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22/03/2022 | FRANCE | N°19NC01635

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 22 mars 2022, 19NC01635


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Soprema Entreprises a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier de Pfastatt à lui verser la somme de 242 431,60 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre du solde du lot n° 4 " étanchéité - zinguerie - lanterneaux " du marché de restructuration d'une partie de ses bâtiments et de construction d'un bâtiment, assortie des intérêts moratoires au taux de 4,99 % à compter du 9 octobre 2015 et de la capitalisation des intérêts, ainsi que de mettre à l

a charge du centre hospitalier de Pfastatt une somme de 5 000 euros sur le fond...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Soprema Entreprises a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier de Pfastatt à lui verser la somme de 242 431,60 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre du solde du lot n° 4 " étanchéité - zinguerie - lanterneaux " du marché de restructuration d'une partie de ses bâtiments et de construction d'un bâtiment, assortie des intérêts moratoires au taux de 4,99 % à compter du 9 octobre 2015 et de la capitalisation des intérêts, ainsi que de mettre à la charge du centre hospitalier de Pfastatt une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601744 du 27 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a arrêté le solde du marché à la somme de 36 138,79 euros TTC et 191 110 euros hors taxe (HT) en faveur du centre hospitalier et rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Soprema Entreprises.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 mai 2019 et 26 mai 2020, la société Soprema Entreprises, représentée par Me Keller, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 mars 2019 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Pfastatt à lui verser la somme de 242 431,60 euros TTC au titre du solde du lot n° 4 " étanchéité - zinguerie - lanterneaux " du marché de restructuration d'une partie des bâtiments et de construction d'un bâtiment, assortie des intérêts moratoires au taux de 4,99 % à compter du 9 octobre 2015 ;

3°) de rejeter l'appel incident du centre hospitalier de Pfastatt ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pfastatt le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

S'agissant de la régularité du jugement que :

- le jugement n'est pas signé ;

- le tribunal n'a pas répondu à ses moyens tirés du caractère imprécis du décompte concernant les pénalités de retard et de ce qu'il n'était pas possible de cumuler des pénalités de retard et la sanction de mise en régie aux frais et risques ;

S'agissant du bien-fondé du jugement que :

- le maître de l'ouvrage, en faisant exécuter les travaux de reprise des imperfections et des malfaçons dans le cadre de marchés conclus avec une entreprise tierce n'a pas procédé à la mise en régie de ces travaux sur le fondement de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux (CCAG-Travaux) mais a mis en œuvre de façon irrégulière les mesures coercitives prévues à l'article 48 du CCAG-Travaux ;

- subsidiairement, la procédure suivie par le maître de l'ouvrage est également irrégulière dès lors qu'il n'a pas été procédé au constat contradictoire préalable des travaux à réaliser, en méconnaissance de l'article 48.3 du CCAG-Travaux ;

- la procédure est également irrégulière dès lors qu'elle s'est vue interdire l'accès aux bâtiments et que le marché de substitution ne lui a pas été notifié, la privant ainsi de son droit de suivi en méconnaissance des stipulations de l'article 48.5 du CCAG-Travaux ;

- les marchés relatifs aux missions " DET " et " AOR " ne lui ont pas été notifiés ;

- ces irrégularités font obstacle à ce que le montant des prestations et travaux réalisés à ses frais et risques soit mis à son débit dans le décompte général du marché ;

- l'ensemble des réserves ayant été levées, les travaux exécutés à ses frais et risques ont le caractère de travaux supplémentaires ;

- il est impossible que les travaux réalisés à ses frais et risques représentent la moitié du montant du marché initial ;

- elle n'a pas pu évaluer les travaux réalisés dès lors qu'elle était interdite d'accès au chantier, de sorte que leur montant ne peut être mis à sa charge ;

- les frais mentionnés au point 4 du décompte général notifié par le centre hospitalier de Pfastatt ne sont pas détaillés et justifiés, de sorte qu'ils ne peuvent être mis à sa charge ;

- les prix pratiqués par l'entreprise qui a réalisé les travaux exécutés à ses frais et risques sont excessifs et ne correspondent pas à la réalité du marché ;

- la procédure suivie pour la passation du marché de substitution est irrégulière dès lors qu'aucun appel d'offre n'a été lancé ;

- l'étanchéité, les ancrages des garde-corps provisoires, l'extension en console du bâtiment A, la toiture de la galerie du bâtiment A et du bâtiment B au niveau R + 2 et la toiture auvent entrée HDJ R + 1 n'ont pas fait l'objet de réserves, de sorte que les travaux concernant ces postes sont des travaux supplémentaires dont le coût ne peut pas être mis à sa charge ;

- ces circonstances font obstacle à ce que le montant des prestations et des travaux réalisés à ses frais et risques soit mis à son débit dans le décompte général du marché ;

- le décompte des pénalités de retard n'est pas détaillé ; le maître de l'ouvrage ne justifie ni du point de départ des pénalités, ni du nombre de jours de retard qui lui sont imputés et ne mentionne pas les jours d'intempéries et les arrêts de chantier, de sorte qu'il lui est impossible d'opérer une computation précise des jours de retard ;

