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30/03/2022 | FRANCE | N°21NC00391

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 30 mars 2022, 21NC00391


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 février, 13 octobre et 24 novembre 2021, la SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel le maire de la commune de Chaumont a délivré à la société SNC Lidl un permis de construire, en tant que celui-ci vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Chaumont et de l'Etat la somme de 1 500 euros chacun en applicati

on de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa req...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 février, 13 octobre et 24 novembre 2021, la SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel le maire de la commune de Chaumont a délivré à la société SNC Lidl un permis de construire, en tant que celui-ci vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Chaumont et de l'Etat la somme de 1 500 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable, dès lors qu'elle justifie d'un intérêt pour agir contre la décision contestée, et que, contrairement à ce que soutient la commune, elle lui a régulièrement notifié son recours en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- la " demande de revoyure " de la société Lidl aurait dû être rejetée comme irrecevable par la Commission nationale d'aménagement commercial, dès lors qu'elle ne lui a pas été notifiée conformément aux dispositions de l'article R. 752-43-4 du code de commerce, et qu'elle ne prend pas en compte les motivations du précédent avis de cette commission, en méconnaissance de l'article L. 752-21 du même code ;

- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est insuffisamment motivé ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial ne s'est pas prononcée en connaissance de cause en raison du caractère incomplet du dossier de demande ;

- l'autorisation a été délivrée en méconnaissance des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce, dès lors que le projet compromet l'objectif d'aménagement du territoire, du fait de son impact négatif sur les commerces de centre-ville, de son impact sur les flux de circulation, de l'absence de garantie de réalisation des aménagements routiers permettant sa desserte, et de sa consommation non-économe d'espace, ainsi que l'objectif de développement durable, du fait de sa qualité environnementale insuffisante.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 juillet et 4 novembre 2021, la commune de Chaumont, représentée par Me Salamand, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Distribution Casino France la somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est irrecevable, dès lors qu'elle ne lui a pas été notifiée conformément aux exigences de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, et que, subsidiairement, aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 septembre et 25 novembre 2021, la société SNC Lidl, représentée par Me Bozzi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Distribution Casino France la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Castelli substituant Me Bolleau pour la SAS distribution Casino France, ainsi que celles de Me Juliac-Degrelle pour la SNC Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. Le 31 mai 2019, la SNC Lidl a sollicité la délivrance d'un permis de construire relatif à la création d'un ensemble commercial composé d'un supermarché à l'enseigne Lidl d'une surface de vente de 1 420 m² et d'un kiosque d'une surface de vente de 20 m², sur le territoire de la commune de Chaumont. Alors que la commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Marne s'était prononcée en faveur du projet, la Commission nationale d'aménagement commercial, sur le recours de la SAS Distribution Casino France, a émis un avis défavorable le 3 décembre 2019. Le 25 mai 2020, la SNC Lidl a déposé une nouvelle demande de permis de construire. Directement saisie, la Commission nationale d'aménagement commercial a, le 1er octobre 2020, émis un avis favorable au projet faisant l'objet de cette nouvelle demande. Par un arrêté du 15 décembre 2020, le maire de la commune de Chaumont a délivré le permis de construire sollicité.

2. La SAS Distribution Casino France demande à la cour d'annuler ce permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la recevabilité de la requête :

3. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de (...) recours contentieux à l'encontre (...) d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux ".

4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des courriers de notification et des accusés de réception produits par la requérante, que le présent recours contentieux, enregistré le 12 février 2021 au greffe de la cour, a été notifié à la Commission nationale d'aménagement commercial le 16 février 2021, à la société Lidl les 16 et 18 février 2021, et à la commune de Chaumont le 17 février 2021. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la commune, tirée du défaut d'accomplissement de la formalité prévue par les dispositions de l'article R. 600-1 précité, ne peut qu'être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la nouvelle demande d'autorisation :

5. Aux termes de l'article L. 752-21 du code de commerce : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale. / Lorsque la nouvelle demande ne constitue pas une modification substantielle au sens de l'article L. 752-15 du présent code, elle peut être déposée directement auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial ". Aux termes de l'article R. 752-43-4 de ce code : " La nouvelle demande comprend, outre l'avis ou la décision de la Commission nationale rendu sur le projet, le dossier actualisé de demande d'autorisation d'exploitation commerciale. / A peine d'irrecevabilité, la demande est accompagnée d'un exposé synthétique des ajustements apportés au projet. / A peine d'irrecevabilité, le demandeur dispose de cinq jours, à compter de la saisine de la Commission nationale, pour notifier la nouvelle demande au préfet du département d'implantation du projet et, s'il y a lieu, à chaque requérant auteur d'une précédente saisine de la Commission nationale sur le même projet. Cette notification comporte une copie de l'exposé synthétique mentionné à l'alinéa précédent. (...) / Lorsque la réalisation du projet nécessite un permis de construire, le délai de cinq jours court, sous la même sanction d'irrecevabilité, à compter de la date d'enregistrement de la nouvelle demande en mairie, le récépissé délivré par le maire faisant foi ".

