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30/03/2022 | FRANCE | N°19NC02739

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 30 mars 2022, 19NC02739


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département des Vosges a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner solidairement M. H..., M. A..., M. E..., la société H... Architecture, venant aux droits de M. H..., le bureau d'études Alain D..., les sociétés Haas-Weisrock et Simonin et la SARL Société d'Etanchéité Industrielle à lui verser la somme totale de 522 854,45 euros TTC au titre des désordres affectant les bâtiments du pôle Fibres de l'université Henri Poincaré à Epinal.

Par un jugement n° 1701410 du 28 juin 2

019, le tribunal administratif de Nancy a condamné solidairement la société H... Archit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département des Vosges a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner solidairement M. H..., M. A..., M. E..., la société H... Architecture, venant aux droits de M. H..., le bureau d'études Alain D..., les sociétés Haas-Weisrock et Simonin et la SARL Société d'Etanchéité Industrielle à lui verser la somme totale de 522 854,45 euros TTC au titre des désordres affectant les bâtiments du pôle Fibres de l'université Henri Poincaré à Epinal.

Par un jugement n° 1701410 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Nancy a condamné solidairement la société H... Architecture, venant aux droits de M. H..., M. A... et la société SEI à verser au département des Vosges la somme de 353 722,92 euros à titre d'indemnisation, et a mis à leur charge, solidairement, la somme de 46 131,53 euros au titre des frais d'expertise. Il a, en outre, condamné la société SEI à garantir la société H... Architecture et M. A... à hauteur de 70 % de la condamnation solidaire prononcée au titre de l'indemnisation, et a condamné chacun de ces derniers à garantir la société SEI à hauteur de 15 % de cette condamnation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 septembre 2019 et 16 septembre 2020, la SARL Société d'Etanchéité Industrielle (SEI), représenté par Me Cekaj, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1701410 du tribunal administratif de Nancy du 28 juin 2019 en tant qu'il prononce des condamnations à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter sa part de responsabilité à 15 % au plus, de condamner la société H... Architecture, la société Haas-Weisrock, le bureau de contrôle et MM. A... et E... à la garantir de toute condamnation, et de réformer dans cette mesure le jugement attaqué ;

3°) à titre plus subsidiaire, de limiter le préjudice indemnisable du département à la somme de 100 132 euros HT, soit 120 158,40 euros TTC ;

4°) en toute hypothèse, d'annuler le jugement en ce qu'il a mis à sa charge solidaire les frais de l'expertise, de la décharger de ces frais, et de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres retenus par le tribunal ne présentent pas de caractère décennal, dès lors qu'ils se manifestent uniquement en cas de fortes précipitations, par de simples goutte-à-goutte ponctuels et de faible importance, sont très localisés, n'ont jamais empêché l'utilisation du bâtiment, ni provoqué le moindre accident pour les usagers ;

- les désordres ne lui sont pas imputables ;

- la verrière n'est pas correctement entretenue ;

- sa part de responsabilité dans les désordres ne saurait excéder 15 %, compte tenu des fautes commises par les maîtres d'œuvre dans la conception de l'ouvrage, l'accomplissement de leur mission EXE et la validation des plans qu'elle leur a fournis ;

- le montant des travaux de réparation chiffré par l'expert est excessif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2019, la SAS Simonin, représentée par Me Gottlich, demande à la cour de la mettre hors de cause et de mettre à la charge de la société SEI la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle ne peut qu'être mise hors de cause dès lors qu'aucune demande n'est dirigée à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2019, la société Vosges Lam, la SELARL Krebs-Suty et Gelis, ès qualité d'administrateur judiciaire de la société Vosges Lam et la SELARL Voinot et associés, ès qualité de mandataire judiciaire de la société Vosges Lam, représentés par Me Barraud, demandent à la cour :

1°) de confirmer le jugement attaqué et, en tout état de cause, de rejeter les conclusions de la société SEI dirigées à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum, et au besoin conjointement, MM. H..., A... et E..., la société H... Architecture et la société SEI à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, en principal, frais et accessoires ;

