou de l'électricité, prévoir un raccordement aux réseaux d'eau ou d'électricité empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve que ce raccordement n'excède pas cent mètres et que les réseaux correspondants, dimensionnés pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soient pas destinés à desservir d'autres constructions existantes ou futures ".

9. Il résulte de ces dispositions combinées que, pour l'alimentation en électricité, relèvent des équipements propres à l'opération ceux qui sont nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction ou du terrain jusqu'au branchement sur le réseau public d'électricité qui existe au droit du terrain, en empruntant, le cas échéant, des voies privées ou en usant de servitudes, ou, dans les conditions définies au troisième alinéa de l'article L. 332-15, en empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve dans ce dernier cas que le raccordement n'excède pas cent mètres. En revanche, pour l'application de ces dispositions, les autres équipements de raccordement aux réseaux publics d'électricité, notamment les ouvrages d'extension ou de branchement en basse tension, et, le cas échéant, ceux assurant le renforcement des réseaux existants, ont le caractère d'équipements publics.

10. Il ressort des pièces du dossier, en particulier d'un courrier d'URM du 30 octobre 2017 et de l'acceptation de prise en charge signée pour le pétitionnaire le 17 novembre 2017, que le raccordement du projet au réseau électrique implique des travaux sous voirie depuis la rue des Ecoles ainsi que l'installation d'un câble d'une longueur d'environ 80 mètres et que ce raccordement ne pourra être utilisé pour desservir d'autres constructions existantes ou futures. L'article 6 de l'arrêté du 28 décembre 2017 impose au pétitionnaire la prise en charge du financement de ce raccordement sur le fondement de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, les travaux en cause constituent, pour l'application des dispositions citées précédemment, des équipements propres, alors même que l'avis d'URM utilise le terme d'extension du réseau. Dès lors que le projet ne nécessite pas de travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics, au sens de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que ces dispositions sont méconnues.

11. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'il y a lieu d'adopter les motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges, aux points 32 et 33 du jugement attaqué, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, ainsi que ceux figurant aux points 42 et 43 pour estimer que le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article UA 11.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saulny.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article UA 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saulny, relatif aux occupations et utilisations des sols admises et soumises à des conditions particulières, sont autorisés " 4. Les affouillements et exhaussements de sol à condition qu'ils soient liés et nécessaires aux occupations et utilisations du sol admises dans la zone. Les déblais et remblais sont autorisés sur une hauteur maximale de 0,70 mètre (en +, ou en -), cette hauteur sera mesurée entre le terrain naturel et le terrain fini ".

13. Ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de s'appliquer aux travaux de mise en état des terrains d'assiette des bâtiments et autres ouvrages dont la construction fait l'objet d'un permis de construire, lequel est délivré conformément à d'autres dispositions du même code et tient compte d'éventuels affouillements et exhaussements du sol. Ainsi, le moyen tiré de ce que les affouillements nécessités pour l'édification du bâtiment autorisé dépassent la profondeur de 70 centimètres mentionnée par l'article UA 2 doit être écarté.

14. En septième et dernier lieu, il ressort des pièces produites par la commune de Saulny en appel que la délibération du 29 novembre 2016, par laquelle le conseil municipal a approuvé la modification simplifiée n° 3 supprimant l'emplacement réservé qui grevait le terrain d'assiette du projet, a fait l'objet des mesures nécessaires à son entrée en vigueur, mentionnées notamment à l'article R. 153-21 du code de l'urbanisme, avant la délivrance du permis de construire litigieux. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet emplacement réservé doit donc être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont bornés à annuler les arrêtés litigieux en tant qu'ils ne précisaient pas que les arbres plantés en remplacement de ceux qui seront abattus seront d'essence locale et ont rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saulny et la société Ambre, qui n'ont pas la qualité de partie perdante, versent à M. et Mme A... la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saulny sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saulny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à

Mme D... A..., à la commune de Saulny et à la société Ambre.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.

La rapporteure,

Signé : A. C...Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 21NC00085


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00085
Date de la décision : 03/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme la Pdte. Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-03;21nc00085 ?
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