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30/03/2022 | FRANCE | N°19NC00864

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 30 mars 2022, 19NC00864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du Grand Verdun a demandé au tribunal administratif de Nancy, à titre d'indemnisation, de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SELAS Jean-Michel Ruols à une somme de 236 485,38 euros, de fixer sa créance au passif de la société Lam Vosges, anciennement dénommée Haas Weisrock, à une somme de 212 608,72 euros, de condamner conjointement et solidairement les sociétés Snidaro et Edeis à lui verser la somme de 212 608,72 euros, de condamner la sociét

é Edeis à lui verser somme de 183 333,20 euros, de condamner la société Snidar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du Grand Verdun a demandé au tribunal administratif de Nancy, à titre d'indemnisation, de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SELAS Jean-Michel Ruols à une somme de 236 485,38 euros, de fixer sa créance au passif de la société Lam Vosges, anciennement dénommée Haas Weisrock, à une somme de 212 608,72 euros, de condamner conjointement et solidairement les sociétés Snidaro et Edeis à lui verser la somme de 212 608,72 euros, de condamner la société Edeis à lui verser somme de 183 333,20 euros, de condamner la société Snidaro à lui verser la somme de 5 640 euros, de condamner la société Laugel et Renouard à lui verser la somme de 7 725,24 euros, au titre des frais d'expertise, de mettre à la charge conjointe et solidaire des parties la somme de 8 160,84 euros, et enfin de déclarer le jugement à intervenir opposable et commun à la Mutuelle des Architectes Français.

Par un jugement n° 1701418 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Nancy a déclaré fondée la créance déclarée par la communauté d'agglomération du Grand Verdun pour un montant de 96 573,50 euros TTC dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Vosges Lam, a condamné solidairement les sociétés Snidaro et Edeis à verser à la communauté d'agglomération du Grand Verdun la somme de 96 573,50 euros TTC, a déclaré fondée la même créance déclarée par la communauté d'agglomération du Grand Verdun dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SELAS Jean-Michel Ruols en précisant que les sociétés Snidaro, Edeis et Jean-Michel Ruols sont solidairement tenues au titre de cette créance, a condamné la société Edeis à verser à la communauté d'agglomération du Grand Verdun la somme de 89 925,56 euros TTC, a déclaré fondée la même créance déclarée par la communauté d'agglomération du Grand Verdun dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SELAS Jean-Michel Ruols en précisant que les sociétés Edeis et Jean-Michel Ruols sont solidairement tenues au titre de cette créance, les sommes qui précèdent étant augmentées des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, a condamné la société Snidaro à verser à la communauté d'agglomération du Grand Verdun la somme de 5 640 euros TTC, a mis à la charge solidaire des sociétés Edeis, Snidaro, Vosges Lam et Jean-Michel Ruols la somme de 8 160,84 euros TTC, a mis à la charge des sociétés Snidaro et Edeis la somme de 1 000 euros chacune à verser à la communauté d'agglomération du Grand Verdun au titre des frais non compris dans les dépens, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande et des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars 2019 et le 25 septembre 2020, la société Snidaro, représentée par Me Manhouli, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1701418 du tribunal administratif de Nancy du 22 janvier 2019 en tant qu'il la condamne ;

2°) subsidiairement, de condamner les sociétés Vosges Lam, Jean-Michel Ruols représentée par Me Carrasset-Marillier, ès qualité de liquidateur, et Edeis à la garantir, respectivement à hauteur de 50 %, 12,5 % et 12,5 %, des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

3°) de rejeter les conclusions que la communauté d'agglomération du Grand Verdun, la société Vosges Lam et la société Edeis dirige à son encontre ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la communauté d'agglomération du Grand Verdun, la société Vosges Lam, la société Jean-Michel Ruols représentée par Me Carrasset-Marillier, ès qualité de liquidateur et la société Edeis la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5) de déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la SELARL Voinot et associés et à la SELARL Krebs-Suty-Gelis, ès qualité, respectivement, de mandataire judiciaire et d'administrateur judiciaire de la société Vosges Lam.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure :

- c'est à tort que le tribunal a retenu sa responsabilité décennale, dès lors, d'une part, qu'à la date de la réception sans réserve des travaux de son lot, le désordre présentait un caractère apparent, et d'autre part, que ce désordre, qui a pour cause un vice de conception, et non d'exécution des travaux, ne lui est pas imputable ;