- le maître de l'ouvrage ne pouvait pas contractuellement lui appliquer des pénalités de retard pour la levée de réserve postérieurement à la décision de réception ;

- le maître de l'ouvrage ne pouvait pas contractuellement lui appliquer des pénalités de retard pour la levée de réserve alors qu'elle s'était vue interdire l'accès au chantier ;

- l'acte d'engagement prévoyant un délai d'exécution de trente mois à compter du 9 mai 2011, le maître de l'ouvrage ne pouvait pas contractuellement lui appliquer des pénalités de retard alors que ce délai n'était pas expiré ;

- il n'est pas démontré que le retard a eu un impact sur les autres travaux de l'ouvrage ;

- le retard est la conséquence des décalages imputables aux autres entreprises, qui ont reporté de vingt jours calendaires le démarrage des travaux de son lot ;

- la méthode de calcul des pénalités de retard pour la pose des couvertines, zone par zone et par jour calendaire, n'est pas conforme aux stipulations de l'article 7.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché (CCAP) ;

- selon le planning d'exécution, le délai de pose des couvertines expirait le 20 septembre 2012 et non le 5 mars 2012 ;

- selon l'OS n° 7, le délai d'exécution global de la deuxième phase était de cent-dix-huit jours à compter du 25 mars 2013 ;

- ces circonstances font obstacle à ce que des pénalités de retard soient inscrites à son débit dans le décompte général du marché ;

- subsidiairement, le nombre de jours de retard qui lui sont imputables ne saurait être supérieur à soixante-huit, en raison des intempéries et des retards des autres corps d'état ;

- subsidiairement, le montant des pénalités doit être réduit en raison de son caractère manifestement excessif ;

- la résiliation du marché étant fautive, elle a droit à l'indemnisation des préjudices résultant de la cessation irrégulière de ses relations contractuelles ;

- elle a droit au paiement des sommes qui lui restent dues pour les travaux qu'elle a réalisés, soit 242 431,60 euros TTC, correspondant au montant du marché initial après déduction des règlements déjà effectués, et à la révision des prix à hauteur de 11 092,94 euros HT ;

- les moyens soulevés par le centre hospitalier de Pfastatt à l'appui de son appel incident ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 août 2019 et 17 juillet 2020, le centre hospitalier de Pfastatt conclut au rejet de la requête de la société Soprema Entreprises et, par la voie de l'appel incident, d'une part, à la réformation partielle du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 mars 2019 en tant qu'il a déduit la somme de 24 976,01 euros du coût total du marché de substitution de la phase 2 et la somme de 21 120 euros au titre des pénalités de retard et, d'autre part, à la condamnation de la société Soprema Entreprises à lui verser la somme de 273 344,80 euros TTC en paiement du solde du marché et, enfin, à ce que soit mis à la charge de l'appelante le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement manque en fait ;

- il est établi que la société Soprema Entreprises n'a effectué aucun des travaux de levée des réserves de la première phase et qu'il restait des réserves à lever s'agissant de la deuxième phase ;

- en faisant exécuter les travaux pour lever des réserves dans le cadre de marchés passés avec une autre entreprise aux frais et risques de la société Soprema Entreprises, il ne saurait être regardé comme ayant résilié le marché et mis en œuvre les mesures coercitives de l'article 48 du CCAG-Travaux ;

- la société Soprema Entreprises ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par l'article 48 du CCAG-Travaux et, en tout état de cause, des constats contradictoires préalables des travaux à réaliser ont été effectués les 30 avril 2013 et 7 novembre 2014 ;

- le moyen tiré de l'irrégularité des décisions de réception partielle n'est pas fondé ;

- le moyen tiré du caractère excessif du marché de substitution n'est pas fondé ;

- le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de passation des marchés de substitution est inopérant et en tout état de cause infondé ;

- le moyen tiré du caractère imprécis des bases de calcul des pénalités de retard n'est pas fondé ;

- aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe ne s'opposait à ce que la société Soprema Entreprises soit sanctionnée à la fois par l'application de pénalités de retard et par l'exécution à ses frais et risques des travaux de levée des réserves ;

- il était fondé à mettre à la charge de la société Soprema Entreprises des pénalités de retard entre le 8 février 2013, date limite fixée pour la levée des réserves, et le 3 mai 2013, date à laquelle la levée des réserves a été confiée à une entreprise tierce, soit 84 jours calendaires de retard auxquels il a appliqué une pénalité de 440 euros par jour de retard ;

- il était fondé, en application de l'article 7 du CCAP, à mettre à la charge de la société Soprema Entreprises des pénalités de retard venant sanctionner la méconnaissance du calendrier détaillé d'exécution notifié par ordre de service n° 3 du 19 décembre 2011 qui prévoyait des délais partiel d'exécution par zone pour la pose des couvertines, soit un retard de 1 156 jours calendaires ;

- si la cour estime que ce mode de calcul est erroné, il conviendrait de retenir la date d'achèvement des couvertines pour chaque zone, soit un retard de 265 jours calendaires ;

- il était fondé à sanctionner la méconnaissance des délais partiels d'exécution dès lors que le retard de la société Soprema Entreprises a eu des incidences sur les travaux des autres lots de l'opération ;