S'agissant de la notification de la nouvelle demande :

6. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 26 mai 2020, la SNC Lidl a notifié à la SAS Distribution Casino France, auteure de la précédente saisine de la Commission nationale d'aménagement commercial sur le même projet, l'avis défavorable de cette commission du 3 décembre 2019, le récépissé de dépôt de sa nouvelle demande de permis de construire, daté du 25 mai 2020, et un exposé synthétique des ajustements apportés au projet initial. D'une part, les dispositions de l'article R. 752-43-4 du code de commerce précité n'imposaient pas à la SNC Lidl de joindre à ce courrier, en outre, le dossier actualisé de sa demande d'autorisation d'exploitation commerciale. D'autre part, le courrier a été réceptionné par la SAS Distribution Casino France le 29 mai 2020, avant l'expiration du délai de cinq jours prévu par les mêmes dispositions. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la nouvelle demande ne lui a pas été régulièrement notifiée.

S'agissant de la prise en compte des motivations du premier avis de la commission nationale :

7. Il ressort des pièces du dossier que la Commission nationale d'aménagement commercial a, le 3 décembre 2019, émis un avis défavorable au fond sur le projet initialement présenté par la SNC Lidl aux motifs, d'une part, qu'il risque de générer des friches commerciales, dès lors que la reprise des deux magasins Lidl existants, à Chaumont et à Chamarandes-Choignes, dont il implique la fermeture, n'est pas garantie, et d'autre part, que son insertion paysagère et architecturale dans son environnement immédiat, constitué par un quartier d'habitation, n'est pas satisfaisante en raison, notamment, d'un manque de discrétion chromatique de ses façades.

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, postérieurement au premier avis de la commission nationale, la SNC Lidl a conclu, le 12 février 2020, avec une société immobilière, un bail pour la reprise de son magasin de Chamarandes-Choignes, dont les locaux lui appartiennent. Par ailleurs, la commune envisage de racheter les locaux du magasin de Chaumont, dont la SNC Lidl était locataire. Eu égard à ces éléments nouveaux, cette dernière doit être regardée comme ayant pris en compte le premier motif retenu par la commission nationale dans son avis du 3 décembre 2019.

9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet modifié comporte, outre des façades aux coloris plus neutres et discrets que ceux initialement envisagés, et expressément remis en cause par la commission nationale, la suppression des panneaux publicitaires en façade sur du bâtiment et leur remplacement par des arbres, une augmentation du nombre d'arbres, de 62 à 113, dont une partie plantés entre les places de stationnement afin de créer des coupures végétales, une augmentation des surfaces enherbées, une réduction des places de stationnement, de 130 à 119 et la végétalisation de la moitié de ces places. Compte tenu de ces différentes modifications apportées au projet initial, et qui sont de nature à améliorer son insertion paysagère et architecturale dans son environnement immédiat, la SNC Lidl doit être regardée comme ayant pris en compte le second motif retenu par la commission nationale dans son avis du 3 décembre 2019.

10. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la Commission nationale d'aménagement commercial s'est prononcée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 752-21 du code de commerce précité.

En ce qui concerne la motivation de l'avis de la commission nationale :

11. Si, en vertu de l'article R. 752-16 du code de commerce, l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial doit être motivé, cette obligation n'implique pas que celle-ci soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables, ni de répondre expressément aux arguments invoqués devant elle lors de l'instruction de la demande.

12. La requérante soutient que l'avis du 1er octobre 2020 est insuffisamment motivé en ce qu'il ne se prononce pas sur la question de l'impact du projet sur l'animation de la vie urbaine, alors même que ses observations devant la Commission nationale d'aménagement commercial ont porté sur cette question et qu'elle a fait l'objet d'un avis défavorable de la part de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Toutefois, en indiquant dans son avis que " le projet s'implantera dans un quartier d'habitation " et que " la clientèle bénéficiera d'un magasin neuf à distance raisonnable des magasins actuels, implantés eux-mêmes au sein de quartiers d'habitation ", la commission nationale a expressément pris parti à ce sujet. Ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, elle n'avait pas, en outre, à répondre expressément à l'intégralité de l'argumentation développée par la requérante devant elle, ni à motiver spécialement son avis au regard de l'avis défavorable émis par la ministre. Dans ces conditions, et dès lors que l'avis en litige comporte, pour le reste, un énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté.

