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22/03/2022 | FRANCE | N°21NC02732

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 22 mars 2022, 21NC02732


Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... E... et Mme B... G... C... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par des requêtes enregistrées respectivement sous les nos 2100497 et 2100498 d'annuler les arrêtés du 18 février 2021 par lesquels le préfet de l'Aube les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination. Par des requêtes enregistrées sous les n° 2101323 et 2101324, ils ont également demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champ

agne d'annuler les décisions du 29 janvier 2021 par lesquelles le préfet de l'Aub...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... E... et Mme B... G... C... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par des requêtes enregistrées respectivement sous les nos 2100497 et 2100498 d'annuler les arrêtés du 18 février 2021 par lesquels le préfet de l'Aube les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination. Par des requêtes enregistrées sous les n° 2101323 et 2101324, ils ont également demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les décisions du 29 janvier 2021 par lesquelles le préfet de l'Aube a refusé de leur délivrer un titre de séjour, ensemble les décisions du 12 avril 2021 rejetant leur recours gracieux.

Par deux jugements n° 2100497 et 2101323 et n° 2100498 et 2101324 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les arrêtés du préfet de l'Aube du 29 janvier 2021, les décisions du 12 avril 2021, les arrêtés du 18 février 2021 et lui a enjoint de délivrer à M. E... et à Mme A... C... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification des jugements.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, n° 21NC02732, enregistrée le 18 octobre 2021, le préfet de l'Aube, représenté par Me Termeau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100497 et 2101323 du 16 septembre 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a annulé les arrêtés des 29 janvier et 18 février 2021, la décision du 12 avril 2021, l'a enjoint à délivrer à M. E... un titre de séjour " vie privée et familiale " et lui a alloué une somme de 600 euros au titre des frais irrépétibles ;

2°) de rejeter les demandes de M. E....

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions portant refus de titre de séjour sur la situation personnelle du requérant ;

- la décision du 18 février 2021 portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur de droit ; elle pouvait être fondée sur le 3° et /ou le 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige ;

- à titre subsidiaire, il est fondé à solliciter une substitution de base légale du 3° du I de l'article L. 511-1 du code précité aux lieux et place du 6° du même article concernant son arrêté préfectoral du 18 février 2021 portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2022, M. E..., représenté par Me Rapoport, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire et, durant l'attente, une autorisation provisoire de séjour et à ce qu'il soit mis à la charge du préfet de l'Aube la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi de 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- les moyens ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause, le jugement sera confirmé au regard des moyens développés en première instance.

II. Par une requête, n° 21NC02733, enregistrée le 18 octobre 2021, le préfet de l'Aube, représenté par Me Termeau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100498 et 2101324 du 16 septembre 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a annulé les arrêtés des 29 janvier et 18 février 2021, la décision du 12 avril 2021, l'a enjoint à délivrer à Mme A... C... un titre de séjour " vie privée et familiale " et lui a alloué une somme de 600 euros au titre des frais irrépétibles ;

2°) de rejeter les demandes de Mme A... C....

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions portant refus de titre de séjour sur la situation personnelle de la requérante ;

- la décision du 18 février 2021 portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur de droit ; elle pouvait être fondée sur le 3° et /ou le 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige ;

- à titre subsidiaire, il est fondé à solliciter une substitution de base légale du 3° du I de l'article L. 511-1 du code précité aux lieux et place du 6° du même article concernant son arrêté préfectoral du 18 février 2021 portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2022, Mme A... C... , représentée par Me Rapoport, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire et, durant l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et à ce qu'il soit mis à la charge du préfet de l'Aube la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi de 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- les moyens ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause, le jugement sera confirmé au regard des moyens développés en première instance.