- contrairement à ce qui est soutenu, les jours de retard imputables aux autres corps d'état ont bien été déduits ;

- la société Soprema Entreprises ne peut utilement se prévaloir de ce que le délai global d'exécution de trente mois a été respecté ;

- le calendrier recalé ne révèle aucune commune intention des parties d'abandonner les délais initiaux du calendrier détaillé d'exécution notifié par ordre de service n° 3 du 19 décembre 2011 ;

- la société Soprema Entreprises ne justifie pas de ce que son retard serait imputable au retard d'autres corps d'état ;

- le principe de légalité des délais et des peines n'a pas vocation à s'appliquer au droit des contrats publics de sorte que la société Soprema Entreprises ne peut utilement soutenir qu'en méconnaissance de ce principe elle n'a pas été mise à même de connaitre de manière suffisamment précise les bases de liquidation des pénalités ;

- le montant des pénalités ne présente pas un caractère manifestement excessif ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, s'il n'est pas contesté que la non-conformité du procédé d'étanchéité n'a pas été relevée dans les réserves de la deuxième phase, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les travaux de reprise, d'un montant de 14 269,75 euros, soient mis à la charge de la société Soprema Entreprises ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les travaux du marché " lot 204 " conclu avec la société Eriane concernant la toiture galerie A/B en R + 2, la toiture auvent entrée HDJ R + 1 du bâtiment B et la toiture auvent entrée polyclinique R + 1 du bâtiment A correspondent à des non-conformités qui étaient mentionnées dans l'annexe au procès-verbal de levée des réserves du 15 janvier 2014, de sorte qu'il est fondé à ce que le coût de ces travaux de reprise, d'un montant total de 9 773,06 euros HT, soit porté au débit du décompte de la société Soprema Entreprises ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, bien que la non-conformité des couvertines des auvents des bâtiments A et B ne soit pas expressément mentionnée dans l'annexe au procès-verbal de levée des réserves du 15 janvier 2014, il est constant que ces éléments font partie intégrante de la toiture-terrasse, de sorte qu'il est fondé à ce que le coût des travaux de reprise de ces parties de l'ouvrage, d'un montant total de 2 742,98 euros HT, soit porté au débit du décompte de la société Soprema Entreprises ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, dès lors que la non-conformité du support de protection collective en terrasse était mentionnée dans l'annexe au procès-verbal de levée des réserves du 15 janvier 2014, il était fondé à ce que le coût des travaux de reprise de la galerie A/B + 2, d'un montant de 933,20 euros HT, soit porté au débit du décompte de la société Soprema Entreprises ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'y a pas lieu de déduire quarante-huit jours d'intempéries dès lors que leur existence n'est pas établie.

Par un courrier du 21 janvier 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions reconventionnelles du centre hospitalier de Pfastatt tendant à la condamnation de la société Soprema à lui verser la somme de 273 344,80 euros TTC au titre du solde du marché, dès lors que celles-ci présentent un caractère nouveau en appel.

Par un mémoire enregistré le 25 janvier 2022, le centre hospitalier de Pfastatt a informé le tribunal de ce que le moyen relevé d'office n'appelait pas d'observation de sa part. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picque, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Keller, représentant la société Soprema Entreprises, ainsi que celles de Me Condello, représentant le centre hospitalier de Pfastatt.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'une opération de restructuration de ses bâtiments et de construction d'un nouveau bâtiment, le centre hospitalier de Pfastatt, par un acte d'engagement signé le 25 août 2011, a confié à la société Soprema Entreprises l'exécution du lot n° 4 " étanchéité - zinguerie - lanterneaux " du marché public de travaux. Le 1er février 2013, la première phase des travaux, portant sur la construction du bâtiment C, a fait l'objet d'une décision de réception avec réserves avec effet au 7 février 2013. Le 12 février 2013, le maître d'œuvre a proposé de lever certaines réserves et d'en maintenir d'autres concernant des imperfections et malfaçons restant à corriger. Le 18 mars 2013, le centre hospitalier de Pfastatt a mis en demeure l'entrepreneur de lever l'ensemble des réserves dans un délai de quinze jours en l'informant qu'à défaut de respecter ce délai, une mise en régie à ses frais et risques pourrait être ordonnée. Dans un courrier du 8 avril 2013, le maître de l'ouvrage a informé la société Soprema que celle-ci n'ayant pas levé l'ensemble des réserves qui lui avait été notifiées, il avait ordonné la mise en régie à ses frais et risques et qu'il lui était désormais interdit d'intervenir sur le bâtiment C. La seconde phase des travaux, portant sur la restructuration des bâtiments A et B et de leurs extérieurs, a fait l'objet d'une décision de réception avec réserves du 20 décembre 2013 prenant effet au 10 janvier 2014. A cette date, le maître d'œuvre a proposé de lever les réserves à l'exception de certaines imperfections et malfaçons. Le 4 avril 2014, le centre hospitalier de Pfastatt a mis en demeure l'entrepreneur de lever ces réserves dans un délai de quinze jours, sous peine que les travaux soient réalisés à ses frais et risques. A l'issue d'un constat contradictoire effectué le 7 novembre 2014, la mise en régie a été ordonnée. Le 28 août 2015, le centre hospitalier de Pfastatt a notifié à la société Soprema le décompte général du marché, faisant apparaître un solde négatif. L'entrepreneur a contesté ce décompte général par un mémoire en réclamation reçu le 4 octobre 2015 par le maître de l'ouvrage. Cette réclamation a été expressément rejetée par le centre hospitalier de Pfastatt le 24 novembre 2015.