3°) de mettre à la charge de la société SEI la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que sa responsabilité ne saurait être engagée vis-à-vis de la société SEI, dès lors que ses travaux n'ont pas concerné le bâtiment B et que le tribunal a retenu, à bon droit, que seul le bâtiment A est affecté par des désordres de nature décennale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2020, le département des Vosges, représenté par Me Jeandon, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société SEI en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2020, M. F... A... et M. G... E..., représentés par Me Zine, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé des condamnations solidaires entre les maîtres d'œuvre et la société SEI, et de le confirmer pour le reste ;

2°) de mettre à la charge de la société SEI la somme de 1 500 euros à verser à chacun d'entre eux en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les infiltrations d'eau constatées dans le bâtiment B constituent un désordre décennal dont la cause exclusive est un défaut d'exécution imputable à la société SEI ;

- les fautes de la société SEI et celles de la maîtrise d'œuvre sont clairement distinctes, et ne se conjuguent pas.

Par des mémoires, enregistrés les 15 avril et 21 septembre 2020, M. I... H..., représenté par Me Lebon, demande à la cour :

A titre principal, subsidiaire et très subsidiaire :

1°) de prononcer sa mise hors de cause ;

A titre infiniment subsidiaire, s'il devait être jugé qu'il est seul impliqué, à l'exclusion de la société H... Architecture, et que les désordres retenus par le tribunal présentent un caractère décennal :

2°) de rejeter la requête de la société SEI en ce qu'elle tend à ce que sa part de responsabilité soit réduite à moins de 15 % ;

3°) d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé sa propre part de responsabilité à 15 % et celle de la société SEI à 70 %, de fixer à 80 % au moins la part de responsabilité de la société SEI et à 10 % au plus sa propre part de responsabilité et de condamner la société SEI à la garantir, à proportion de ses fautes, des condamnations qui seraient éventuellement prononcées à son encontre tant en principal, qu'en intérêts et frais ;

4°) d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement la société H... Architecture au paiement des frais d'expertise ;

5°) de limiter à 10 % au plus la part des frais d'expertise mise à sa charge ;

En tout état de cause :

6°) de condamner solidairement la société SEI, le département des Vosges et tout succombant à lui verser la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il ne peut qu'être mis hors de cause, dès lors que la société H... Architecture est venue à ses droits et obligations, que c'est cette dernière que le tribunal a condamnée, et qu'aucune demande n'est dirigée à son encontre par la société SEI ;

- subsidiairement, il reprend les moyens et conclusions développés par la société H... Architecture devant le tribunal.

Par des mémoires, enregistrés les 15 avril et 21 septembre 2020, la société H... Architecture, représentée par Me Lebon, demande à la cour :

A titre principal :

1°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ;

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait le caractère décennal des désordres en litige :

2°) de rejeter la requête de la société SEI en ce qu'elle tend à ce que sa part de responsabilité soit réduite à moins de 15 % ;

3°) d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé sa propre part de responsabilité à 15 % et celle de la société SEI à 70 %, de fixer à 80 % au moins la part de responsabilité de la société SEI et à 10 % au plus sa propre part de responsabilité, et de condamner la société SEI à la garantir, à proportion de ses fautes, des condamnations qui seraient éventuellement prononcées à son encontre tant en principal, qu'en intérêts et frais ;

4°) d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée solidairement au paiement des frais d'expertise ;

5°) de limiter à 10 % au plus la part des frais d'expertise mise à sa charge ;

En tout état de cause :

6°) de condamner solidairement la société SEI, le département des Vosges et tout succombant à lui verser la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle vient aux droits de M. H..., qui doit être mis hors de cause ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les infiltrations affectant la verrière du bâtiment A, les infiltrations au droit de la noue d'étanchéité du bâtiment A et les infiltrations à l'aplomb du bas de la verrière Cetelor en jonction avec le faîtage du versant inférieur en bac Rivergrip ne constituent pas des désordres de nature décennale ;

- la part de responsabilité de la société SEI doit être augmentée à 80 % au moins, et celles des maîtres d'œuvre, réduite sinon à zéro, du moins à 20 % au plus, dont 10 % au plus en ce qui la concerne, dès lors que l'ouvrage n'est affecté d'aucun défaut de conception, que les maîtres d'œuvre ont, contrairement à ce qu'a retenu l'expert, fourni à la société SEI des plans d'exécution valables au sens de l'arrêté du 21 décembre 1993, et que les imprudences qui peuvent leur être reprochées dans la vérification des plans et des travaux de la société SEI n'ont pas constitué la cause déterminante des désordres en litige ;

- l'indemnisation allouée au département par le tribunal ne saurait être augmentée.