M. E... et Mme A... C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 17 janvier 2022.

Les parties ont été informées le 18 février 2022, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que les conclusions à fin d'injonction de délivrance de titre de séjour à M. E... et à Mme A... C... sont dépourvues d'objet dès lors que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans ses jugements du 16 septembre 2021 a déjà enjoint à l'Etat de leur délivrer un titre de séjour.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, rapporteure,

- et les observations de Me Rapoport, représentant M. E... et Mme A... C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante colombienne née le 12 décembre 1965 à Velez, est entrée en France le 12 juin 2017 accompagnée de ses trois enfants et a été rejointe, le 9 novembre suivant, par son concubin, M. E..., ressortissant colombien né le 11 décembre 1966. Ils ont chacun déposé une demande d'asile qui a été rejetée par décisions du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile. Le 16 décembre 2020, M. E... et Mme A... C... ont sollicité leur admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 29 janvier 2021, le préfet de l'Aube a refusé de faire droit à leur demande. Les intéressés ont déposé le 29 mars 2021, un recours gracieux qui a fait l'objet d'une décision de rejet le 12 avril 2021, chacun en ce qui le concerne. Parallèlement, par deux arrêtés du 18 février 2021, le préfet de l'Aube les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination. M. E... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler ces arrêtés. Ils ont également demandé au tribunal d'annuler les arrêtés du 29 janvier 2021 par lesquels le préfet de l'Aube a refusé de leur délivrer un titre de séjour, ensemble les décisions du 12 avril 2021 rejetant leur recours gracieux. Le préfet de l'Aube relève appel des jugements du 16 septembre 2021 par lesquels le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé toutes les décisions prises à l'encontre de M. E... et de Mme A... C..., lui a enjoint de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi de 1991 relative à l'aide juridique.

Sur les décisions du 29 janvier 2021 portant refus de titre de séjour, ensemble les décisions du 12 avril 2021 rejetant les recours gracieux de M. E... et de Mme A... C... :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... C... est entrée en France le 12 juin 2017 avec ses trois enfants et que M. E... les a rejoints le 9 novembre 2017. S'il ressort des pièces du dossier que depuis leur arrivée en France, ils ont acquis un bien immobilier, que leurs trois enfants ont réalisé d'importants efforts d'intégration, notamment en obtenant le niveau A2 du diplôme d'études en langue française et en poursuivant brillamment leur scolarité ainsi qu'en participant à des activités périscolaires, telles que la pratique d'un instrument au conservatoire ou le sport en club, que la famille est bien intégrée en France et que les parents sont impliqués, tant dans le suivi de la scolarité de leurs enfants, que dans la vie associative locale, la famille n'était toutefois présente en France que depuis moins de 4 ans au moment où les refus de titre de séjour ont été pris, date à laquelle leur légalité s'apprécie. Les promesses d'embauche dont se prévalent les requérants n'ont quant à elles été produites que postérieurement aux refus de titre de séjour. Si deux enfants majeurs de M. E... sont également sur le territoire français, ils étaient présents antérieurement à la venue de la famille. Ainsi, en dépit des nombreux efforts louables de la famille et de sa bonne intégration au sein de la société française, les décisions de refus de titre de séjour, au regard de la durée de séjour en France de la cellule familiale, ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.

3. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Aube est fondé à soutenir que c'est à tort que pour annuler les décisions portant refus de séjour, ainsi que les décisions du 12 avril 2021, prises à l'encontre de M. F... et de Mme A... C..., le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a retenu ce moyen.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... et de Mme A... C... contre ces décisions.

En ce qui concerne les autres moyens :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) constituent une mesure de police (...) ". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. Il résulte des termes-mêmes des décisions attaquées, qui visent les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui mentionnent plusieurs éléments relatifs à la situation personnelle de M. E... et de Mme A... C..., que celles-ci sont suffisamment motivées tant en droit qu'en fait. En outre, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Aube a procédé à un examen particulier de leur situation personnelle.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Au regard de ce qui a été dit au point 2 du présent arrêt, compte tenu notamment de la durée du séjour en France de M. E... et de Mme A... C..., et de ce que les décisions en litige n'ont ni pour objet, ni pour effet de scinder la cellule familiale, le moyen tiré de ce que les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour porteraient à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises et méconnaîtraient par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

10. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

11. Dans les circonstances rappelées au point 2, qui ne révèlent pas, compte tenu notamment de la durée du séjour en France de M. E... et de Mme A... C..., des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, le préfet de l'Aube n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à M. E... et à Mme A... C... un titre de séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce qu'ils seraient exposés à des risques de persécution en cas de retour en Colombie est inopérant dès lors que ces décisions portant refus de titre de séjour n'impliquent pas par elles-mêmes le retour du couple dans leur pays d'origine.