2. La société Soprema fait appel du jugement du 27 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a fixé le solde du marché à la somme de 36 138,79 TTC et 191 110 euros HT à son débit et rejeté sa demande de condamnation du centre hospitalier de Pfastatt à lui verser la somme de 242 431,60 euros TTC. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier de Pfastatt conteste le montant du solde fixé par les premiers juges et demande, à titre reconventionnel, la condamnation de la société Soprema Entreprises à lui verser une somme de 273 344,80 euros (61 114,80 euros TTC et 212 230 euros HT) à ce titre.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, la rapporteure et le greffier d'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la société Soprema Entreprises ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans ses écritures de première instance, la société Soprema soulevait un moyen tiré de l'absence de bien-fondé des pénalités, en faisant notamment valoir comme arguments à l'appui de celui-ci que les pénalités ne pouvaient se cumuler avec la mise en régie du marché à ses frais et risques et que la motivation insuffisante du décompte ne permettait pas d'opérer une computation précise des jours de retard. Les points 14 à 21 du jugement attaqué indiquent les motifs pour lesquels le tribunal a estimé qu'une partie des pénalités de retard était fondée. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments venant au soutien des moyens, n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation en ne répondant pas expressément à certains d'entre eux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les frais de mise en régie des travaux de levée des réserves :

Quant à la régularité et au bien-fondé des décisions de mise en régie des travaux de levée des réserves des phases 1 et 2 aux frais et risques de la société Soprema :

6. D'une part, aux termes de l'article 41.3 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux (CCAG Travaux) : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. Sauf le cas prévu à l'article 41. 1. 3, à défaut de décision du maître de l'ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'œuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire / (...) ". Selon l'article 41.6 du même document contractuel : " Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44. 1. Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître de l'ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse ".

7. D'autre part, il résulte des règles générales applicables aux contrats administratifs que le maître d'ouvrage de travaux publics qui a vainement mis en demeure son cocontractant d'exécuter l'exécution des prestations qu'il s'est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat, dispose de la faculté de faire exécuter celles-ci, aux frais et risques de son cocontractant, par une entreprise tierce ou par lui-même. La mesure coercitive de mise en régie, n'a pas pour effet de rompre le lien contractuel entre le pouvoir adjudicateur et son cocontractant et ne saurait être subordonnée à une résiliation préalable du contrat.

8. Enfin, si le cocontractant défaillant doit être mis à même de suivre l'exécution d'un marché de substitution conclu entre le maître de l'ouvrage et un autre entrepreneur pour l'achèvement des travaux, les contrats passés par le maître d'ouvrage avec un autre entrepreneur pour la seule reprise de malfaçons auxquelles le titulaire du marché n'a pas remédié ne constituent pas, en principe, des marchés de substitution soumis au droit de suivi de leur exécution.

9. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 1, il résulte de l'instruction, et en particulier des procès-verbaux de réception et de levée des réserves, que le centre hospitalier de Pfastatt a assorti de réserves les décisions de réception des phases 1 et 2 des travaux en litige. Contrairement à ce que soutient la société Soprema, aucun principe, ni aucune stipulation contractuelle n'empêchait de retenir comme dates d'achèvement des travaux, et par conséquent de prise d'effet des décisions de réception, les dates butoirs fixées pour l'exécution des travaux nécessaires à la levée des réserves. La société Soprema n'a pas, dans les délais qui lui étaient impartis par le centre hospitalier de Pfastatt, et malgré des mises en demeure des 18 mars 2013 et 4 avril 2014, remédié à l'ensemble des imperfections et malfaçons énumérées en annexe des procès-verbaux alors qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait été empêchée de le faire par le maître de l'ouvrage. Dans ces conditions, en application de l'article 41.6 du CCAG Travaux, le centre hospitalier Pfastatt pouvait, comme il l'a fait par les décisions du 8 avril 2013 et 7 novembre 2014, et sans être tenu de mettre en œuvre une procédure contradictoire préalable, décider de procéder à la mise en régie des travaux de reprise des malfaçons et imperfections, aux frais et risques de la société requérante. Ainsi qu'il a été dit au point 7, le maître de l'ouvrage était libre de mettre en œuvre cette mesure coercitive en faisant exécuter ces travaux par un autre entrepreneur, sans que cette décision ait eu pour effet de rompre le lien contractuel avec la société Soprema, ni ne nécessite une résiliation préalable des marchés. Il s'ensuit que, contrairement à ce qui est soutenu, les marchés de " mise en conformité " conclus dans ce contexte entre le centre hospitalier de Pfastatt et la société Eriane ne constituent pas des marchés de substitution passés après une mesure de résiliation décidée sur le fondement de l'article 48.2 du CCAG-Travaux, nonobstant la référence à ces dispositions dans les courriers de mise en demeure.