- l'indemnisation de la communauté d'agglomération du Grand Verdun doit être limitée à la somme de 63 000 euros HT correspondant à l'évaluation de l'expert, à l'exclusion des 25 521,72 euros TTC qu'elle réclame au titre de travaux supplémentaires et des 84 655 euros TTC qu'elle réclame au titre de la perte de chiffre d'affaires, le caractère direct et certain de ces préjudices n'étant établi ni dans son principe, ni dans son montant ;

- elle doit être garantie de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires, selon la répartition fixée par l'expertise, à hauteur de 50 % par la société Vosges Lam, de 12,5 % par la SELARL Jean-Michel Ruols représentée par Me Carrasset-Marillier, ès qualité de liquidateur, et à hauteur de 12,5 % par la société Edeis ;

En ce qui concerne le désordre relatif aux carrelages coupants, cassés et fendus :

- sa responsabilité contractuelle n'est pas engagée, eu égard au caractère très ponctuel de ce désordre, et alors qu'il n'est pas démontré qu'il représente un risque pour la sécurité des usagers.

Par des mémoires, enregistrés le 28 mai 2019 et le 29 mai 2020, la SAS Vosges Lam, assistée de la SELARL Krebs-Suty-Gelis ès qualité d'administrateur judiciaire, représentée par Me Lime-Jacques, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1701418 du tribunal administratif de Nancy du 22 janvier 2019 en tant qu'il déclare fondée la créance déclarée par la communauté d'agglomération du Grand Verdun pour un montant de 96 573,50 euros TTC dans le cadre de sa procédure de redressement judiciaire, et met des sommes à sa charge ;

2°) de prononcer sa mise hors de cause et de rejeter les conclusions dirigées contre elle par la communauté d'agglomération du Grand Verdun ;

3°) subsidiairement, de limiter à 10 % au plus sa part de responsabilité, et de ramener à 63 000 euros HT au plus l'indemnisation de la communauté d'agglomération du Grand Verdun, au titre du désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure ;

4°) dans l'hypothèse où une condamnation solidaire serait prononcée à son encontre, de condamner la SELARL Jean-Michel Ruols représentée par Me Carrasset-Marillier, ès qualité de liquidateur, la société Edeis et la société Snidaro à la garantir contre cette condamnation ;

5°) en tout état de cause : de rejeter tout appel en garantie dirigé à son encontre, de répartir les frais et dépens conformément à la part de responsabilité de chaque constructeur, et de déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la Mutuelle des Architectes Français, assureur de la SELARL Jean-Michel Ruols.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu sa responsabilité contractuelle au titre du désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure, alors que ce désordre relève de la responsabilité décennale ;

- elle n'a commis aucune faute contractuelle en lien direct avec le désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure ;

- sa part de responsabilité ne saurait excéder 10 % ;

- le montant de l'indemnisation due à la communauté d'agglomération du Grand Verdun ne saurait excéder le coût des travaux de reprise, évalué par l'expert à la somme de 63 000 euros HT, la perte de chiffre d'affaires n'étant établie ni dans son principe, ni dans son montant, et la communauté d'agglomération du Grand Verdun ne démontrant pas qu'elle ne peut pas récupérer la taxe sur la valeur ajoutée ;

- dans l'hypothèse où une condamnation solidaire serait prononcée à son encontre, de condamner la SELARL Jean-Michel Ruols représentée par Me Carrasset-Marillier, ès qualité de liquidateur, la société Edeis et la société Snidaro.

Par un mémoire enregistré le 9 septembre 2020, la communauté d'agglomération du Grand Verdun, représentée par Me Marty, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête, ainsi que les conclusions de la société Vosges Lam, de la Mutuelle des Architectes Français et de Me Pellegrini ;

2°) de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation des travaux supplémentaires rendus nécessaires pour la reprise du désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure, pour un montant de 25 521,72 euros TTC, et par conséquent , de porter à la somme de 199 259,92 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2017 eux-mêmes capitalisés à compter du 23 mai 2018 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, le montant de la créance qu'elle est fondée à déclarer au passif de la liquidation judiciaire de la SELAS Jean-Michel Ruols ; de porter à la somme de 109 334,36 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2017 eux-mêmes capitalisés à compter du 23 mai 2018 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, le montant de la créance qu'elle est fondée à déclarer au passif de la liquidation judiciaire de la société Vosges Lam ; de porter à la somme de 109 334,36 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2017 eux-mêmes capitalisés à compter du 23 mai 2018 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, le montant de la condamnation conjointe et solidaire des sociétés Snidaro et Edeis ;

