La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2022 | FRANCE | N°20NC02099

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 30 mars 2022, 20NC02099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés des 19 juin et 1er juillet 2020 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a décidé, respectivement, de l'assigner à résidence dans le département du Bas-Rhin pendant une durée de 45 jours, et d'ordonner son transfert aux autorités belges.

Par un jugement n° 2003853 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré

e le 23 juillet 2020, Mme B... A..., représentée par Me Gaudron, demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés des 19 juin et 1er juillet 2020 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a décidé, respectivement, de l'assigner à résidence dans le département du Bas-Rhin pendant une durée de 45 jours, et d'ordonner son transfert aux autorités belges.

Par un jugement n° 2003853 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2020, Mme B... A..., représentée par Me Gaudron, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003853 du tribunal administratif de Strasbourg du 17 juillet 2020 ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de transfert :

- la décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'elle n'a pas bénéficié d'un entretien individuel confidentiel, mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, et dans une langue qu'elle comprend ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 23 de ce règlement, dès lors que les autorités belges ont été saisies de la demande de reprise en charge postérieurement à l'expiration du délai qu'il prévoit ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article 17 de ce règlement, et elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- la décision est irrégulière, dès lorsqu'elle n'a pas reçu l'information prévue par l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision de transfert ;

- elle n'est pas justifiée dans son principe et dans sa durée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 décembre 2020 et 12 octobre 2021, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de M. Rees, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par des arrêtés des 19 juin et 1er juillet 2020, la préfète du Bas-Rhin a décidé, respectivement, d'assigner Mme A... à résidence dans le département du Bas-Rhin pendant une durée de 45 jours, et d'ordonner son transfert aux autorités belges. Mme A..., qui a été, entretemps, le 17 août 2020, transférée aux autorités belges, relève appel du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) ".

3. Contrairement à ce que soutient la préfète, la recevabilité d'une requête d'appel n'est pas subordonnée à une critique expresse du jugement attaqué ou de ses motifs, et la requête présentée par Mme A... ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire de première instance. Par suite, la préfète n'est pas fondée à soutenir que la requête ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative précité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. / Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l'État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale au sens de l'article 20, paragraphe 2. / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 742-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat ".

5. Il est constant qu'avant la demande de protection internationale qu'elle a déposée le 31 janvier 2020, et qui a donné lieu à l'arrêté contesté du 1er juillet 2020, Mme A... avait déposé une demande de protection internationale en France le 14 juin 2018, à la suite de laquelle elle avait été, le 20 novembre 2018, transférée aux autorités belges, qui avaient accepté de la reprendre en charge. Entretemps, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'attestation de demande d'asile " procédure Dublin ", délivrée par le préfet du Bas-Rhin le 13 mars 2019, que la requérante a, au plus tard à cette date, présenté une demande de protection internationale distincte des précédentes. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas soutenu, que cette demande de protection internationale aurait fait l'objet d'une requête aux fins de reprise en charge dans l'un des délais prévus par les dispositions du paragraphe 2 de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 précité. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que ces délais n'avaient pas expiré le 13 février 2020, date à laquelle les autorités belges ont été saisies d'une telle requête à la suite de la demande de protection internationale présentée par l'intéressée le 31 janvier 2020. Dès lors, en application du paragraphe 3 de l'article 23, la France était, à la date des arrêtés contestés, responsable de l'examen de la demande de protection internationale de Mme A.... Par suite, la préfète du Bas-Rhin ne pouvait plus légalement décider de l'assigner à résidence en vue de son transfert aux autorités belges, ni décider de ce transfert.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle soulève, que la requérante est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, qui a rejeté à tort ses conclusions dirigées contre les arrêtés des 19 juin et 1er juillet 2020, et l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Le présent arrêt implique nécessairement que Mme A... soit mise à même de présenter sa demande aux autorités françaises chargées de l'asile et qu'elle soit admise au séjour pendant la durée de l'examen de sa demande. Il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de procéder, dans le délai de deux semaines à compter de la notification du présent arrêt, à l'enregistrement de la demande d'asile de la requérante, de lui délivrer un formulaire de demande d'asile et l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

8. Mme A... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gaudron de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2003853 du tribunal administratif de Strasbourg du 17 juillet 2020 et les arrêtés de la préfète du Bas-Rhin des 19 juin et 1er juillet 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de procéder, dans le délai de deux semaines à compter de la notification du présent arrêt, à l'enregistrement de la demande d'asile de Mme A..., de lui délivrer un formulaire de demande d'asile et une attestation de demande d'asile.

Article 3 : L'Etat versera à Me Gaudron, avocate de Mme A..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gaudron renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mis à disposition au greffe, le 30 mars 2022.

Le rapporteur,

Signé : P. Rees La présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 20NC02099 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02099
Date de la décision : 30/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : GAUDRON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-30;20nc02099 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award