10. Il en résulte que les moyens tirés de ce que le maître de l'ouvrage n'aurait pas fait procéder au constat contradictoire préalable des travaux à réaliser, en méconnaissance de l'article 48.3 du CCAG-Travaux, de la méconnaissance du droit de suivi des marchés de substitution prévu par les stipulations de l'article 48.5 du même document contractuel et de ce que la société Soprema n'a pas non plus été mise à même de suivre l'exécution de prestations de maîtrise d'œuvre, ne sont pas utilement invocables à l'appui de la contestation des décisions de mise en régie des travaux nécessaires à la levée des réserves. L'ensemble de ces moyens doivent, dès lors, être écartés comme inopérants.

Quant à l'évaluation des surcoûts résultant de la décision de mise en régie des travaux de levée des réserves de la phase 2 aux frais et risques de la société Soprema :

11. En premier lieu, il résulte des stipulations de l'article 41.6 du CCAG-Travaux, citées au point 5, que seuls les travaux destinés à remédier aux imperfections et malfaçons qui font l'objet de réserves à la réception et n'ont pas été levées dans le délai imparti peuvent être mis à la charge du titulaire.

12. Il résulte de l'instruction, et en particulier de l'annexe n° 1 au procès-verbal du 17 janvier 2014 qu'au terme du délai qui lui avait été imparti, la société Soprema n'avait remédié aux imperfections et malfaçons suivantes concernant la phase 2 du marché : " n° 11, Galerie bâtiment B : changer les couvertines non conformes au CCTP / n° 2, A/3/02 : Transmettre PV d'essais / n° 88, A/3/45 : Finitions sur câble à réaliser / n° 4, Combles : Nettoyage à réaliser / n° 1, Terrasse : Support de protection collective à poser avec avis défavorable du bureau de contrôle / n° 15, Terrasse bâtiment A : Changer couvertines non conformes au CCTP ; remplacement d'une dalle sur la terrasse R + 1 Bâtiment A ".

13. D'une part, il résulte de ce qui vient d'être dit que le centre hospitalier de Pfastatt n'a pas assorti la décision de réception de la phase 2 de réserves concernant le procédé d'étanchéité. Au surplus, il résulte de l'instruction que la non-conformité de ces travaux n'a été constatée que lors d'une visite du 23 juillet 2014, soit postérieurement à la réception. Par conséquent, le coût des travaux des postes 6.1 " relevé d'étanchéité isolé épaisseur 12 cm, auto protégé, hauteur 30 cm " et 6.2 " relevé d'étanchéité isolé épaisseur 4 cm, auto protégé, hauteur 40 cm " du marché de mise en conformité " lot n° 204 " conclu entre le maître de l'ouvrage et la société Eriane, d'un montant total de 14 269,75 euros HT, ne saurait être inscrit au débit de la société Soprema dans le décompte du marché en litige.

14. D'autre part, il résulte du point 12 que les réserves du maître de l'ouvrage relatives à la non-conformité des couvertines ne concernaient que la galerie du bâtiment B (réserve n° 11) et la terrasse du bâtiment A (réserve n° 15). Par conséquent, le coût des travaux des postes 6.3.1.2 " toiture galerie A/B R + 2 " (7 030,08 euros HT), 6.3.3.1 " toiture auvent entrée HDJ R + 1 bâtiment B " (1 490,75 euros) et 6.3.3.2 " toiture avent entrée polyclinique R + 1 bâtiment A " (1 252,23 euros) du marché de mise en conformité " lot n° 204 " conclu entre le maître de l'ouvrage et la société Eriane ne saurait être inscrit au débit de la société Soprema dans le décompte du marché en litige. En revanche, le maître de l'ouvrage pouvait mettre à la charge de la société requérante le coût des travaux des postes 6.3.1.1 " toiture terrasse principale bâtiment A " (32 514,12 euros HT), 6.3.1.3 " toiture galerie existante longeant le bâtiment B R + 1 " (14 938,92 euros HT) et 6.3.2.1 " toiture terrasse principale bâtiment A " (10 866,66 euros HT) du même marché de mise en conformité.

15. Enfin, au regard du point 12, seul le coût de la pose de garde-corps provisoires en toiture de la terrasse principale, d'un montant de 6 169,98 euros HT (poste 6.4.1.1 du marché de mise en conformité " lot n° 204 " conclu entre le maître de l'ouvrage et la société Eriane) pouvait être inscrit au débit de la société Soprema dans le décompte de son marché. Par conséquent, celle-ci est fondée à demander que la somme de 933,20 euros HT correspondant au coût de la pose de garde-corps provisoires en toiture de la " galerie AB R + 2 " (poste 6.4.1.2 du marché de mise en conformité " lot n° 204 " conclu entre le maître de l'ouvrage et la société Eriane) ne soit pas mis à sa charge.

16. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le montant des travaux de mise en conformité de la phase 2 restant à la charge de la société Soprema ne correspondrait pas au strict coût des opérations nécessaires à la levée des réserves, dont la requérante ne remet en cause ni la nature ni l'ampleur.