En ce qui concerne le contenu du dossier de demande d'autorisation :

13. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) III.- La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. / IV.- Le demandeur d'une autorisation d'exploitation commerciale doit démontrer, dans l'analyse d'impact mentionnée au III, qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé. En l'absence d'une telle friche, il doit démontrer qu'aucune friche existante en périphérie ne permet l'accueil du projet envisagé ".

14. Aux termes de l'article R. 752-6 de ce code : " I.- La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. (...) / 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. (...) / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; (...) / e) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; / f) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales, la mention des principales caractéristiques de ces aménagements, une estimation des coûts indirects liés aux transports supportés par les collectivités comprenant la desserte en transports en commun, ainsi qu'une présentation des avantages, économiques et autres, que ces aménagements procureront aux collectivités ; (...) ".

15. En premier lieu, la requérante soutient que la SNC Lidl n'a pas transmis la " démonstration anti-friche " prévue par le IV de l'article L. 752-6 précité, et n'a donc pas démontré que son projet ne pourrait pas s'implanter sur une friche située en centre-ville, ou sur les sites des magasins Lidl devant être transférés dans le cadre de l'opération projetée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande, la SNC Lidl a fourni une étude d'impact, réalisée en mars 2020, recensant les friches existantes en centre-ville, dont les surfaces de vente, comprises entre 30 et 700 m², ne permettaient pas, à l'évidence, d'accueillir le projet en litige, eu égard à sa surface de vente de 1 440 m². Par ailleurs, la SNC Lidl n'avait pas à faire état, dans cette étude d'impact, de ses magasins de Chaumont et de Chamarandes-Choignes, dès lors qu'ils ne constituent pas des friches existantes. Enfin, elle n'avait pas à démontrer qu'aucune friche existante en périphérie ne permettait l'accueil du projet envisagé, puisqu'il est constant que ce dernier vient occuper une friche existante en périphérie.

16. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande d'autorisation présenté par la SNC Lidl comportait une analyse détaillée et chiffrée des flux journaliers de circulation de voitures particulières et de véhicules de livraison générés par le projet, des flux prévisionnels de déplacement dans la zone de chalandise et des capacités des infrastructures de transport existantes. La requérante n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude et la pertinence de ces éléments qui, contrairement à ce qu'elle fait valoir, étaient suffisants pour permettre à la commission nationale d'apprécier en toute connaissance de cause l'impact du projet en termes de flux de circulation.

17. En troisième lieu, la fourniture de documents garantissant le financement et la réalisation effective, à la date d'ouverture de l'équipement commercial, d'aménagements envisagés pour la desserte du projet, n'est, aux termes mêmes du f) du 3° du I de l'article R. 752-6 du code de commerce précité, requise que pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales. Si le projet comporte le déplacement de l'un des accès existants au site, il est constant que les travaux seront entièrement réalisés et pris en charge par la SNC Lidl. Par suite, cette dernière n'avait pas à fournir de documents garantissant leur financement et leur réalisation effective.

En ce qui concerne l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial :

18. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ". Aux termes de l'article L. 752-6 de ce code, alors applicable : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / (...) b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; (...) ".

19. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs définis à l'article L. 750-1 du code de commerce précité, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi.

S'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire :

Quant au critère des effets du projet sur l'animation urbaine :

20. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige consiste à déplacer les magasins Lidl implantés à Chaumont et à Chamarandes-Moignes, respectivement depuis 1994 et 2010, pour les réunir en un même lieu. Les magasins actuels sont situés respectivement à 2,2 et 3,4 km du centre-ville de Chaumont et à 1,5 km et 200 mètres du terrain d'assiette du projet, lequel est éloigné de 2,6 km du même centre-ville, soit une distance comparable. En outre, la surface de vente du projet, 1 440 m², est équivalente à la surface combinée des magasins existants, soit 685 m² pour celui de Chaumont et 739 m² pour celui de Chamarandes-Moignes. Si la requérante soutient que le projet, qui n'utilise que 12 400 des 18 061 m² de son terrain d'assiette, risque de ne représenter que la première tranche d'un projet plus vaste qui portera encore plus atteinte à l'animation de l'offre de centre-ville de Chaumont, et qu'il va créer des friches commerciales en lieu et place des actuels magasins Lidl et Leader Price à Chaumont, ces allégations procèdent de simples conjectures qu'aucun élément du dossier ne permet d'étayer. Dans ces conditions, et alors même que le taux de vacance commerciale au centre-ville de Chaumont est supérieur à la moyenne nationale, que la commune de Chaumont fait partie des villes choisies pour bénéficier du programme " Action cœur de ville " et a bénéficié de plusieurs subventions " FISAC ", et que plusieurs quartiers avoisinants font l'objet d'une convention pluriannuelle de renouvellement urbain, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet aura des effets négatifs sur l'animation de la vie urbaine.

