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22/03/2022 | FRANCE | N°19NC00649

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 22 mars 2022, 19NC00649


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ACE BTP a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le département du Bas-Rhin à lui verser une somme de 10 925 euros en réparation du manque à gagner résultant de la résiliation du marché d'ordonnancement, de pilotage et de coordination (OPC) des travaux d'extension du collège Romain Rolland d'Erstein et une somme de 13 874,40 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre du solde du marché résilié, ainsi que de mettre à la charge du département du Bas-Rhin une somme de

4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ACE BTP a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le département du Bas-Rhin à lui verser une somme de 10 925 euros en réparation du manque à gagner résultant de la résiliation du marché d'ordonnancement, de pilotage et de coordination (OPC) des travaux d'extension du collège Romain Rolland d'Erstein et une somme de 13 874,40 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre du solde du marché résilié, ainsi que de mettre à la charge du département du Bas-Rhin une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1605976 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande et mis à sa charge une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er mars et 13 décembre 2019, la société ACE BTP, représentée par la selarl Itinéraires avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 décembre 2018 ;

2°) de condamner le département du Bas-Rhin à lui verser une somme de 10 925 euros en réparation du manque à gagner résultant de la résiliation du marché d'ordonnancement, de pilotage et de coordination des travaux d'extension du collège Romain Rolland d'Erstein, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation à compter du 21 mars 2016 ;

3°) de condamner le département du Bas-Rhin à lui verser une somme de 13 874,40 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre du solde du marché résilié, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation à compter du 21 mars 2016 ;

4°) de mettre à la charge du département du Bas-Rhin une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel n'est pas tardive ;

- le maître de l'ouvrage ne pouvait résilier le marché pour faute au motif qu'elle n'a transmis le planning des travaux que le 20 novembre 2015 dès lors que cette circonstance n'a pas eu d'impact sur le déroulement du chantier ;

- elle n'est pas responsable du retard, qui est imputable aux entreprises Batichoc et Seltz et à l'indécision du maître d'œuvre et du bureau d'études ;

- le calendrier " EXE " notifié aux entreprises tenait compte de la réalité opérationnelle du projet dès lors qu'elle y a intégré l'ensemble des contraintes liées aux utilisateurs et aux entreprises ;

- l'ensemble des points relatifs au suivi opérationnel relevés dans le courrier de mise en demeure du 30 septembre 2015 ont fait l'objet de mesures correctives, de sorte que le département ne pouvait se fonder sur ces motifs pour résilier le marché, sanction qui, en tout état de cause, est disproportionnée ;

- la circonstance qu'elle a manqué deux réunions de chantier ne constitue pas un motif suffisamment grave de nature à justifier la résiliation du marché ;

- le retard du chantier a été réduit à dix jours calendaires, de sorte qu'il ne peut lui être reproché d'avoir manqué à sa mission de diagnostic des problèmes, de correction du calendrier et d'organisation du chantier ;

- elle a droit à l'indemnisation du manque à gagner résultant de la résiliation infondée du marché, lequel sera évalué à la somme de 10 925 euros selon une marge nette escomptée de 13,85 % ;

- la décision de résiliation du 14 décembre 2015 est signée par une autorité incompétente ;

- la décision de résiliation du 14 décembre 2015 a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la mise en demeure du 30 septembre 2015 annonçait comme sanction une poursuite de l'exécution de ses missions à ses frais et risques par un tiers et non une résiliation ;

- la décision de résiliation du 14 décembre 2015 a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le délai de quinze jours qui lui a été imparti par la mise en demeure du 30 septembre 2015 était manifestement insuffisant pour se conformer à ses obligations ;

- la décision de résiliation du 14 décembre 2015 a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la mise en demeure du 30 septembre 2015 ne l'invite pas à présenter ses observations ;

- l'irrégularité de la mesure de résiliation fait obstacle à ce que le maître de l'ouvrage mette à sa charge le surcoût résultant de la passation du marché de substitution ;

- l'irrégularité de la mesure de résiliation la rend recevable à demander le paiement du solde du marché résilié, correspondant aux prestations qu'elle a exécutées et qui n'ont pas été payées, à hauteur de 13 874, 40 euros, sans attendre le décompte du marché de substitution.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 septembre 2019 et 21 janvier 2020, le département du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société ACE BTP le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable car tardive ;

- la transmission tardive du planning des travaux constitue un manquement contractuel nonobstant les conséquences de ce retard,

- la société ACE BTP a également manqué à d'autres obligations contractuelles, et en particulier à son obligation de signaler immédiatement les retards d'entreprises défaillantes et de prendre les mesures pour y remédier, ce qui a eu des conséquences ; le maître de l'ouvrage a payé des états de situation de travaux à des entreprises sans avoir connaissance d'un retard et sans avoir pu appliquer des pénalités ; aucune proposition n'a jamais été faite pour atténuer le retard de quinze semaines par rapport au calendrier prévisionnel " DCE " et celui de cinq semaines par rapport au planning " EXE " lié à l'absence de planification et de coordination lors des études d'exécution de la phase 1 ;