17. En troisième lieu, la société Soprema ne peut utilement se prévaloir de ce que la procédure suivie par le centre hospitalier de Pfastatt pour la passation du marché de mise en conformité serait irrégulière.

18. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la levée des réserves de la phase 2 ait occasionné des frais supplémentaires de maîtrise d'œuvre (7 761,60 euros HT), de conduite d'opération (2 860 euros HT), de mission DET et AOR (8 470,88 euros HT), et administratifs (500 euros). Par conséquent, la société Soprema est fondée à demander qu'aucune de ces sommes ne soit inscrite à son débit à ce titre dans le décompte général du marché en litige.

19. Il résulte des points 11 à 18 du présent arrêt que le centre hospitalier de Pfastatt est seulement fondé à demander l'inscription d'une somme totale de 64 489,68 euros HT (77 129,65 euros TTC) au débit du décompte du marché conclu avec la ²société Soprema, correspondant au montant des travaux de levée des réserves de la phase 2 réalisés par la société Eriane aux frais et risques de la société Soprema. La somme de 130 000 euros HT (155 480 euros TTC) correspondant au montant du marché " lot n° 104 " conclu entre le maître de l'ouvrage et la société Eriane pour la levée de réserves de la phase 1 et les frais de constats d'huissier d'un montant total de 564,75 euros HT (676,67 euros TTC) mis à la charge de la société requérante ne sont par ailleurs pas contestés. Par suite, le montant total des surcoûts résultant de la mise en régie des travaux de reprise des malfaçons et imperfections du marché en litige doit être arrêté à la somme de 195 054,43 euros HT (233 286, 32 TTC), à porter au débit de la société Soprema dans le décompte du marché.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

20. Aux termes de l'article 7.1 du CCAP du marché en litige : " Par dérogation à l'article 20.1 du CCAG, en cas de retard dans l'exécution des travaux, y compris pour le repliement des installations et pour la levée des réserves formulées lors de la réception, le maître de l'ouvrage pourra appliquer une pénalité journalière d'1 / 1000 e du montant du marché avec un minimum de 300 euros par jour calendaire. Il est précisé que si le titulaire est dans l'impossibilité de démarrer ses travaux à la date prévue, il doit en informer par écrit le maître d'œuvre, l'OPC et le conducteur d'opération au moins 48 heures à l'avance en précisant les raisons pour lesquelles il ne peut pas intervenir. / Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre. / (...) / Une fois le montant des pénalités déterminé, celles-ci sont prises en compte et la formule de variation prévue au marché leur est appliquée dans les conditions prévues à l'article 13.2.1 du CCAG. / En cas de retard sur un délai partiel et si le délai global est respecté, le représentant du pouvoir adjudicateur rembourse au titulaire les pénalités provisoires appliquées, à la condition que le retard partiel n'ait pas eu d'impact sur les autres travaux de l'ouvrage. / L'article 20.4 du CCAG est remplacé par les dispositions suivantes : Le montant des pénalités n'est pas plafonné ".

Quant aux pénalités de retard dans l'exécution des travaux :

21. Aux termes de l'article 6.1 du CCAP du marché en litige : " Délai d'exécution des travaux tous corps d'état. Les dispositions des articles 19.1 et 28.2.3 du CCAG sont remplacées par les dispositions suivantes : Le calendrier prévisionnel d'exécution joint en annexe à l'acte d'engagement précise le délai d'exécution des travaux incombant au titulaire fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur au sein du délai global d'exécution de l'ensemble des travaux allotis tout corps d'état. / Le calendrier prévisionnel d'exécution est établi hors intempéries. / Le calendrier détaillé d'exécution est élaboré par le responsable de la mission d'ordonnancement-pilotage-coordination (OPC) du chantier en concertation avec les titulaires des différents lots et avec le coordonnateur SPS et dans le respect du délai d'exécution des travaux au titulaire tel que prévu au calendrier prévisionnel d'exécution. Le calendrier détaillé d'exécution est soumis par le maître d'œuvre à l'approbation du représentant du pouvoir adjudicateur. / Ce calendrier détaillé d'exécution précise la date à partir de laquelle démarre le délai d'exécution de chacun des lots. / Ce calendrier détaillé d'exécution est ensuite notifié par ordre de service par le maître d'œuvre aux titulaires de chacun des lots et s'impose conformément aux dispositions de l'article 3.8.3 du CCAG. / Ce calendrier est mis à jour en tant que besoin dans les mêmes conditions que son élaboration. / Le titulaire ne peut se prévaloir d'aucun préjudice en cas de décalage de la date à partir de laquelle démarre le délai d'exécution et il devra impérativement se conformer aux indications du calendrier détaillé d'exécution ". Selon l'article 3.8.3 du CCAG Travaux auquel l'article 6-1 du CCAP renvoie: " Le titulaire se conforme strictement aux ordres de service qui lui sont notifiés, que ceux-ci aient ou non fait l'objet de réserves de sa part (...) ". Aux termes de l'article 19.2.3 du CCAG-Travaux : " Dans le cas d'intempéries au sens des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, entraînant un arrêt de travail sur les chantiers, les délais d'exécution des travaux sont prolongés. Cette prolongation est notifiée au titulaire par un ordre de service qui en précise la durée. Cette durée est égale au nombre de journées réellement constaté au cours desquelles le travail a été arrêté du fait des intempéries conformément auxdites dispositions, en défalquant, s'il y a lieu, le nombre de journées d'intempéries prévisibles indiqué dans les documents particuliers du marché. Les samedis, dimanches et jours fériés ou chômés compris dans la période d'intempéries sont ajoutés pour le calcul de la prolongation du délai d'exécution (...) ". Selon l'article 6.2 du CCAP : " En vue de l'application éventuelle de l'article 19.2.3 du CCAG, le nombre de journées d'intempéries réputées prévisibles est fixé à : zéro. De ce fait, les délais d'exécution seront prolongés d'un nombre de jours égal au nombre de jours d'intempéries ".

22. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du compte-rendu de l'OPC du 12 juin 2012 et d'un courrier du titulaire du lot n° 20, que le retard de la société Soprema pour la pose des couvertines a eu une influence sur les autres travaux de l'ouvrage. Dans ces conditions, la circonstance que le délai global d'exécution a été respecté ne faisait pas obstacle, en application des stipulations précédemment citées au point 20 de l'article 7.1, à l'application, dans le décompte général, de pénalités de retard sur des délais partiels d'exécution.

23. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et en particulier de la note du 6 décembre 2012 établie par l'OPC, que les pénalités que le centre hospitalier de Pfastatt a entendu infliger à la société Soprema en raison de son retard dans l'exécution des travaux de la phase 1 concernant la pose des couvertines ont été calculées, conformément aux stipulations des articles 6.1 et 7.1 du CCAP, sur le fondement des délais partiels d'exécution de ces travaux figurant dans le calendrier prévisionnel d'exécution notifié à l'entrepreneur par ordre de service le 19 décembre 2011. Ce document à valeur contractuelle précise sous forme de tableau et pour chaque catégorie de travaux confiés à la société requérante, telle que la pose des couvertines, les zones concernées, la durée en nombre de jours, la date de démarrage des travaux et la date de fin des travaux, en faisant clairement apparaître dans le calendrier, les délais partiels et le chemin critique des travaux. En conformité avec le CCAP, l'OPC, pour déterminer le montant des pénalités, a tenu compte du calendrier détaillé d'exécution " indice 3 " du 17 septembre 2012. Ce calendrier au même titre que celui intitulé " indice 2 " antérieur, produit au dossier, a notamment pour objet de recaler les dates contractuelles de démarrage et de fin des travaux en tenant compte des retards pris par les autres lots et des intempéries ayant entrainé des arrêts de travail sur le chantier.

24. D'une part, il résulte de ce qui vient d'être dit, alors au demeurant que le décompte général n'avait pas à mentionner les bases de calcul des pénalités, que les moyens soulevés par la société Soprema, tirés de ce que les pénalités de retard mises à sa charge ne procèdent pas d'une computation précise des jours de retard par rapport aux délais contractuels, de ce que la méthode de calcul des pénalités de retard zone par zone et par jour calendaire ne serait pas conforme à l'article 7.1 du CCAP, de ce qu'il n'aurait pas été tenu compte du calendrier détaillé d'exécution " indice 2 " et du respect du délai global d'exécution de la phase 2 des travaux, non concernée par les pénalités, doivent être écartés.

25. D'autre part, si la société requérante soutient que le retard dans la pose des couvertines est partiellement imputable aux autres intervenants, cette allégation n'est pas assortie de précisions suffisantes et n'est corroborée d'aucune pièce permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, il résulte de l'instruction et plus particulièrement de la note du 6 décembre 2012 que, sur le fondement du calendrier détaillé d'exécution " indice 3 " du 17 septembre 2012, l'OPC a fait démarrer le délai d'exécution des travaux de pose des couvertines à l'achèvement des travaux d'autres lots relatifs aux crépis extérieurs de la façade sud et au mur rideau de la façade nord.

26. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que, comme le soutenait la société Soprema en première instance, le chantier aurait connu quarante-huit journées d'intempéries, réellement constatées, au cours desquelles ses travaux auraient été arrêtés. En particulier, s'il ressort du tableau figurant page 4 du compte-rendu de la réunion OPC n° 64 du 9 octobre 2012, postérieur au calendrier détaillé d'exécution " indice 3 ", que sur la période allant de la semaine 37 à la semaine 41 de l'année 2012, le chantier a connu vingt-et-un jours d'intempéries, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux de la société Soprema, intervenue en semaine 37, 38 et 41, auraient été, en tout ou partie, arrêtés de ce fait.

27. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Pfastatt pouvait comme il l'a fait pénaliser les trois-cent-quatre-vingt-dix-huit jours calendaires de retard par zone imputables à la société Soprema dans l'exécution des travaux de pose des couvertines, à hauteur de 175 120 euros. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ne l'ont pas totalement déchargée du montant des pénalités de retard inscrit au débit de son décompte à ce titre. En revanche, la personne publique intimée est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que les premiers juges ont déduit quarante-huit jours du nombre de jours de retard.

