Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2017 du président de l'Eurométropole de Strasbourg lui infligeant un blâme.
Le jugement de cette affaire a été attribué au tribunal administratif de Nancy, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 26 mars 2019.
Par un jugement n° 1726673 du 28 juin 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 août 2019, M. A... B..., représenté par Me Loew, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du président de l'Eurométropole de Strasbourg du 18 octobre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le premier juge n'a pris en considération ni le dépôt de mandat de son précédent conseil, ni son mémoire en réplique, ce dernier n'ayant, en outre, pas été visé ;
- la procédure d'édiction de l'arrêté litigieux est irrégulière car il a été privé d'une garantie substantielle en l'absence d'information sur le droit à la communication de son dossier préalablement à l'entretien du 30 novembre 2016, à la suite duquel la décision de lui infliger un blâme avait été arrêtée ;
- c'est à tort que l'administration a retenu qu'il avait commis des manquements ; s'agissant du suivi des travaux réalisés rue du Canal à Vendenheim, il ne saurait être tenu responsable de facturations vérifiées par le chef de service ou réalisées à la demande du maître de l'ouvrage et dont le montant demeure inférieur au montant initial augmenté par ordre de services, de sorte qu'il n'y a pas surfacturation ; en ce qui concerne les travaux de la rue du Fort à Geispolsheim, la collectivité a décidé de poursuivre les études avant que le laboratoire EMS n'ait fait part de ses préconisations sur la structure de la chaussée, en dépit de la réserve qu'il avait formulée dans la revue de commande, qui avait été contresignée par son chef de service, aucun supérieur n'ayant relevé l'absence de grave bitume ; il ne saurait être tenu responsable du caractère incomplet du cahier des charges qui lui a été communiqué.
Par un mémoire enregistré le 27 décembre 2019, l'Eurométropole de Strasbourg, représentée par Me Bourgun, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 15 février 2022, l'Eurométropole de Strasbourg conclut aux mêmes fins que précédemment, en faisant valoir que l'instance est privée d'objet en raison du retrait de la sanction du dossier de l'intéressé depuis le 9 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye,
- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,
- et les observations de Me Loew pour M. B....
1. M. B... est technicien territorial première classe titulaire, exerçant des fonctions de chargé d'affaires de maîtrise d'œuvre à la direction de la mobilité et des espaces publics et naturels de l'Eurométropole de Strasbourg. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande, qui devait être regardée comme tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 18 octobre 2017 du président de l'Eurométropole de Strasbourg lui infligeant un blâme, l'article 1er de cet arrêté retirant une précédente décision édictant à son égard la même sanction.
Sur l'objet du litige :
2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le blâme infligé le 18 octobre 2017 aurait été retiré ou, en toute hypothèse, abrogé. Dans ces conditions, alors même que cette sanction a cessé, en cours d'instance, de figurer dans le dossier de l'intéressé, en application de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale précédemment visée, le litige n'a pas perdu son objet, contrairement à ce que fait valoir l'Eurométropole de Strasbourg dans ses dernières écritures.
Sur la légalité de l'arrêté litigieux :
3. Aux termes des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, alors applicable : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. (...) / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée à droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ".
4. Une sanction ne peut être légalement prononcée à l'égard d'un agent public sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense. S'agissant des sanctions du premier groupe, dont le blâme fait partie, pour les fonctionnaires territoriaux, en vertu des dispositions de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, cette garantie procédurale est assurée, en application des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, par l'information donnée par l'administration à l'intéressé qu'une procédure disciplinaire est engagée et qu'il dispose du droit à la communication de son dossier individuel et de tous les documents annexes, ainsi qu'à l'assistance des défenseurs de son choix.
5. Si l'administration n'était pas tenue d'organiser un entretien préalable avant d'infliger le blâme en litige, ni, plus généralement, d'inviter expressément M. B... à formuler ses observations avant l'édiction de la sanction, elle a néanmoins décidé d'organiser une telle rencontre. Contrairement à ce qu'indique le courrier du 3 janvier 2017, l'entretien du 30 novembre 2016 ne s'est pas déroulé en amont de la procédure disciplinaire proprement dite mais au cours de celle-ci, ainsi que cela ressort de la teneur du courrier du 20 septembre 2016, produit par la collectivité à la demande de la cour. Il ressort également des termes du courrier du 3 janvier 2017 que l'administration a porté, au regard des éléments mis en avant par M. B... au cours de cet entretien, une appréciation sur l'existence d'un manquement. Dans ces conditions, en l'informant de son droit à consulter son dossier seulement postérieurement à cet entretien, par le courrier du 3 janvier 2017, et sans l'inviter à nouveau à présenter ses observations, l'administration n'a pas permis à M. B... de préparer sa défense en temps utile. Elle a ainsi entaché sa décision d'un vice de procédure qui a privé l'agent d'une garantie, alors que c'est seulement le 18 janvier 2017 que M. B... a effectivement consulté son dossier.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande et à demander l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2017, en tant qu'il lui inflige un blâme.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse la somme que la défenderesse réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1726673 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 28 juin 2019 est annulé.
Article 2 : L'article 2 de l'arrêté du 18 octobre 2017 du président de l'Eurométropole de Strasbourg est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Eurométropole de Strasbourg.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président de chambre,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.
La rapporteure,
Signé : A. SAMSON-DYELe président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
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N° 19NC02643