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22/03/2022 | FRANCE | N°19NC01183

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 22 mars 2022, 19NC01183


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 22 février 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de procéder à son reclassement, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prendre une nouvelle décision et de reconstituer sa carrière à compter du 22 septembre 2010 et de condamner celui-ci à lui verser une somme de 400 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis assortis des intérêts à compter du 22 septembre 201

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Par un jugement n° 1700859 du 12 février 2019, le tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 22 février 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de procéder à son reclassement, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prendre une nouvelle décision et de reconstituer sa carrière à compter du 22 septembre 2010 et de condamner celui-ci à lui verser une somme de 400 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis assortis des intérêts à compter du 22 septembre 2010.

Par un jugement n° 1700859 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2019, Mme B..., représentée par Me Gabon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700859 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 12 février 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 22 février 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de reclassement et sa demande indemnitaire ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prendre une nouvelle décision et de reconstituer sa carrière, en tirant toutes les conséquences financières afférentes, à compter du 22 septembre 2010 ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 400 000 euros en réparation des

préjudices subis, assortie des intérêts à compter du 22 septembre 2010 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'un vice de procédure, faute pour l'administration d'avoir saisi la commission administrative paritaire compétente puis de lui avoir proposer des offres de reclassement ;

- la décision du 22 février 2017 a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, faute pour l'administration d'avoir saisi la commission administrative paritaire compétente puis de lui avoir proposer des offres de reclassement, tel que cela est prévu par les articles 37 et 38 du décret du 9 mai 1995 n° 95-654 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, lesquels renvoient à l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 n° 84-16 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation médicale car son inaptitude est liée à sa rechute d'accident de service dans l'exercice de ses missions de police ;

- l'administration a elle-même reconnu qu'elle devait pourvoir à son reclassement ;

- la faute commise par l'administration, qui ne l'a pas fait bénéficier des garanties de reclassement auxquelles elle pouvait prétendre, lui a causé un préjudice matériel et moral dont elle est fondée à demander réparation.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés et s'en remets à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère ;

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 octobre 2005, Mme B... a été victime d'un accident de service alors qu'elle exerçait ses fonctions en qualité d'adjoint de sécurité (ADS) au sein de la circonscription de sécurité publique de Reims. Le 30 novembre 2007, elle a démissionné de ses fonctions d'ADS d'afin d'intégrer l'école nationale de police de Reims le 1er décembre 2007 en qualité d'élève gardien de la paix. Le 15 janvier 2008, Mme B... a ressenti une vive douleur à la cheville droite lors d'un entraînement sportif qu'elle effectuait dans le cadre de sa scolarité à l'école nationale de police de Reims. Elle a été placée en arrêt maladie et a été déclarée par la suite inapte totalement et définitivement à la fonction de gardien de la paix. Elle a alors sollicité son reclassement sur un poste administratif au sein du ministère de l'intérieur. Par courrier du 26 décembre 2016 adressé au ministre de l'intérieur, elle a également formulé une demande d'indemnisation de son préjudice moral. Par une décision du 22 février 2017, le ministre de l'intérieur a rejeté ses demandes. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler cette décision du 22 février 2017, la reconstitution de sa carrière et la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 400 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi. Mme B... relève appel du jugement du 12 février 2019 qui a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A l'appui de sa demande devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, la requérante soulevait un vice de procédure tiré de ce que l'administration n'avait pas saisi la commission administrative paritaire compétente pour son reclassement. Il ressort du point 4 du jugement attaqué, contrairement à ce que soutient la requérante, que le tribunal administratif a répondu à ce moyen et l'a écarté comme étant inopérant. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, par décision du 15 février 2017, régulièrement publiée au journal officiel du 15 février 2017, le ministre de l'intérieur a donné délégation à Mme D... à l'effet de signer, en son nom, les arrêtés, décisions, instructions et documents relatifs à la gestion administrative de la carrière des agents actifs du corps de maîtrise et d'application de la police nationale, dans la limite des attributions du bureau des gradés et gardiens de la paix. Il est constant que le dernier grade de l'intéressée était élève gardien de la paix, de sorte que Mme C... était bien compétente pour prendre la décision attaquée. Enfin, la circonstance que la décision indique au titre du déléguant " pour le chef du bureau des gradés et gardiens de la paix " sans porter les noms et prénom de ce dernier est sans incidence quant à la compétence du signataire au titre de la délégation qu'il tient du ministre. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, auquel les premiers juges ont pu répondre alors même que le ministre de l'intérieur n'avait pas produit dès lors que les délégations de signature sont publiées, doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des termes-mêmes de la décision attaquée que celle-ci comporte la mention des motivations de droit et de fait qui en sont le fondement. Celle-ci est dès lors suffisamment motivée.

5. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 37 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, dans sa version applicable au litige : " Les élèves et les fonctionnaires stagiaires des services actifs de la police nationale blessés dans l'exercice d'une mission de police et reconnus par le comité médical compétent physiquement inaptes à la titularisation dans leur corps peuvent, après avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil, et nonobstant toutes dispositions contraires des statuts de ce corps, faire l'objet d'un reclassement dans les conditions posées par l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, au sein d'un autre corps de fonctionnaires relevant de l'autorité du ministre de l'intérieur. ". Aux termes de l'article 38 de ce même décret : " Le ministre de l'intérieur met en œuvre la procédure prévue à l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée au profit du fonctionnaire de police dont l'inaptitude physique à ses fonctions aura été dûment constatée par le comité médical compétent. A défaut, après avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil, ce fonctionnaire peut être reclassé dans un autre corps de fonctionnaires relevant de l'autorité du ministre de l'intérieur. ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l'article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. Il peut être procédé au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'alinéa premier du présent article par la voie du détachement dans un corps de niveau équivalent ou inférieur. Dès qu'il s'est écoulé une période d'un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le corps de détachement. Le fonctionnaire reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions a droit, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat, à une période de préparation au reclassement avec traitement d'une durée maximale d'un an. Cette période est assimilée à une période de service effectif ".

7. Si, en vertu d'un principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires, en cas d'inaptitude physique définitive, médicalement constatée, à occuper un emploi, il appartient à l'employeur de reclasser l'intéressé dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer son licenciement dans les conditions qui lui sont applicables, ni ce principe général ni les dispositions citées ci-dessus ne confèrent aux fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire, un droit à être reclassés dans l'attente d'une titularisation pour toute inaptitude physique définitive. L'article 37 du décret du 9 mai 1995 prévoit seulement la possibilité d'un reclassement pour les élèves et les fonctionnaires stagiaires des services actifs de la police nationale lorsqu'ils ont été blessés dans l'exercice d'une mission de police.

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion d'un contrôle routier le 6 octobre 2005, Mme B..., qui était alors agent non titulaire de la police nationale en sa qualité d'adjoint de sécurité, a poursuivi avec son coéquipier un véhicule dont le conducteur avait refusé de s'arrêter. Dans sa course, elle a chuté sur la chaussée, son cyclomoteur se couchant sur sa cheville droite et lui occasionnant une entorse du ligament latéral externe. Par la suite, le 15 janvier 2008, alors que Mme B... venait d'être affectée à l'école nationale de police en qualité d'élève gardien de la paix, elle a, à l'occasion d'un entraînement sportif, ressenti une vive douleur à sa cheville droite, pour laquelle elle a été placée en congé de maladie et a subi une intervention chirurgicale.

9. Ainsi, d'une part, lorsque Mme B... s'est blessée le 6 octobre 2005, elle avait la qualité d'agent contractuel de la police nationale de sorte qu'elle ne peut pas, à raison de cette blessure ou des rechutes de cette dernière, se prévaloir de la méconnaissance par le ministre de l'intérieur de l'article 37 précité pour obtenir un reclassement, lequel est uniquement applicable aux élèves et fonctionnaires stagiaires des services actifs de la police nationale.

10. D'autre part, si Mme B... avait bien la qualité d'élève gardien de la paix lorsqu'elle a ressenti le 15 janvier 2008 une vive douleur à la cheville droite alors qu'elle effectuait sa scolarité à l'école nationale de police de Reims, cette douleur, qu'elle soit une rechute ou non de son précédent accident de service du 6 octobre 2005, n'est en tout état de cause pas intervenue dans l'exercice d'une mission de police mais lors d'un entraînement sportif. Il s'ensuit que la requérante ne rentrait pas plus, au titre de cette blessure, dans le champ d'application de l'article 37 précité, uniquement applicable aux élèves blessés dans l'exercice d'une mission de police.

11. Il s'ensuit que la décision en litige n'avait pas à être précédée d'une consultation pour avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil prévue par les articles 37 et 38 du décret de 1995 et que le ministre n'a ainsi pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur dans l'appréciation de sa situation en refusant son reclassement sur le fondement de ces dispositions.

12. En dernier lieu, la circonstance que l'administration a engagé des démarches au cours de l'année 2011 afin de savoir si elle pouvait être reclassée est sans incidence sur la légalité de la décision du 22 février 2017 qui a finalement refusé son reclassement.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2017, ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les conclusions indemnitaires :

14. D'une part, il résulte de ce qui précède que la décision du 22 février 2017 en tant qu'elle porte refus de reclassement n'est pas entachée d'illégalité fautive. D'autre part, la responsabilité de l'administration ne saurait davantage être engagée au motif que Mme B... n'a pas bénéficié de la part de l'administration des mesures de soutien prévue par l'article 52 du décret du 9 mai 1995, dès lors que sa blessure n'est pas intervenue alors qu'elle était en mission de police.

15. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

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N° 19NC01183


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01183
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-22;19nc01183 ?
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