Quant aux pénalités de retard pour la levée des réserves :

28. Par dérogation à l'article 20.1 du CCAG-Travaux et en application du premier paragraphe de l'article 7.1 du CCAP cité au point 20, la mise en régie des travaux de levée des réserves ne fait pas obstacle à ce que les retards dans l'exécution de ces travaux par le titulaire du marché fassent l'objet de pénalités. En revanche, elles ne peuvent porter sur la période postérieure à la décision de mise en régie.

29. En conséquence, le centre hospitalier de Pfastatt ne pouvait, pour calculer les pénalités de retard pour la levée des réserves de la phase 1, prendre en compte la période au-delà du 8 avril 2013, date à laquelle il a informé la société Soprema de la mise en régie des travaux destinés à remédier aux imperfections et malfaçons du bâtiment C et de son impossibilité d'intervenir à compter de cette date sur cet ouvrage. Par suite, seuls cinquante-neuf jours de retard au titre de la levée des réserves de la phase 1 entre le 8 février et le 8 avril 2013 peuvent être pris en compte. Il en résulte qu'une somme de 25 960 euros doit être portée au débit de la société Soprema à ce titre dans le décompte en litige. Par conséquent, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont inscrit dans le décompte, à son débit, une somme de 39 960 euros correspondant à quatre-vingt-quatre jours de retard pour la levée des réserves.

30. Il résulte de ce qui précède que le montant des pénalités dues s'élève à la somme de 201 080 euros.

Quant à la modulation des pénalités de retard :

31. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

32. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations ;

33. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.

34. Il résulte de ce qui a été dit ci-avant que la société Soprema est redevable en application des clauses du contrat d'une somme de 201 080 euros au titre de pénalités de retard. Ce montant représente 46 % du montant total du marché HT qui s'élève à 437 114,66 euros HT. Au regard de ce qui a été dit au point 32, la société requérante ne peut utilement soutenir que le retard n'a pas porté préjudice à la personne publique. Compte tenu par ailleurs de l'importance des retards constatés, allant d'un à trois mois selon les zones, et alors que la société requérante ne présente aucun élément d'appréciation ou de comparaison permettant d'établir qu'au cas d'espèce le montant de ces pénalités présenterait un caractère manifestement excessif, il n'y a pas lieu de modérer leur montant.

En ce qui concerne le solde :

35. Il résulte de l'instruction que le montant des travaux réalisés par la société Soprema s'élève à la somme non contestée de 437 114,66 euros HT (522 878,22 euros TTC), auquel il faut ajouter la somme non contestée due au titre de la révision des prix, soit 11 108,81 euros HT (13 288,90 euros TTC), soit un montant total de 448 253,47 euros HT (536 167,12 euros TTC). Il résulte de ce qui a été dit aux point 19 et 30 qu'il y a lieu de déduire de ce montant, d'une part, les frais de mise en régie des travaux de levée des réserves d'un montant total de 233 286,32 euros TTC, d'autre part, les pénalités de retard d'un montant de 201 080 euros et, enfin, la pénalité de 150 euros non contestée pour le non-respect des mesures d'hygiène. Compte tenu des sommes déjà perçues, à hauteur de 296 382,71 euros TTC, le solde du marché est donc arrêté à la somme de 194 731,91 euros au débit de la société Soprema.

36. Par suite, si la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a arrêté le solde du marché à la somme de 230 248,79 euros (36 138,79 euros TTC + 194 110 euros non assujettis à la TVA correspondant aux pénalités) en sa défaveur, elle n'est pas fondée à se plaindre que le tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 242 431,60 euros en règlement du solde du marché, assortie des intérêts moratoires au taux de 4,99 % à compter du 9 octobre 2015 et de leur capitalisation.

37. Il y a également lieu, en conséquence de rejeter l'appel incident du centre hospitalier de Pfastatt tendant à la majoration du montant du solde du marché arrêté en sa faveur par le tribunal administratif de Strasbourg.

38. Enfin, ainsi qu'en ont été informées les parties, les conclusions du centre hospitalier de Pfastatt tendant à la condamnation de la société Soprema à lui verser le solde du marché présentent un caractère nouveau en appel et sont par suite irrecevables.

Sur les frais de l'instance :

39. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Pfastatt, qui n'est pas, dans la présente instance, pour le principal la partie perdante, le versement de la somme que la société Soprema demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas davantage lieu de mettre à la charge de la requérante le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le solde du lot n° 4 " étanchéité - zinguerie - lanterneaux " du marché conclu le 25 août 2011 entre la société Soprema Entreprises et le centre hospitalier de Pfastatt pour la restructuration d'une partie de ses bâtiments et de construction d'un bâtiment est arrêté à la somme de 194 731,91 euros au débit de la société Soprema Entreprises.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1601744 du 27 mars 2019 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de la société Soprema Entreprises est rejetée.

Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier de Pfastatt sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Soprema Entreprises et au centre hospitalier de Pfastatt.

2

N° 19NC01635


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01635
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : CM.AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-22;19nc01635 ?
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