- la société ACE BTP a manqué à son obligation d'établir un rapport mensuel complet illustré sur l'état d'avancement en ne fournissant qu'un seul rapport au mois d'octobre 2015 ;

- la société ACE BTP n'a jamais fourni, comme il le lui avait été demandé, les dossiers techniques des entreprises Stihle, K3E et Labaune ;

- il y a eu huit semaines sans réunion, ni compte-rendu, deux absences à des réunions de chantier concernant une phase critique du chantier, cinq diffusions tardives de compte-rendu et plusieurs comptes rendus lacunaires ;

- l'ensemble des inexécutions reprochées à la société ACE BTP, qui ont surtout porté sur des défauts de " planification ", de " suivi opérationnel " et de coordination, soit le cœur de sa mission d'ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) a généré des retards, une désorganisation et des contraintes importantes et justifiait une mesure de résiliation ;

- la résiliation étant fondée, la société ACE BTP n'a pas droit à l'indemnisation de son manque à gagner ;

- les moyens tirés du caractère irrégulier de la décision de résiliation ne sont pas fondés ;

- la demande indemnitaire n'est pas justifiée ;

- le marché prévoit une indemnisation de 4 % de la partie résiliée du marché ;

- la demande de paiement de prestations exécutées et non réglées n'est pas justifiée ;

- ce n'est que sur la base du décompte général et définitif du marché de substitution que le décompte de liquidation du marché résilié pourra être établi :

- le marché de substitution a été conclu pour un montant de 89 000 euros et n'est pas totalement exécuté, ni soldé à ce jour ;

- un projet de décompte final du marché résilié fait apparaître, à titre purement prévisionnel, un solde de 1 829,62 euros en faveur de la société ACE BTP avant déduction d'éventuelles avances, réfactions et pénalités.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles (CCAG-PI) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picque, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Diss, avocat, représentant la collectivité européenne d'Alsace.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement signé le 4 février 2014, le département du Bas-Rhin, devenu la collectivité européenne d'Alsace, a confié la mission d'ordonnance, pilotage et coordination (OPC) de l'opération d'extension et de restructuration du collège Romain Rolland d'Erstein à la société ACE BTP. Le 14 décembre 2015, le directeur du secteur immobilier du département du Bas-Rhin a pris la décision de résilier ce marché en raison des manquements de la société ACE BTP à ses obligations contractuelles. Cette résiliation pour faute a été prononcée à ses frais et risques. Le 21 mars 2016, la société ACE BTP a demandé à la personne publique, d'une part, de l'indemniser du préjudice subi du fait du caractère irrégulier et infondé de la décision de résiliation et, d'autre part, de lui payer les prestations réalisées en exécution du marché résilié. A la suite du rejet implicite de cette réclamation préalable, la société ACE BTP a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le département du Bas-Rhin à lui verser une somme de 10 925 euros en réparation du manque à gagner résultant de la résiliation infondée du marché et une somme de 13 874,40 euros TTC au titre du solde de celui-ci. Elle fait appel du jugement du 20 décembre 2018 rejetant ces demandes.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 ". Selon l'article R. 751-3 de ce code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le délai d'appel ne court qu'à compter du jour où la notification du jugement du tribunal administratif a été faite à la partie elle-même, à son domicile réel, et non à compter du jour où ce jugement a été notifié au mandataire du requérant.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à la société requérante le 2 janvier 2019. Par suite, la requête d'appel, enregistrée le 1er mars 2019, n'est pas tardive et la fin de non-recevoir opposée par l'intimé doit être écartée.

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation du caractère fautif de la résiliation :

En ce qui concerne la régularité de la mesure de résiliation :

5. Aux termes l'article 32.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles (CCAG-PI): " Sauf dans les cas prévus aux j, m et n du 32.1 ci-dessus, une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse. / Dans le cadre de la mise en demeure, le pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations ".

6. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 30 septembre 2015, le département du Bas-Rhin a mis en demeure la société ACE BTP de répondre à l'ensemble de ses obligations contractuelles dans un délai de quinze jours. Ce courrier, indique qu'à défaut la mission du titulaire serait exécutée " à (ses) frais et torts par une société tierce ". Or, la faculté dont dispose l'acheteur public, qui a vainement mis en demeure son cocontractant d'exécuter les prestations qu'il s'est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat, de faire exécuter celles-ci, aux frais et risques de son cocontractant, par une entreprise tierce, n'a pas pour effet de rompre le lien contractuel et n'implique pas nécessairement la résiliation préalable du contrat par l'acheteur public. Par suite, alors qu'il est constant que la mise en demeure ne contenait aucune annonce d'une potentielle résiliation, par la simple mention que sa mission était susceptible d'être exécutée " à (ses) frais et torts par une société tierce ", le département du Bas-Rhin ne peut être regardé comme ayant informé expressément la société ACE BTP que la résiliation de son contrat était envisagée. Ce vice, tiré de la méconnaissance de la procédure prévue au deuxième alinéa de l'article 32.2 du CCAG-PI, a privé le contractant de la personne publique d'une garantie et est de nature, à lui-seul, à entacher la mesure de résiliation d'irrégularité.

