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30/03/2022 | FRANCE | N°19NC03226

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 30 mars 2022, 19NC03226


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Bourbonne-les-Bains a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'enjoindre à Mme B... A... de quitter le logement qu'elle occupe, situé 1 rue des Ecoles à Bourbonne-les-Bains, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de condamner Mme A... à lui verser une somme de 300 euros par mois d'occupation irrégulière, à compter du 1er juin 2017 jusqu'à la notification du présent jugement, et à lui r

embourser les charges liées à cette occupation, notamment d'électricité et de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Bourbonne-les-Bains a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'enjoindre à Mme B... A... de quitter le logement qu'elle occupe, situé 1 rue des Ecoles à Bourbonne-les-Bains, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de condamner Mme A... à lui verser une somme de 300 euros par mois d'occupation irrégulière, à compter du 1er juin 2017 jusqu'à la notification du présent jugement, et à lui rembourser les charges liées à cette occupation, notamment d'électricité et de chauffage.

Par un jugement n° 1800078 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a enjoint Mme A... à quitter le logement dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement, à défaut de ce qu'elle le quitte, à ce qu'une astreinte de 50 euros par jour de retard soit mise à sa charge et à ce que Mme A... soit condamnée à verser à la commune de Bourbonne-les-Bains une somme de 4 135 euros en réparation de son entier préjudice résultant de l'occupation sans droit ni titre de son domaine public du 1er juin 2017 jusqu'à la date du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 et 19 novembre 2019 et les 5 et 17 décembre 2019, Mme A..., représentée par Me Richard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er octobre 2019 ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'astreinte prononcée ;

3°) à titre encore plus subsidiaire, de déduire du montant de l'indemnité d'occupation les factures d'électricité et de chauffage acquittées directement par Mme A... pour un montant de 1 492,02 euros ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bourbonne-les-Bains le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle détient un titre d'occupation depuis le 1er mai 2019 conformément à la délibération du conseil municipal du 14 mars 2019 et de la convention d'occupation qu'elle a signée le 2 septembre 2019 ;

- le fait que l'administration n'ait reçu la convention que le 3 septembre est sans incidence sur la conclusion de cette convention dès lors qu'il convient de prendre en compte la date d'envoi et non la date de réception de son courrier ;

- le montant de l'astreinte doit être réduit à une somme plus raisonnable compte-tenu des revenus limités de Mme A... ;

- les factures d'électricité et de chauffage acquittées directement par Mme A... du 1er février 2017 à la date du jugement attaqué pour un montant total de 1 492 euros doivent venir en déduction de l'indemnité d'occupation du logement de 4 135 euros dès lors que les charges sont comprises dans le montant de l'indemnité.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 décembre 2019 et le 21 juillet 2020, la commune de Bourbonne-les-Bains représentée par Me Choffrut conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier et notamment l'ordonnance du 27 décembre 2019 n° 19NC03228 du premier vice-président de la cour administrative d'appel de Nancy rejetant la demande de sursis à exécution du jugement n° 1800078 du 1er octobre 2019.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lehmann substituant Me Richard, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Bourbonne-les-Bains est propriétaire d'un appartement qu'elle destine au logement des personnes se trouvant en situation d'urgence sociale. A compter du début de l'année 2014, elle a mis ce logement à la disposition de Mme B... A... et a conclu avec cette dernière, le 28 mai 2014, une convention d'occupation précaire de ce logement, à caractère provisoire et révocable, pour une durée de trois ans à compter du 1er juin 2014. Par une décision du 1er février 2017, la commune a informé Mme A... de sa volonté de ne pas reconduire cette convention lorsqu'elle serait arrivée à son terme le 31 mai 2017. Par la présente requête, Mme A... fait appel du jugement du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a enjoint à quitter le logement dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement, à défaut de le quitter, à ce qu'une astreinte de 50 euros par jour de retard soit mise à sa charge et à ce que Mme A... soit condamnée à verser à la commune de Bourbonne-les-Bains une somme de 4 135 euros en réparation de son entier préjudice résultant de l'occupation sans droit ni titre de son domaine public du 1er juin 2017 jusqu'à la date du jugement.