3°) de confirmer pour le reste le jugement attaqué ;

4°) de déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la société Edeis, à la SELARL Krebs-Suty-Gelis et à la SELARL Voinot et associés, respectivement administrateur judiciaire et mandataire judiciaire de la société Vosges Lam, et de le déclarer opposable et commun à la Mutuelle des Architectes Français ;

5°) de mettre à la charge de chacune des parties requises la somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne l'appel principal :

S'agissant du désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure :

- contrairement à ce que soutient la société Snidaro, ce désordre ne présentait pas un caractère apparent à la date de la réception des travaux de son lot, et il est de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et à le rendre impropre à sa destination ;

- contrairement à ce que soutient la société Snidaro, le désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure lui est imputable ;

- le partage de responsabilités retenu par le tribunal est justifié ;

S'agissant du désordre relatif aux carrelages coupants, cassés et fendus :

- contrairement à ce que soutient la société Snidaro, la présence de carrelages coupants constitue un risque pour les usagers ;

S'agissant des préjudices :

- c'est à bon droit que le tribunal lui a alloué des sommes TTC au titre des travaux de reprise, dès lors qu'elle n'est pas assujettie à la TVA et, par suite, ne la récupère pas ;

- elle justifie du principe et du montant du préjudice constitué par la perte de son chiffre d'affaires résultant de la fermeture de l'établissement durant les travaux de reprise ;

En ce qui concerne la responsabilité de la société Vosges Lam :

- c'est à tort que le tribunal a écarté la responsabilité décennale de la société Vosges Lam ;

- la part de responsabilité imputée à la société Vosges Lam est justifiée ;

En ce qui concerne les travaux supplémentaires non retenus par le tribunal :

- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu les travaux supplémentaires rendus nécessaires pour la reprise du désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure, pour un montant de 25 521,72 euros TTC.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2021, la société Edeis, représentée par la SELARL Kohn et Associés, demande à la cour :

A titre principal :

1°) de rejeter la requête de la société Snidaro ;

2°) de rejeter les conclusions de la communauté d'agglomération du Grand Verdun ;

A titre subsidiaire :

3°) de limiter l'indemnisation de la communauté d'agglomération du Grand Verdun à la somme de 63 000 euros HT au titre du désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure, et de limiter sa part de responsabilité à 12,5 % ;

En tout état de cause :

4°) de condamner les sociétés Snidaro et Vosges Lam à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre sur le fondement du rapport d'expertise ;

5°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la réparation des désordres relatifs à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure ne saurait excéder les estimations de l'expert, soit la somme de 63 000 euros HT ;

- les appels en garantie de la société Snidaro et de la communauté d'agglomération du Grand Verdun ne sont pas fondés ;

- ses appels en garantie sont fondés.

L'instruction a été close le 30 octobre 2020.

Par lettre du 14 janvier 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondés sur plusieurs moyens relevés d'office, justifiant le rejet des conclusions d'appel en déclaration de jugement commun présentées par la société Vosges Lam et par la communauté d'agglomération du Grand Verdun, des conclusions d'appel provoqué de cette dernière, des conclusions d'appel provoqué de la société Vosges Lam, et des conclusions d'appel de la société Edeis.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, président,

- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,

- et les observations de Me Manhouli, pour la société Snidaro, ainsi que celles de Me Kunz, pour la société Edeis venant aux droits de la société Pingat Ingénierie.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 29 novembre 2004, la communauté de communes de Verdun, devenue la communauté d'agglomération du Grand Verdun (CAGV), a confié la maîtrise d'œuvre des travaux de construction d'un complexe de loisirs aquatiques à un groupement conjoint et solidaire constitué, notamment, de la société Jean-Michel Ruols et de la société BET Pingat Ingénierie, aux droits de laquelle est depuis venue la société Edeis. Le lot n° 2 des travaux de l'opération, intitulé " charpente bois/métallique ", a été attribué à la société Haas-Weisrock, aux droits de laquelle est depuis venue la société Vosges Lam, et le lot n° 8, intitulé " carrelage-faïences ", à la société Snidaro. Les travaux des différents lots de l'opération ont été réceptionnés dans le courant de l'année 2009. En 2012, la communauté d'agglomération du Grand Verdun a sollicité le juge des référés du tribunal administratif de Nancy pour la désignation d'un expert au sujet de différents désordres affectant l'ouvrage. A la suite du dépôt du rapport d'expertise le 18 février 2016, la communauté d'agglomération du Grand Verdun a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner la société BET Pingat Ingenierie, la société Snidaro, et la société Laugel et Renouard, à l'indemniser des préjudices résultant de différents désordres affectant l'aquadrome, de fixer sa créance au même titre au passif des liquidations judiciaires de la société Jean-Michel Ruols et de la société Haas-Weisrock, et de déclarer le jugement commun à la Mutuelle des Architectes Français, assureur de la société Jean-Michel Ruols.