L'instruction a été close le 30 octobre 2020.

Par lettre du 18 janvier 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué de M. A... et de la société H... Architecture.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'œuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, président-assesseur,

- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,

- et les observations de Me Castelli substituant Me Cekaj pour la société SEI, ainsi que celles de Me Thiriet pour la société Simonin, et de Me Coissard pour la société H... Architecture venant aux droits de M. H... et pour M. I... H....

Considérant ce qui suit :

1. En 2004, l'Etat a confié la maîtrise d'ouvrage des travaux de construction du pôle Fibres de l'université Henri Poincaré à Epinal au département des Vosges. Ce dernier a confié la maîtrise d'œuvre des travaux à un groupement composé de M. I... H..., mandataire, aux droits duquel est venue la société H... Architecture, de M. F... A..., de M. G... E..., de la société Klinger Faure, de M. B... D..., de la société SIRR Ingénierie et du BECSI EIC. Le lot de travaux n° 5A " Structures Bois - Bâtiment B " a été attribué à la société Haas-Weisrock, aux droits de laquelle est venue la société Vosges Lam, le lot n° 5B " Bardages Bois -Bâtiment B ", à la société Simonin Frères, devenue Simonin et les lots n° 6 " couverture-zinguerie " et n° 7 " étanchéité ", à la société d'étanchéité industrielle (SEI). Les travaux de ces différents lots ont été réceptionnés sans réserve entre janvier et octobre 2006. En 2012, à la suite de l'apparition de désordres en plusieurs endroits des bâtiments, le département des Vosges a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nancy la désignation d'un expert, qui a déposé son rapport le 21 juillet 2015. Le département a ensuite saisi le tribunal administratif de Nancy qui, par un jugement du 28 juin 2019, a condamné solidairement la société H... Architecture, venant aux droits de M. H..., M. A... et la société SEI à lui verser la somme de 353 722,92 euros à titre d'indemnisation, et a mis à leur charge, solidairement, la somme de 46 131,53 euros au titre des frais d'expertise. Le tribunal a, en outre, condamné la société SEI à garantir la société H... Architecture et M. A... à hauteur de 70 % de la condamnation solidaire prononcée au titre de l'indemnisation, et a condamné chacun de ces derniers à garantir la société SEI à hauteur de 15 % de cette condamnation.

2. La société SEI relève appel de ce jugement, que M. A... et la société H... Architecture contestent également par voie d'appels incidents et provoqués.

Sur l'appel principal :

3. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

En ce qui concerne la nature décennale des désordres :

4. Il résulte de l'instruction que le bâtiment A est affecté par des infiltrations d'eau au niveau de sa verrière, au droit de sa noue d'étanchéité et à l'aplomb du bas de la verrière Cetelor en jonction avec le faîtage du versant inférieur en bac Rivergrip. S'il est constant que ces phénomènes ne se produisent que lors d'épisodes de fortes précipitations et sont très localisés dans le bâtiment, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, qu'ils rendent nécessaire, afin de prévenir des épandages d'eau ainsi que, eu égard au matériau PVC du revêtement du sol, des risques de glissade des usagers, la mise en place permanente de récipients et de serpillères pour récupérer l'eau stagnante sur le sol. Dans ces conditions, eu égard à leur nature, à leur importance et à leur localisation située dans un lieu de passage, et alors même qu'ils n'empêchent pas l'utilisation du bâtiment, ces désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination. Est sans incidence à cet égard la circonstance, alléguée par la requérante, que les désordres résulteraient d'un défaut d'entretien de l'ouvrage par le maître d'ouvrage. Par suite, la société SEI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'ils sont de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs vis-à-vis du maître d'ouvrage.

En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :

5. Il est constant que la société SEI, titulaire des lots " couverture-zinguerie " et " étanchéité ", était chargée de la pose des verrières en litige et de leur étanchéité. Par suite, et sans qu'elle ne puisse utilement soutenir qu'elle aurait exécuté ses travaux selon les règles de l'art et selon des plans validés par les maîtres d'œuvre, ni que ces derniers lui auraient fourni des plans imprécis ou que l'ouvrage serait affecté d'un défaut de conception, les désordres en litige lui sont imputables.