21. Par ailleurs, ni la densité de l'offre commerciale existante dans la zone de chalandise, ni la variation de la population dans cette zone ne figurent au nombre des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce précité. Par suite, la requérante ne peut pas utilement s'en prévaloir.

Quant au critère des effets du projet sur les flux de circulation :

22. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'analyse de circulation jointe au dossier de demande d'autorisation, mentionnée au point 16, que le trafic supplémentaire généré par le projet ne sera que de 0,44 à 0,75 % et qu'il est parfaitement compatible avec la capacité des infrastructures routières existantes. Par ailleurs, les allégations de la requérante relatives au risques d'accidents liés à l'accès des véhicules de livraison au site du projet ne sont étayées par aucun élément concret. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 17, le déplacement de l'accès au site depuis la voie publique sera intégralement pris en charge par la SNC Lidl, ce qui, compte tenu de l'intérêt évident de cette dernière à son propre projet, ne peut qu'en garantir la réalisation. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet aura un effet négatif sur les flux de transports.

Quant au critère de la consommation économe de l'espace :

23. Il ressort des pièces du dossier que le projet est implanté sur un lot de 12 400 m² au sein d'une friche industrielle d'une surface totale de 18 061 m², comportant un ancien garage et un parc de stationnement pour poids lourds. Il est constant que les 12 400 m² de son terrain d'assiette sont entièrement imperméabilisés, et que le projet prévoit d'en rendre à nouveau perméable 6 385 m², dont 4 890 en espaces verts et 1 495 en places de stationnement drainantes ou végétalisées. Par conséquent, la requérante ne peut pas sérieusement soutenir que le projet irait à l'encontre de l'impératif de lutte contre l'artificialisation des sols.

24. Par ailleurs, les circonstances que la SNC Lidl n'ait pas fourni d'indication sur le devenir de l'autre lot de la friche existante, qu'une partie des espaces verts et des places de stationnement projetés se trouve en zone UDc du plan local d'urbanisme et dans le périmètre d'une Aire de mise en Valeur de l'Architecture et du Patrimoine et d'un Site Patrimonial Remarquable sont sans incidence sur l'appréciation du critère de la consommation économe de l'espace et, en tout état de cause, sur la légalité du permis de construire contesté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

S'agissant de l'objectif du développement durable :

25. Il ressort des pièces du dossier que l'isolation du bâtiment lui permettra d'obtenir une performance énergétique supérieure à celle imposée par les décrets et arrêtés du 28 décembre 2012 sur la réglementation thermique de 2012, qu'il sera doté d'équipements économes en énergie, notamment 930 m² de panneaux photovoltaïques sur sa toiture, et utilisera des matériaux de charpente et d'habillage et des procédés d'éclairage et de réfrigération écoresponsables. Si la requérante fait valoir que ces éléments sont insuffisants, elle fonde ses allégations exclusivement sur le rapport établi par la direction départementale des territoires de la Haute-Marne au sujet du projet initial. Or, d'une part, l'avis favorable au projet qui conclut ce rapport n'est assorti d'aucune réserve relative à sa qualité environnementale, et d'autre part, les modifications apportées au projet initial portent notamment sur ce point et traduisent la prise en compte des observations contenues dans le rapport. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 23, plus de la moitié du terrain d'assiette du projet, actuellement imperméabilisé, est rendue perméable. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet ne satisfait pas au critère de la qualité environnementale, ni à plus forte raison qu'il est de nature à compromettre l'objectif de développement durable.

26. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la SAS Distribution Casino France ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Chaumont ou de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme à verser à la SNC Lidl. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Distribution Casino France la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Chaumont.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de la SAS Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La SAS Distribution Casino France versera à la commune de Chaumont la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Distribution Casino France, la commune de Chaumont, la Commission nationale d'aménagement commercial et la SNC Lidl.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller.

Rendu public par mis à disposition au greffe, le 30 mars 2022.

Le rapporteur,

Signé : P. Rees La présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne à la préfète de la Haute-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 21NC00391 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00391
Date de la décision : 30/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : FIDUCIAL LEGAL BY LAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-30;21nc00391 ?
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