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29/03/2022 | FRANCE | N°19NC03724

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 29 mars 2022, 19NC03724


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision, révélée par son relevé de notes établi le 27 juin 2018, par laquelle le jury d'examen de l'université de Strasbourg a refusé de lui délivrer le diplôme de master 2 de " droit économie et gestion ", mention " droit public et droit privé ", spécialité " droit pénal et sciences criminelles ", ensemble la décision du 20 août 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1805241 du 24 octobre 2019,

le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé la décision par laquelle...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision, révélée par son relevé de notes établi le 27 juin 2018, par laquelle le jury d'examen de l'université de Strasbourg a refusé de lui délivrer le diplôme de master 2 de " droit économie et gestion ", mention " droit public et droit privé ", spécialité " droit pénal et sciences criminelles ", ensemble la décision du 20 août 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1805241 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé la décision par laquelle le jury d'examen de l'université de Strasbourg a refusé de lui délivrer le diplôme du master 2 suivi, ensemble la décision du 20 août 2018 rejetant le recours gracieux de Mme B... et, d'autre part, enjoint à l'université de Strasbourg de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2019, l'université de Strasbourg, représentée par Me Clamer, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 octobre 2019 ;

2°) de rejeter la requête de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de B... devant le tribunal administratif était tardive, dès lors que Mme B... a eu connaissance de son relevé de notes dès le 7 juillet 2016 et n'a introduit son recours devant le tribunal administratif que le 21 août 2018, soit après l'expiration du délai de recours raisonnable d'un an ;

- les règles générales relatives aux modalités d'évaluation des étudiants en licence et en master ont consacré comme principe la règle de non compensation des notes obtenues au cours des deux semestres de la deuxième année de master ; le principe d'égalité n'a donc vocation à s'appliquer qu'aux cas de dérogations accordées à cette règle, mais non quand il est uniquement fait application de la position de principe ;

- le principe d'égalité ne trouve à s'appliquer qu'entre étudiants d'une même spécialité, dès lors que les modalités de contrôle des connaissances sont déterminées par spécialité, en fonction de la cohérence pédagogique et scientifique des enseignements et des objectifs de la formation.

La requête de l'université de Strasbourg a été communiquée à la dernière adresse connue de Mme B... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- l'arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marchal,

- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... était inscrite à l'université de Strasbourg, au titre de l'année universitaire 2015-2016, en deuxième année de master " droit, économie et gestion " dans la spécialité " droit pénal et sciences criminelles ", mais a été ajournée. Elle a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision, révélée par son relevé de notes établi le 27 juin 2018, par laquelle le jury d'examen de l'université de Strasbourg a refusé de lui délivrer son diplôme de master 2 de " droit économie et gestion ", mention " droit public et droit privé ", spécialité " droit pénal et sciences criminelles ", ensemble la décision du 20 août 2018 rejetant son recours gracieux. Par un jugement du 24 octobre 2019, dont l'université de Strasbourg fait appel, le tribunal administratif a annulé ces deux décisions.

Sur la tardiveté de la requête de première instance :

2. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

3. L'université de Strasbourg soutient que si Mme B... n'a pas reçu notification de la décision avec les mentions exigées par l'article R. 421-5 du code de justice administrative, l'intéressée a néanmoins nécessairement eu connaissance de cette décision à compter de la date de la publication de ses résultats d'examens sur son espace numérique de travail. Pour autant, à considérer que les résultats de Mme B... aient effectivement été publiés sur l'espace numérique de travail de cette dernière dès le 7 juillet 2016, cette circonstance, comme celle tirée de ce que ses résultats aient également été affichés le même jour dans l'aula de la faculté de droit, ne permet pas d'établir la date à laquelle Mme B... a eu connaissance de la décision d'ajournement litigieuse. La certitude de la connaissance de cette décision par la requérante de première instance ne résulte que de l'exercice par cette dernière d'un recours gracieux auprès du doyen de la faculté de droit par une lettre du 2 juillet 2018. Par suite, la requête introductive d'instance présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg le 21 août 2018 n'était pas tardive.