Sur les conclusions à fin d'expulsion du domaine public :

2. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique (...) ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". L'autorité propriétaire ou gestionnaire du domaine public est recevable à demander au juge administratif l'expulsion de l'occupant irrégulier du domaine public. Il incombe au juge administratif, saisi d'un litige relatif à l'expulsion d'un occupant d'un logement relevant du domaine public communal, de prendre en compte, d'une part, la destination du logement qui a pour objet d'accueillir des personnes se trouvant dans une situation d'urgence sociale et, d'autre part, la situation de l'occupant en cause.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que par une décision du 1er février 2017, devenue définitive, la commune de Bourbonne-les-Bains a informé Mme A... de sa volonté de ne pas reconduire la convention d'occupation du logement dont elle bénéficiait lorsqu'elle serait arrivée à son terme le 31 mai 2017 conformément au préavis de trois mois prévu à la convention d'occupation du domaine public conclue le 4 juin 2014 pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction à compter du 1er juin 2014. Il en résulte que depuis le 1er juin 2017, Mme A... ne disposait plus d'un titre l'habilitant à occuper le logement communal d'urgence nonobstant la circonstance qu'une convention d'occupation lui ait été proposée par la commune en août 2019 ce qui, à supposer même qu'elle eut été signée par les deux parties, n'aurait en tout état de cause pas régularisé la situation passée. En outre, Mme A... ne justifie pas être dans l'impossibilité de retrouver un logement. Dans ces conditions, la commune de Bourbonne-les-Bains était bien fondée à demander son expulsion.

4. En second lieu, si Mme A... soutient en ce qui concerne le montant de l'astreinte prononcée par les premiers juges à hauteur de 50 euros par jour de retard à défaut de libération du logement dans ce délai, qu'elle devrait être minorée en raison de ses revenus limités, elle ne produit aucun élément de nature à justifier du montant de ses revenus. Il n'y a pas lieu par suite de réduire le montant de l'astreinte.

Sur les conclusions à fin de condamnation à payer une indemnité d'occupation du domaine public :

5. Aux termes de l'article. L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance. ". Il en résulte qu'une commune est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal.

6. Ainsi que les premiers juges l'ont justement relevé, il résulte de l'instruction que le logement communal occupé par Mme A... est destiné à accueillir des personnes se trouvant dans une situation d'urgence sociale, qu'ainsi il ne peut être occupé qu'en application d'une convention d'occupation du domaine public présentant un caractère précaire et révocable et qu'il ne peut dès lors être loué par la commune dans les conditions habituelles du marché. Par suite, la commune est seulement fondée à demander le versement d'une indemnité correspondant, non pas au prix du loyer qu'aurait pu rapporter un tel logement dans le parc locatif privé, mais aux revenus dont elle a été privée résultant d'une occupation régulière de ce logement par une personne se trouvant dans une situation d'urgence sociale, déterminés par référence au montant de la redevance qu'elle demande habituellement pour son occupation, soit 150 euros par mois d'occupation. Il est constant que Mme A... occupait toujours ce logement à la date du jugement attaqué. Par suite, la période pendant laquelle la commune a été privée de redevance d'occupation du domaine public court à compter du 1er juin 2017 jusqu'à la date du jugement du 1er octobre 2019, soit pendant 27 mois et 17 jours ce qui correspond à une indemnité d'occupation de 4 135 euros.

7. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment de l'article 4 de la convention d'occupation du logement que la commune a signée le 28 mai 2014, que la redevance d'occupation comprenait les charges. En se bornant à dire que la déduction de l'indemnité d'occupation des charges d'eau et de chauffage relevait de l'exécution du jugement, la commune ne conteste ni le principe de déduction des factures produites, ni le montant demandé par Mme A.... Par suite, Mme A... est fondée à demander la déduction des factures d'eau et de chauffage qu'elle aurait acquittées directement ou que la commune lui aurait refacturées pendant cette période pour un montant de 1 492,02 euros.

8. Il résulte tout de ce qui précède que Mme A... est uniquement fondée à demander la réformation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée au versement d'une somme de 4 135 euros sans déduire les factures des charges qu'elle a acquittées, ramenant ainsi le montant de l'indemnité d'occupation sans droit ni titre du logement à 2 642,98 euros.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Bourbonne-les-Bains, la somme que réclame Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante, la somme que réclame la commune de Bourbonne-les-Bains au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La somme que Mme A... a été condamnée à verser à la commune de Bourbonne-les-Bains par le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est ramenée à 2 642,98 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er octobre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Bourbonne-les-Bains présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Bourbonne-les-Bains.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2022.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLa présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 19NC03226


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03226
Date de la décision : 30/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-03-02 Domaine. - Domaine public. - Protection du domaine. - Protection contre les occupations irrégulières.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : LE CAB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-30;19nc03226 ?
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