2. Par un jugement n° 1701418 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Nancy a déclaré fondée la créance déclarée par la communauté d'agglomération du Grand Verdun pour un montant de 96 573,50 euros TTC dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Vosges Lam, a condamné solidairement les sociétés Snidaro et Edeis à verser à la communauté d'agglomération du Grand Verdun la somme de 96 573,50 euros TTC, a déclaré fondée la même créance déclarée par la communauté d'agglomération du Grand Verdun dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SELAS Jean-Michel Ruols en précisant que les sociétés Snidaro, Edeis et Jean-Michel Ruols sont solidairement tenues au titre de cette créance, a condamné la société Edeis à verser à la communauté d'agglomération du Grand Verdun la somme de 89 925,56 euros TTC, a déclaré fondée la même créance déclarée par la communauté d'agglomération du Grand Verdun dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SELAS Jean-Michel Ruols en précisant que les sociétés Edeis et Jean-Michel Ruols sont solidairement tenues au titre de cette créance, les sommes qui précèdent étant augmentées des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, a condamné la société Snidaro à verser à la communauté d'agglomération du Grand Verdun la somme de 5 640 euros TTC, a mis à la charge solidaire des sociétés Edeis, Snidaro, Vosges Lam et Jean-Michel Ruols la somme de 8 160,84 euros TTC, a mis à la charge des sociétés Snidaro et Edeis la somme de 1 000 euros chacune à verser à la communauté d'agglomération du Grand Verdun au titre des frais non compris dans les dépens, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande et des parties.

3. La société Snidaro relève appel de ce jugement en tant qu'il prononce des condamnations à son encontre.

Sur l'appel principal de la société Snidaro :

En ce qui concerne le désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure :

S'agissant de la responsabilité de la société Snidaro :

4. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des dommages apparus postérieurement à la réception sans réserve de l'ouvrage et non apparents à cette date engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale dans le délai d'épreuve de dix ans s'ils sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

5. En premier lieu, la société Snidaro fait valoir que la réception des travaux de son lot a été prononcée le 31 juillet 2009, sans aucune réserve relative à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure, alors que ce désordre était apparent depuis le mois de mai 2008, et qu'il a fait l'objet de réserves lors de la réception des travaux d'autres lots. Toutefois, ces réserves ne sauraient, par elles-mêmes, suffire à regarder la communauté d'agglomération du Grand Verdun comme ayant eu connaissance de l'ampleur et des conséquences du désordre en litige. Il résulte de l'instruction, en particulier des constats de l'expert, que le désordre s'est aggravé et étendu à l'ensemble des poteaux postérieurement à la réception des travaux du lot n° 8. Du reste, son ampleur, de même que ses causes, n'ont pu être mises en évidence par l'expert qu'après la dépose du carrelage sur la surface des socles en béton des poteaux et le démontage de ces derniers. Si la société Snidaro fait plus particulièrement valoir que les joints de silicone qu'elle a apposés entre le carrelage et les poteaux métalliques étaient visibles, il ne résulte pas de l'instruction que le défaut d'étanchéité de ces joints l'était également. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le désordre en litige présentait, à la date de réception des travaux de son lot, un caractère apparent.

6. En second lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que le désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure est dû à des infiltrations d'eau dans les socles de ces poteaux, résultant notamment d'une mise en œuvre de l'étanchéité de ces socles non conforme aux règles de l'art lors des travaux de carrelage. Ces travaux incombaient à la société Snidaro. Par suite, le désordre est imputable à cette dernière, sans qu'elle puisse utilement faire valoir qu'il résulte également d'un défaut de conception des socles par les maîtres d'œuvre et du traitement des poteaux par galvanisation effectué par Vosges Lam avant mise en peinture.

7. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, et dès lors qu'elle ne conteste pas que le désordre est de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et à le rendre impropre à sa destination, la société Snidaro n'est pas fondée à soutenir que sa responsabilité décennale n'est pas engagée vis-à-vis de la communauté d'agglomération du Grand Verdun.

S'agissant de la réparation due à la communauté d'agglomération du Grand Verdun :

8. En premier lieu, la requérante soutient que le montant de l'indemnité due au titre des travaux nécessaires à la reprise du désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure doit être limité à l'estimation de l'expert, soit 63 000 euros HT, dès lors que la communauté d'agglomération du Grand Verdun s'est abstenue de lui soumettre des devis qui lui auraient permis d'émettre un avis éclairé sur le caractère indispensable et/ou opportun des travaux envisagés. Toutefois, rien n'obligeait la communauté d'agglomération du Grand Verdun, à laquelle il était loisible d'attendre les conclusions de l'expertise sur les travaux à réaliser avant de solliciter des entreprises, à fournir ces devis, et son abstention à le faire ne saurait, en tout état de cause, être de nature à la priver de son droit à obtenir la réparation intégrale de son préjudice. Elle justifie, par la production des marchés correspondants, que le coût effectif des travaux nécessaires à la reprise du désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure s'est élevé à 80 810 euros HT pour le gros-œuvre et le nettoyage, et à 9 600 euros HT pour la maîtrise d'œuvre, soit au total 108 492 euros TTC. Il ne résulte pas de l'instruction que ces marchés ne correspondraient pas aux seuls travaux nécessaires à la reprise du désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure.

9. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas démontré que la communauté d'agglomération du Grand Verdun relèverait, à raison des activités de son complexe de loisirs aquatiques, d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire la taxe sur la valeur ajoutée, le tribunal ne s'est pas livré à une inexacte appréciation de l'indemnité due au titre des travaux nécessaires à la reprise du désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure en la fixant à la somme de 108 492 euros TTC.

10. En deuxième lieu, pour réaliser les travaux nécessaires à la reprise du désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure, la communauté d'agglomération du Grand Verdun a procédé à la fermeture de l'établissement du 25 juin au 31 octobre 2018, ce qui l'a privée, pendant cette période, des recettes procurées par les usagers.

11. D'une part, la circonstance que ce préjudice n'a pas été retenu par l'expert n'est pas de nature à priver la communauté d'agglomération du Grand Verdun de son droit à réparation. Eu égard à l'utilisation des lieux par les usagers et à la nature des travaux de reprise, qui ont porté sur le gros-œuvre du bâtiment, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux auraient pu être réalisés sans que l'établissement ne soit totalement fermé. En admettant que les travaux n'étaient pas urgents et que la période retenue pour les travaux, qui selon les prévisions initiales devaient se dérouler du 25 juin au 29 août 2018 au plus tard, n'était pas celle durant laquelle la fréquentation de l'établissement est la moins élevée, cette circonstance ne saurait avoir d'incidence sur le droit à réparation de la communauté d'agglomération du Grand Verdun, dès lors qu'il appartenait à cette dernière de choisir la période de fermeture de l'établissement la plus propice compte tenu des différentes utilisations des installations de l'ouvrage. A cet égard, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux, eu égard à leur durée, auraient pu être réalisés lors d'une période de fermeture technique de l'établissement. Enfin, si les travaux de reprise se sont prolongés jusqu'au 31 octobre 2018, il résulte de l'instruction que cet allongement de la durée du chantier est dû à la découverte, à l'occasion de l'ouverture des pieds de poteaux, d'un défaut d'étanchéité sous la chape, qui a rendu nécessaire des analyses et prestations complémentaires. Dès lors, la société Snidaro n'est pas fondée à soutenir que la période au titre de laquelle la communauté d'agglomération du Grand Verdun demande réparation est injustifiée ou excessive.

12. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que le tableau des recettes de l'établissement du 25 juin au 26 octobre 2017 produit par la communauté d'agglomération du Grand Verdun, dont la requérante ne discute pas le contenu, ne permet pas de rendre compte des recettes dont elle a été privée du fait de la fermeture de l'établissement au cours de la période correspondante en 2018. Dès lors, le tribunal ne s'est pas livré à une inexacte appréciation du préjudice subi par la communauté d'agglomération du Grand Verdun en le fixant, sur la base d'une projection par rapport à ce tableau, à la somme de 84 655 euros TTC.