En ce qui concerne la faute du maître d'ouvrage :

6. Si la requérante soutient que les désordres en litige résultent d'un entretien insuffisant de l'ouvrage, en particulier des verrières, compte tenu de leur faible pente, l'expert a expressément écarté cette hypothèse, et elle n'apporte aucun élément concret permettant de remettre en cause son appréciation. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le département aurait, par sa propre carence, contribué, à plus forte raison " de manière non négligeable ", au dommage dont il demande réparation.

En ce qui concerne les préjudices subis par le département :

7. Pour fixer à la somme de 353 722,92 euros TTC le montant total de l'indemnisation due au département, le tribunal a retenu, outre le montant de la TVA et celui des travaux conservatoires réalisés par le département, à hauteur de 13 769,10 euros HT, pour limiter les infiltrations, les estimations de l'expert quant aux travaux de reprise des désordres en litige. L'expert a évalué à la somme de 63 000 euros HT le montant des travaux de remplacement des verrières et les travaux afférents, nécessaires pour mettre fin aux désordres affectant la verrière du bâtiment A et aux infiltrations au droit de la noue d'étanchéité de ce bâtiment, et à la somme de 218 000 euros HT le montant des travaux de reprise des infiltrations à l'aplomb du bas de la verrière Cetelor en jonction avec le faîtage du versant inférieur en bac Rivergrip, impliquant la réfection totale des toitures en bas sec. La société SEI fait valoir que les estimations de l'expert, sur lesquelles le tribunal s'est fondé, sont excessives.

8. Il résulte de l'instruction que l'expert a procédé à l'évaluation des travaux de reprise au vu de trois devis, dont celui proposé par la société SEI, d'un montant de 100 132 euros HT, soit moins de la moitié du montant des deux autres devis. Le rapport comporte une analyse comparative et circonstanciée de ces trois devis et, contrairement à ce que soutient la requérante, il indique la raison des réserves de l'expert au sujet de la validité du devis de la requérante, tenant à l'écart " incompréhensible " entre son montant total et celui des deux autres devis. Si la société SEI se prévaut d'une expertise réalisée à sa demande, dont le rapport conclurait à l'absence d'incohérence entre les trois devis et par rapport aux conditions du marché, elle n'a pas produit ce rapport, y compris après que la société H... Architecture, dans sa réplique, ait expressément signalé cette omission. Dans ces conditions, en l'absence de tout élément concret permettant de remettre en cause les estimations de l'expert, et de toute contestation du montant des travaux conservatoires et de l'inclusion de la taxe sur la valeur ajoutée, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le tribunal s'est livré à une inexacte appréciation du préjudice subi par le département en le fixant à la somme de 353 722,92 euros TTC.

En ce qui concerne le partage des responsabilités :

9. En premier lieu, les désordres en litige concernent exclusivement le bâtiment A et sont sans lien avec les travaux du bâtiment B. Par suite, ils ne sauraient engager la responsabilité de la société Vosges Lam, qui n'est intervenue que sur ce dernier. En outre, la société SEI ne précise pas en quoi la responsabilité de M. E... et du bureau de contrôle technique serait engagée au titre de ces désordres.

10. En second lieu, il est constant que les infiltrations de la verrière du bâtiment A, dont les infiltrations au droit de la noue d'étanchéité du même bâtiment ne sont que la conséquence, résultent d'une défaillance de l'interface entre la verrière et son appui inférieur. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que ces désordres résultent de manquements de MM. H... et A..., membres du groupement de maîtrise d'œuvre chargés de la mission relative aux études d'exécution définie par l'arrêté du 21 décembre 1993 susvisé, et de la société SEI, titulaire des lots " couverture-zinguerie " et " étanchéité ", à leurs obligations respectives. L'expert relève ainsi que les premiers ont établi des plans ne comportant pas les détails d'exécution requis en ce qui concerne l'adaptation des verrières sur la charpente. Si la société H... Architecture conteste cette appréciation, en faisant valoir que les plans étaient conformes aux exigences de l'arrêté du 21 décembre 1993 susvisé, elle n'apporte aucun élément, en particulier pas les plans en cause, à l'appui de son argumentation, laquelle, du reste, a déjà été écartée par l'expert. Par ailleurs, elle ne conteste pas que MM. H... et A... ont également omis d'établir, comme il leur incombait de le faire, les plans de synthèse prévus par l'arrêté du 21 décembre 1993, lesquels ont pourtant pour objet d'assurer la cohérence spatiale des éléments d'ouvrage de tous les corps d'état, en particulier, en l'espèce, les verrières et la charpente. L'expert relève également que MM. H... et A... n'ont pas exigé de la société SEI qu'elle produise des plans d'atelier et de chantier précis, complets et exhaustifs de tous les cas particuliers d'exécution de détails, et ont validé les plans incomplets et imprécis communiqués par cette dernière. En revanche, la société SEI ne démontre pas l'existence d'un défaut de conception de l'ouvrage, que l'expert a expressément écarté. La société SEI, quant à elle, a non seulement établi des plans d'atelier et de chantier imprécis et incomplets, mais encore n'a pas correctement effectué la pose des verrières, ni vérifié la qualité de cette pose, sa conformité à l'avis technique sur les verrières, et l'étanchéité de son dispositif.