Sur le moyen retenu par le tribunal administratif de Strasbourg :

4. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir

réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à

l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la

différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui

l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la

justifier.

5. Pour annuler la décision refusant de délivrer le diplôme de master 2 à

Mme B..., qui a obtenu une note de 9,10 sur 20 à l'issue du premier semestre et une note de 13,4 sur 20 au second semestre, le tribunal a retenu qu'elle méconnaissait le principe d'égalité de traitement entre les usagers dès lors que d'autres étudiants de master 2 de droit ont pu, pour leur part, bénéficier d'une compensation pour valider leur diplôme.

6. En premier lieu, à considérer que les règles générales relatives aux modalités d'évaluation des étudiants en licence et en master posent, pour l'année universitaire 2015-2016, la même règle que pour l'année 2014-2015 et consacrent ainsi comme principe la

non-compensation des notes obtenues au cours des deux semestres du master 2, cette circonstance n'est pas de nature, en elle-même, à assurer l'égalité entre tous les étudiants en master 2 dès lors que l'université indique elle-même qu'il est possible de prévoir des dérogations à ce principe de non-compensation et qu'elle ne conteste pas le fait que les règles applicables aux masters 2 de droit comportent, à l'exception du master 2 suivi par Mme B..., la possibilité d'une telle dérogation au principe de non-compensation.

7. En second lieu, l'université de Strasbourg soutient qu'il ne serait possible d'appréhender le respect du principe d'égalité qu'entre les étudiants d'une même spécialité, dès lors que chaque spécialité poursuit des objectifs propres, et que l'impossibilité de compenser les notes obtenues entre les deux semestres de master 2 de la spécialité " droit pénal et sciences criminelles " est justifiée par les objectifs propres à cette spécialité. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le master 2 de droit mention " droit public et droit privé ", spécialité " droit pénal et sciences criminelles " suivi par Mme B... est constitué de divers enseignements théoriques dans les domaines juridique et linguistique, lesquels sont sanctionnés par des examens à l'issue du premier semestre. Le second semestre est dévolu à l'acquisition de connaissances méthodologiques en vue de réaliser un mémoire de recherche ou, selon les cas, à un module d'aide à l'insertion professionnelle, avant que ne soit réalisé un mémoire de recherche ou un stage professionnel. Les notes de ce second semestre évaluent la qualité du mémoire de recherche ou du rapport de stage. Mme B... fait valoir, sans être contredite par l'université, que les modalités d'évaluation des autres spécialités et mentions de master 2 de droit sont majoritairement semblables à celle de son master et prévoient ainsi que l'évaluation du premier semestre porte sur des enseignements théoriques dans les domaines juridique et linguistique, alors que l'évaluation du second semestre porte, pour une part largement prépondérante si ce n'est exclusive, sur la réalisation d'un mémoire ou d'un stage. Il est, pour étayer ses propos, notamment versé au dossier par Mme B... les règlements des masters 2 spécialités " droit du contentieux ", " droit privé fondamental " ou encore " droit public général ", qui présentent un contenu pédagogique et une organisation des enseignements similaires à la spécialité " droit pénal et sciences criminelles ", et dont les étudiants bénéficient de la possibilité d'une compensation des notes obtenues au cours des deux semestres du master 2, contrairement aux étudiants du master 2 spécialité " droit pénal et sciences criminelles ". Dans ces conditions, la différence de traitement dont les étudiants de la spécialité " droit pénal et sciences criminelles " font l'objet est manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'université de Strasbourg n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision, révélée par le relevé de notes établi le 27 juin 2018, par laquelle le jury d'examen de l'université de Strasbourg a refusé de délivrer à Mme B... le diplôme de master 2 de " droit économie et gestion ", mention " droit public et droit privé ", spécialité " droit pénal et sciences criminelles ", ensemble la décision du 20 août 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont l'Université de Strasbourg demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'Université de Strasbourg est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Université de Strasbourg et à

Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. MARCHALLe président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 19NC03724 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03724
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-05-01-01-01 Enseignement et recherche. - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. - Enseignement supérieur et grandes écoles. - Universités. - Organisation des études universitaires. - Diplômes.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : CM.AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-29;19nc03724 ?
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