En ce qui concerne le désordre relatif aux carrelages coupants, cassés et fendus :

13. Les travaux du lot n° 8 " carrelage - faïence ", attribué à la société Snidaro, ont été réceptionnés le 31 juillet 2009, avec des réserves portant sur des carreaux de carrelage cassés ou ébréchés sur l'ensemble des plages, des locaux des vestiaires et au fond des bassins de la zone ludique ainsi que du bassin sportif.

14. Il ne résulte pas de l'instruction que les carreaux concernés seraient conformes aux prescriptions du marché. Il n'est d'ailleurs pas contesté que le désordre résulte d'une mise en œuvre défectueuse du carrelage par la société Snidaro et son sous-traitant. Il est également constant que les réserves dont il fait l'objet n'ont pas été levées, la société Snidaro n'ayant pas effectué les travaux de reprise qui lui incombaient. Dans ces conditions, et sans que la requérante ne puisse utilement faire valoir le caractère ponctuel du désordre et, de manière au demeurant peu sérieuse, s'agissant d'un ouvrage dans lequel les usagers circulent pieds nus, l'absence de risque pour leur sécurité, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a mis à sa charge le coût des travaux de reprise.

En ce qui concerne les appels en garantie rejetés par le tribunal :

15. Le tribunal a rejeté les conclusions de la société Snidaro tendant à ce que la société Jean-Michel Ruols, la société Haas-Weisrock, devenue Vosges Lam, et la société Pingat Ingénierie, devenue Edeis, la garantissent des condamnations prononcées à son encontre, au motif que cet appel en garantie n'était pas motivé. La société Snidaro, qui se borne, sans plus de précision, à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions, ne conteste pas le motif d'irrecevabilité sur lequel il s'est ainsi fondé. Dès lors, ses conclusions d'appel, présentées à titre subsidiaire, dirigées contre les mêmes personnes et tendant à la même fin, ne peuvent qu'être rejetées, y compris en tant qu'elles visent à la garantir d'éventuelles condamnations prononcées par le présent arrêt.

Sur les conclusions présentées par les intimées :

En ce qui concerne les conclusions de la communauté d'agglomération du Grand Verdun :

16. La communauté d'agglomération du Grand Verdun demande que soit incluse dans les condamnations prononcées à l'encontre de la société Snidaro et des sociétés Jean-Michel Ruols, Vosges Lam la somme de 25 521,72 euros TTC correspondant au montant des travaux supplémentaires rendus nécessaires pour la reprise du désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure, que le tribunal a refusé de lui allouer.

17. En premier lieu, ces conclusions d'appel, en tant qu'elles sont dirigées contre les sociétés Jean-Michel Ruols, Vosges Lam et Edeis, intimées, sont provoquées par l'appel principal de la société Snidaro. Ce dernier étant rejeté, ces conclusions ne sont, dans cette mesure, pas recevables.

18. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier des avenants au marché de gros-œuvre étendu et de contrôle technique conclus pour la reprise du désordre relatif à la rouille en pied des poteaux métalliques de la structure, que la communauté d'agglomération du Grand Verdun produit pour la première fois en appel, que la reprise de ce désordre a donné lieu à des travaux supplémentaires, rendus nécessaires à la suite de la découverte, lors de l'ouverture des pieds de poteaux, d'un défaut d'étanchéité sous la chape. Il ressort de ces avenants que le coût supplémentaire supporté par la communauté d'agglomération du Grand Verdun s'élève à la somme totale de 19 230 euros HT en ce qui concerne le marché de gros-œuvre étendu et à la somme de 324 euros HT en ce qui concerne le marché de contrôle technique. En revanche, en se bornant à produire un simple devis relatif à la mission de coordination SPS, daté du 20 février 2018, antérieurement au démarrage du chantier, la communauté d'agglomération du Grand Verdun n'établit pas avoir supporté des dépenses supplémentaires au titre de cette mission. Le montant du préjudice dont justifie la communauté d'agglomération du Grand Verdun au titre de ces travaux supplémentaires s'élève ainsi à la somme de 19 554 euros HT, à laquelle, pour la raison indiquée au point 9, doit s'ajouter la taxe sur la valeur ajoutée, soit 23 464,80 euros TTC.