11. Les infiltrations à l'aplomb du bas de la verrière Cetelor en jonction avec le faîtage du versant inférieur en bac Rivergrip résultent quant à elles d'une insuffisance d'étanchéité entre les différentes composantes des accessoires de faîtage en tôle pliée, façonnés et posés par l'entreprise SEI. Cette insuffisance a pour cause les mêmes manquements, de la part de MM. H... et A... et de la société SEI, que ceux relevés au point précédent.

12. Il résulte de l'instruction que, compte tenu de la parfaite maîtrise des règles de son art par la société SEI, de sa connaissance des produits mis en œuvre et de leur absence de technicité particulière, et alors même que les maîtres d'œuvre ont manqué de sérieux et de rigueur dans l'établissement de leurs plans et dans la validation des plans et la vérification des travaux de la société SEI, les manquements de cette dernière ont concouru de manière prépondérante à la survenance des désordres en litige. Dans ces conditions, la société SEI n'est pas fondée à soutenir que le tribunal s'est livré à une appréciation inexacte des responsabilités respectives des intéressés en fixant sa part de responsabilité à 70 % et à 15 % chacun celles de MM. H... et A....

En ce qui concerne les frais de l'expertise :

13. Les conclusions de la société SEI tendant à ce que le jugement soit annulé en ce qu'il a mis à sa charge solidaire les frais de l'expertise, et à ce que la cour la décharge de ces frais, ne sont assorties d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur les conclusions d'appel des intimés :

14. En premier lieu, les conclusions de M. A... tendant à ce que le jugement soit annulé en ce qu'il a prononcé des condamnations solidaires entre les maîtres d'œuvre et la société SEI, et celles de la société H... Architecture tendant à ce que le jugement soit annulé en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre et à ce que la part des frais d'expertise mis à sa charge soit limitée, présentées après l'expiration du délai d'appel et dirigées contre le département des Vosges, sont provoquées par l'appel principal. Ce dernier étant rejeté, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

15. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points 10 à 12, les conclusions de la société H... Architecture, venue aux droits de M. H..., tendant à ce que soit réduite sa part de responsabilité vis-à-vis de la société SEI, et à ce que la part de responsabilité de cette dernière vis-à-vis d'elle soit augmentée, ne peuvent qu'être rejetées.

16. En troisième lieu, aucune condamnation n'ayant été prononcée à l'encontre de MM. E... et H... par le tribunal et par le présent arrêt, leurs conclusions tendant à l'annulation ou la réformation de telles condamnations sont sans objet.

Sur les frais de l'instance :

17. La société SEI, partie perdante à la présente instance tant vis-à-vis du département des Vosges, que vis-à-vis des intimés, n'est pas fondée à demander l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros à verser au département des Vosges en application de ces dispositions, et de rejeter le surplus des conclusions présentées sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de la société SEI est rejetée.

Article 2 : La société SEI versera au département des Vosges la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SEI, au département des Vosges, à la SARL Voinot et associés ès qualité mandataire judiciaire de la société Vosges Lam, la société H... Architecture, M. G... E..., M. F... A..., la société Bet Bois Alain D..., la société Simonin et M. I... H....

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mis à disposition au greffe, le 30 mars 2022.

Le rapporteur,

Signé : P. Rees La présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au préfet des Vosges en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 19NC02739 2

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02739
Date de la décision : 30/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : SELARL LIME et BARRAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-30;19nc02739 ?
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