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28/04/2022 | FRANCE | N°21NC00942

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 28 avril 2022, 21NC00942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 1er février 2021 par lesquels la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin, d'une part a ordonné son transfert aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part l'a assignée à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100772 du 25 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal admi

nistratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 1er février 2021 par lesquels la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin, d'une part a ordonné son transfert aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part l'a assignée à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100772 du 25 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 26 mars et 2 novembre 2021 et 18 mars 2022, Mme B..., représentée par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 février 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2021 l'assignant à résidence ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a assignée à résidence ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 février 2021, en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation pour ses enfants mineurs de se présenter périodiquement aux forces de l'ordre ;

4°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin du 1er février 2021 en ce qu'il oblige ses enfants mineurs à se présenter périodiquement auprès des forces de l'ordre ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, l'obligation qui lui est faite de se présenter aux services de police de l'aéroport d'Entzheim impliquant une dépense qu'elle ne peut exposer dès lors qu'elle est dépourvue de ressources ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en tant qu'elle vise également ses deux enfants mineurs, dès lors qu'aucune disposition légale ou règlementaire n'autorise la préfète à imposer à ses enfants mineurs de se présenter périodiquement auprès des services de police et de gendarmerie ;

- la mesure lui faisant obligation de se présenter périodiquement auprès des services de police et de gendarmerie avec ses enfants mineurs constitue une ingérence dans le droit de ses enfants à la liberté de circulation protégée par l'article 2 du protocole 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 16 et 24 septembre et 3 novembre 2021, la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête..

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne fait que reproduire la demande de première instance ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 5 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laubriat,

- et les observations de Me Airiau, représentant Mme B....

1. Mme B..., ressortissante russe, est entrée irrégulièrement sur le territoire français. Elle a sollicité l'asile en France une première fois le 21 septembre 2018 auprès des services de la préfecture du Bas-Rhin. La comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes avec le fichier européen Eurodac a permis de constater que ses empreintes avaient déjà été relevées par les autorités allemandes à l'occasion du dépôt d'une précédente demande d'asile. Les autorités allemandes, saisies d'une demande de reprise en charge, ont accepté leur responsabilité le 1er octobre 2018. L'intéressée a effectivement été remise aux autorités allemandes le 28 février 2019. La requérante est revenue en France et a déposé une nouvelle demande d'asile le 14 mars 2019. Les autorités allemandes, à nouveau saisies d'une demande de reprise en charge, ont accepté leur responsabilité le 28 mars 2019. L'intéressée a effectivement été remise aux autorités allemandes le 19 février 2020. La requérante est revenue en France une troisième fois et a déposé une nouvelle demande d'asile le 11 décembre 2020. Par un arrêté du 1er février 2021, la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin a ordonné le transfert de Mme B... aux autorités allemandes. Par un second arrêté du même jour, la requérante a fait l'objet d'une décision d'assignation à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours. Mme B... fait appel du jugement du 25 février 2021 seulement en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté l'assignant à résidence.

Sur la fin de non-recevoir :

2. Contrairement aux affirmations de la préfète du Bas-Rhin, la requête d'appel ne se borne pas à reproduire la demande de première instance. Par suite, la préfète du Bas-Rhin n'est pas fondée à soutenir que la requête serait irrecevable car dépourvue de moyens d'appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté d'assignation à résidence :

3. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis.". Aux termes de l'article L. 561-1 du même code : " (...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Il doit également se présenter, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage (...) ".

4. D'une part, si une décision d'assignation à résidence doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle sont divisibles de la mesure d'assignation elle-même. D'autre part, les obligations de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, susceptibles d'être imposées par l'autorité administrative en vertu de l'article L. 561-1 précité, doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent et ne sauraient, sous le contrôle du juge administratif, porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir.

5. L'article 3 de l'arrêté contesté du 1er février 2021 impose à la requérante de se présenter, accompagnée de ses enfants mineurs, les mercredis, hors jours fériés, entre 9 heures et 10 heures au service de la direction interdépartementale de la police aux frontières (DIDPAF) de l'aéroport de Strasbourg-Entzheim, pour y confirmer sa présence.

6. En premier lieu, en se bornant à soutenir qu'en raison de son impécuniosité, elle n'est pas en mesure de prendre le train, la requérante n'établit pas être dans l'impossibilité de déférer à l'obligation de présentation prononcée à son encontre dès lors notamment qu'elle n'établit pas ni même n'allègue avoir sollicité le bénéfice de la tarification solidaire mise en place sur le réseau de transport collectif de l'Eurométropole. Elle n'établit pas davantage que la préfète du Bas-Rhin aurait ainsi pris une mesure disproportionnée au regard des buts poursuivis, compte tenu de la faiblesse des montants en cause et de la fréquence des présentations. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

7. En second lieu, ni les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées, ni aucune disposition législative ou règlementaire ou stipulation conventionnelle, notamment pas les stipulations de l'article 2 du protocole n° 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne font obstacle à ce que, pour assurer l'exécution de la décision de transfert, un ressortissant étranger assigné à résidence soit soumis à une obligation de pointage en présence de son enfant mineur. Toutefois, si la préfète du Bas-Rhin soutient en appel que l'assignation à résidence a pour objet de permettre la réalisation du transfert, l'obligation de pointage hebdomadaire, qui est une mesure de surveillance, ne peut être regardée comme constituant par elle-même une convocation aux fins d'exécution de la mesure de transfert. Il appartient ainsi à l'autorité préfectorale de justifier que l'obligation de pointage, telle qu'elle a été arrêtée, est nécessaire et adaptée à l'objectif poursuivi. En l'espèce, la préfète du Bas-Rhin ne démontre pas en appel que lorsque Mme B... vient satisfaire à son obligation de pointage hebdomadaire, la présence à ses côtés de ses enfants mineurs serait nécessaire et adaptée à l'objectif poursuivi par la mesure d'assignation à résidence qui est de s'assurer que Mme B... n'a pas quitté le périmètre où elle est assignée.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 1er février 2021 portant assignation à résidence uniquement en tant qu'il oblige ses enfants mineurs à l'accompagner lorsqu'elle satisfait à son obligation hebdomadaire de présentation à C... à l'aéroport de Strasbourg-Entzheim.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Airiau, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Airiau de la somme de 1200 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 1er février 2021 par lequel la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin a assigné Mme B... à résidence est annulé seulement en tant qu'il l'oblige à se présenter avec ses enfants mineurs à C... à l'aéroport de Strasbourg-Entzheim.

Article 2 : L'Etat versera à Me Airiau, avocat de Mme B..., une somme de 1200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Airiau renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.

Le président,

signé

A. LAUBRIATL'assesseur le plus ancien,

signé

E. MEISSE

La greffière,

signé

C. JADELOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

signé

C. JADELOT

2

N° 21NC00942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00942
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-28;21nc00942 ?
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