13. Enfin, en dernier lieu, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

14. Il ressort des pièces du dossier que les trois enfants mineurs du couple sont scolarisés en France et obtiennent de bons résultats scolaires. Toutefois, les refus de titre de séjour en litige de leurs parents ne les privent pas de poursuivre leur scolarité. Le préfet, qui contrairement à ce que soutient M. E... et Mme A... C..., a examiné la situation de leurs enfants en tenant compte de leur intérêt supérieur, n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées.

15. Il résulte de ce qui précède que les demandes de M. E... et Mme A... C... tendant à l'annulation des décisions portant refus de séjour et rejet de leurs recours gracieux doivent être rejetées.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français du 18 février 2021 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

16. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ".

17. Il résulte de ces dispositions que si la demande d'un étranger qui a régulièrement sollicité un titre de séjour ou son renouvellement a été rejetée, la décision portant obligation de quitter le territoire français susceptible d'intervenir à son encontre doit nécessairement être regardée comme fondée sur un refus de titre de séjour, donc sur la base légale prévue au 3° du I de cet article. Il en va ainsi tant lorsque la décision relative au séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire interviennent de façon concomitante que, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant qu'une décision relative au séjour devrait être regardée comme caduque au-delà d'un certain délai après son intervention, lorsqu'une décision portant obligation de quitter le territoire intervient postérieurement à la décision relative au séjour, y compris lorsqu'une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire intervient à l'égard d'un étranger qui s'est maintenu sur le territoire malgré l'intervention antérieure d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire.

18. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Aube a fondé ses décisions du 18 février 2021 portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 précité. Or, et alors même que la reconnaissance du statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusée à M. E... et à Mme A... C..., dès lors qu'un refus de titre de séjour leur a antérieurement été opposé par des décisions du 29 janvier 2021, le préfet ne pouvait pas faire application des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les obliger à quitter le territoire, mais devait se fonder sur les dispositions du 3° du I de cet article. Par suite, et dès lors que la cour n'est pas tenue de faire droit à la demande de substitution de motif sollicitée par le préfet, les décisions du 18 février 2021 sont entachées d'erreur droit.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Aube est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les arrêtés des 29 janvier 2021 de refus de séjour et les décisions du 12 avril 2021 portant rejet de leur recours gracieux. Les articles 3 des jugements contestés n° 2100497 et 2101323 et n° 2100498 et 2101324 doivent être annulés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à compter du 1er mai 2021 : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

21. L'annulation par le tribunal des seules décisions portant obligation de quitter le territoire, eu égard au motif retenu, n'implique pas qu'un titre de séjour soit délivré à M. E... et à Mme A... C.... Par suite, le préfet de l'Aube est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne lui a enjoint de leur délivrer des titres de séjour. Les articles 5 des jugements contestés n° 2100497 et 2101323 et n° 2100498 et 2101324 doivent également être annulés dans cette mesure.

22. En revanche, cette annulation implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de l'Aube de réexaminer la situation du couple au regard des éléments de fait existants à cette date et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans cette attente, du fait de l'annulation des obligations de quitter le territoire français, le préfet de l'Aube délivrera immédiatement à M. E... et à Mme A... C... une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées.

Sur les frais liés aux instances :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie principalement perdante, les sommes que M. E... et Mme A... C... demandent au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 3 et 5 des jugements du 16 septembre 2021, n° 2100497 et 2101323 et n° 2100498 et 2101324 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par M. E... et Mme A... C... tendant à l'annulation des refus de titre de séjour du 29 janvier 2021, ensemble les décisions de rejet de leur recours gracieux du 12 avril 2021, sont rejetées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Aube de réexaminer la situation de M. E... et de Mme A... C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de leur délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour.

Article 4: Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E..., à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

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Nos 21NC02732, 21NC02733


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02732
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SELARL ABSIL CARMINATI TRAN TERMEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-22;21nc02732 ?
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