19. Au regard de ce qui vient d'être dit, et compte tenu du partage de responsabilités décidé par le tribunal, qui n'est pas contesté devant la cour, et en vertu duquel la société Snidaro a été jugée solidairement responsable du désordre en litige à hauteur de 50 %, la communauté d'agglomération du Grand Verdun est seulement fondée à demander, par voie d'appel incident, que la société Snidaro soit condamnée à lui verser la somme de 11 732,40 euros TTC, en sus des condamnations prononcées à son encontre par le tribunal.

20. La somme portera intérêt au taux légal à compter du 23 mai 2017. Si la communauté d'agglomération du Grand Verdun demande que les intérêts échus soient capitalisés à compter du 23 mai 2018, elle n'assortit cette demande d'aucune précision et ne conteste ainsi pas le dispositif du jugement attaqué, qui a retenu que les intérêts échus seront capitalisés à compter du 7 novembre 2018 et à chaque échéance annuelle ultérieure. Par conséquent, les intérêts échus sur cette somme de 11 732,40 euros TTC seront capitalisés à compter du 7 novembre 2018 et chaque échéance annuelle ultérieure.

En ce qui concerne les conclusions de la société Vosges Lam :

21. En premier lieu, les conclusions d'appel de la société Vosges Lam, en tant qu'elles sont dirigées contre la communauté d'agglomération du Grand Verdun, intimée, sont provoquées par l'appel principal de la société Snidaro. Ce dernier étant rejeté, ces conclusions ne sont, dans cette mesure, pas recevables.

22. En second lieu, le présent arrêt ne prononçant aucune condamnation solidaire à l'encontre de la société Vosges Lam, ses conclusions tendant à ce que la SELARL Jean-Michel Ruols représentée par Me Carrasset-Marillier, ès qualité de liquidateur, la société Edeis et la société Snidaro la garantissent d'une telle condamnation sont sans objet.

En ce qui concerne les conclusions de la société Edeis :

23. En l'absence de toute condamnation prononcée à son encontre, les conclusions de la société Edeis tendant à être garantie par la société Snidaro et la société Vosges Lam sont sans objet.

Sur les conclusions en déclaration d'arrêt commun :

24. Seuls peuvent se voir déclarer commun un jugement rendu par une juridiction administrative les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction saisie eût été compétente pour en connaître et auxquels ledit jugement pourrait préjudicier dans les conditions ouvrant droit de former tierce opposition à ce jugement.

25. En premier lieu, l'obligation de la Mutuelle des Architectes Français vis-à-vis de son assurée, la SELARL Jean-Michel Ruols, étant une obligation de droit privé, la juridiction administrative ne serait pas compétente pour connaître du litige auquel pourrait donner lieu l'exécution de cette obligation. Par suite, les conclusions de la société Vosges Lam et de de la communauté d'agglomération du Grand Verdun tendant à ce que le présent arrêt soit déclaré commun à la Mutuelle des Architectes Français ne peuvent qu'être rejetées.

26. En second lieu, la société Edeis et les sociétés Krebs-Suty-Gelis et Voinot et associés, respectivement administrateur judiciaire et mandataire judiciaire de la société Vosges Lam, qui ont été appelés en cause, ne sont pas des tiers mais des parties à la présente instance. Par suite, les conclusions de la société Snidaro et de la communauté d'agglomération du Grand Verdun tendant à ce que le présent arrêt leur soit déclaré commun sont sans objet.

Sur les frais de l'instance :

27. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'une ou l'autre des parties une somme à verser application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Snidaro est rejetée.

Article 2 : En sus des condamnations prononcées à son encontre par le tribunal administratif de Nancy par jugement du 22 janvier 2019, la société Snidaro est condamnée à verser à la communauté d'agglomération du Grand Verdun la somme de 11 732,40 euros TTC. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 23 mai 2017. Les intérêts échus le 7 novembre 2018 seront capitalisés à compter de cette date et à chaque date anniversaire suivante.

Article 3 :Le jugement n° 1701418 du tribunal administratif de Nancy du 22 janvier 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Snidaro, à la communauté d'agglomération du Grand Verdun, à la société Vosges Lam anciennement dénommée SA Haas-Weisrock, à la SELARL Krebs-Suty et Gelis, ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société Vosges Lam, à Me Carrasset-Marillier, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SELARL Jean-Michel Ruols et à la société Edeis venant aux droits de la société Pingat Ingénierie.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mis à disposition au greffe, le 30 mars 2022.

Le rapporteur,

Signé : P. Rees La présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne à la préfète de la Meuse en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 19NC00864 2


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