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30/03/2022 | FRANCE | N°19NC00500

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 30 mars 2022, 19NC00500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mac Do a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du 15 octobre 2018 par laquelle la commune d'Epernay a désaffecté et déclassé une partie de la parcelle AB65 de son domaine public.

Par une ordonnance n° 1802573 du 21 décembre 2018, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande comme irrecevable.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire respectivem

ent enregistrés le 19 février 2019 et le 27 septembre 2019, la société Mac Do, représentée par la S...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mac Do a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du 15 octobre 2018 par laquelle la commune d'Epernay a désaffecté et déclassé une partie de la parcelle AB65 de son domaine public.

Par une ordonnance n° 1802573 du 21 décembre 2018, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande comme irrecevable.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire respectivement enregistrés le 19 février 2019 et le 27 septembre 2019, la société Mac Do, représentée par la Selas Devarenne associés Grand Est, demande à la cour :

1°) à titre principal d'annuler cette ordonnance du 21 décembre 2018 et de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler la délibération du 15 octobre 2018 par laquelle la commune d'Epernay a désaffecté et déclassé la parcelle AB65 de son domaine public issue de la division de la parcelle AB15 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Epernay le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière dès lors qu'elle a intérêt à agir contre la délibération du 15 octobre 2018 qui affecte les conditions d'exploitation de son établissement commercial et qui altère la circulation, la structure et l'aménagement de la voie dont elle est riveraine ;

- la délibération du 15 octobre 2018 méconnait les dispositions de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques dès lors que la parcelle du domaine public n'a pas fait l'objet d'une désaffectation matérielle et préalable ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière au motif que le déclassement de cette parcelle qui constitue une voie communale aurait dû être précédée d'une enquête publique préalable ;

- le déclassement de la parcelle du domaine public de la commune n'est justifié par aucun motif d'intérêt général et constitue à ce titre un détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 avril 2019 et le 5 décembre 2019, la commune d'Epernay conclut au rejet de la requête et au bien-fondé de l'ordonnance attaquée du fait de l'irrecevabilité de la demande de première instance, en raison du défaut d'intérêt à agir de la société Mac Do et de l'absence de décision lui faisant grief, la parcelle AB 65 n'ayant jamais fait partie du domaine public et à titre subsidiaire, à ce que la cour évoque le dossier et rejette la requête. Enfin, elle demande à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Mac Do sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Massin-Trachez, pour la société Mac Do.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 28 mai 2018, la commune d'Epernay a décidé de vendre une partie de la parcelle AB15 d'une superficie de 300 mètres carrés à la société Art de Vivre. Par une délibération du 21 septembre 2018, la commune d'Epernay a retiré cette délibération. Par une nouvelle délibération du 15 octobre 2018, la commune a désaffecté et déclassé la parcelle AB 65 issue de la division de la parcelle AB 15 et donné autorisation à son maire pour signer tout document se rapportant à cette affaire. La société Mac Do fait appel de l'ordonnance du 21 décembre 2018 par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Chalons-en Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 15 octobre 2018.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) " et de l'article R. 222-1 du même code : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Il en résulte que les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application de ces dernières dispositions sont, d'une part, celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, d'autre part, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré et, enfin, celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré. En revanche, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre un rejet par ordonnance lorsque la juridiction s'est bornée à communiquer au requérant, en lui indiquant le délai dans lequel il lui serait loisible de répondre, le mémoire dans lequel une partie adverse a opposé une fin de non-recevoir. En pareil cas, à moins que son auteur n'ait été invité à la régulariser dans les conditions prévues à l'article R. 612-1 du code de justice administrative, la requête ne peut être rejetée pour irrecevabilité que par une décision prise après audience publique.

3. Il ressort des pièces du dossier que la société Mac Do a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du 15 octobre 2018 par laquelle la commune d'Epernay a désaffecté et déclassé la parcelle AB 65 issue de la division de la parcelle AB 15 et donné autorisation à son maire pour signer tout document se rapportant à cette affaire. En considérant que la société ne se prévalait d'aucun intérêt à agir sans l'avoir invitée à régulariser au préalable afin de rejeter sa requête comme manifestement irrecevable en se fondant sur le 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a commis une erreur de droit. Par suite, son ordonnance doit être annulée.

4. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de la société Mac Do devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune d'Epernay en raison de l'absence d'intérêt à agir de la société Mac Do :

5. Au soutien de sa requête, la société Mac Do fait valoir que sa qualité de commerçant dont l'établissement commercial est situé à proximité de la parcelle AB 65 sur laquelle il est projeté de créer une enseigne concurrente, Burger King, ainsi que sa qualité de riverain d'une voie de circulation, l'allée de Cumières à Epernay dont la structure, l'aménagement et la circulation seront affectés par la cession de la parcelle, lui donnent intérêt pour agir contre la délibération du 15 octobre 2018 constatant la désaffectation et déclassant ladite parcelle.

6. Toutefois, d'une part, la délibération attaquée qui constitue un acte de gestion de son domaine public communal, même si elle rend possible ultérieurement l'implantation d'un commerce, n'est ni une autorisation d'exploitation commerciale, ni un acte de cession de la parcelle. Par suite, la qualité de commerçant concurrent n'est pas de nature à lui donner intérêt à agir contre cette délibération.

7. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Mac Do serait riveraine de l'allée des Cumières, son établissement étant situé rue du Saule Verdelette, en amont d'un rond-point qui donne sur cette voie, à 250 mètres. Au surplus, il n'est pas établi que le déclassement de cette parcelle et son éventuelle cession, même si elle tendait à créer une nouvelle sortie sur cette voie, en amont du second rond-point, modifierait la circulation de l'allée de Cumières et affecterait les conditions d'exploitation de son établissement.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Mac Do étant dépourvue d'intérêt à agir contre la délibération du 15 octobre 2018 de la commune d'Epernay, n'est pas recevable à en demander l'annulation.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune d'Epernay la somme réclamée par la société Mac Do au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Mac Do, partie perdante, le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Epernay en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1802573 du 21 décembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Chalons en Champagne est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Mac Do est rejeté.

Article 3 : La société Mac Do versera à la commune d'Epernay une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mac Do et à la commune d'Epernay.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2022.

La rapporteure,

Signé : M. Barrois La présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 19NC00500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00500
Date de la décision : 30/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-02 Domaine. - Domaine public. - Régime. - Changement d'affectation.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-30;19nc00500 ?
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