En ce qui concerne le bien-fondé de la mesure de résiliation :

7. Aux termes de l'article 32.1 du CCAG-PI : " Le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : (...) c) Le titulaire ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels (...) ". Selon le cahier des clauses administratives particulières du marché (CCAP), la société ACE BTP avait pour mission, notamment, la " planification et coordination dans le temps des études d'exécution " (5.2.1), la " planification des travaux " (5.2.2) et, en phase d'exécution des travaux, " l'organisation générale et la vie commune " (5.3.1), et le " contrôle des délais et la planification complémentaire " (5.3.2).

8. Il résulte de l'instruction, que, le 22 mai 2015, le département du Bas-Rhin s'est plaint auprès de la société ACE BTP de ce qu'elle n'avait pas établi le compte-rendu de la réunion hebdomadaire interentreprises du 11 mai 2015 et n'avait pas tenu la réunion prévue le 18 mai 2015, conduisant le maître d'œuvre à se substituer à elle. Le même courrier interroge également l'OPC sur l'absence d'établissement du planning recalé des interventions. Plus de trois mois plus tard, dans un courriel du 9 septembre 2015, le département a de nouveau demandé à la société ACE BTP de transmettre le calendrier détaillé d'exécution des travaux aux entreprises, dont certaines avaient démarré le chantier depuis le mois de mars sans être en possession de ce document. Dans un courrier du 30 septembre 2015, le directeur adjoint de l'immobilier et des moyens généraux de la collectivité a signalé à l'OPC plusieurs manquements contractuels et s'est particulièrement ému de l'absence d'explication quant au retard de quinze semaines accumulé par le chantier par rapport au calendrier prévisionnel d'exécution. Enfin, ce n'est que le 20 novembre 2015 que les entreprises ont été destinataires du calendrier détaillé d'exécution que l'OPC était contractuellement chargé d'établir et de mettre à jour au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

9. L'ensemble de ces éléments constitue des manquements aux obligations de la société ACE BTP, qui, selon le CCAP de son marché, avait pour mission, notamment, la " planification et coordination dans le temps les études d'exécution " (5.2.1), la " planification des travaux " (5.2.2) et, en phase d'exécution des travaux, " l'organisation générale et la vie commune " (5.3.1), et le " contrôle des délais et la planification complémentaire " (5.3.2). En se bornant à procéder par affirmation et à relativiser leurs conséquences, la société requérante ne conteste pas sérieusement l'existence de ces manquements qui, compte-tenu de leur nature et de leur étendue dans le temps, étaient suffisamment graves pour justifier la résiliation pour faute du marché sur le fondement du c) de l'article 32.2 du CCAG-PI.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de son caractère irrégulier, que la société requérante est uniquement fondée à soutenir que, faute d'avoir été précédée d'une mise en demeure préalable conforme aux exigences des stipulations du CCAG-PI, la décision de résiliation du 14 décembre 2015 était irrégulière. Toutefois, eu égard au caractère justifié de cette mesure, la société ACE BTP n'est pas fondée à se plaindre du rejet, par le jugement attaqué du tribunal administratif de Strasbourg, de sa demande tendant à l'indemnisation de son manque à gagner.

Sur les conclusions tendant au paiement du solde du marché :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande :

11. Aux termes l'article 34.5 du CCAG-PI : " La notification du décompte par le pouvoir adjudicateur au titulaire doit être faite au plus tard deux mois après la date d'effet de la résiliation du marché ". L'article 36.4 du même CCAG stipule que : " L'augmentation des dépenses, par rapport aux prix du marché, résultant de l'exécution des prestations aux frais et risques du titulaire est à la charge du titulaire. La diminution des dépenses ne lui profite pas ". Selon l'article 34.3 : " Le décompte de résiliation à la suite d'une décision de résiliation prise en application de l'article 32 comprend : (...) le cas échéant, le supplément des dépenses résultant de la passation d'un marché aux frais et risques du titulaire dans les conditions fixées à l'article 36 ".

12. Il doit être déduit de ces stipulations que le cocontractant de l'administration dont le marché a été résilié à ses frais et risques ne peut obtenir le décompte général de ce marché, en vue du règlement des sommes dues au titre des prestations exécutées, qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des prestations. Les conclusions présentées au juge du contrat en vue d'obtenir le règlement des sommes contractuellement dues avant le règlement définitif du nouveau marché sont ainsi irrecevables. Ces principes, applicables lorsque le marché a été régulièrement résilié, ne font cependant pas obstacle à ce que, sous réserve que le contentieux soit lié, le cocontractant dont le marché a été résilié à ses frais et risques saisisse le juge du contrat afin de faire constater l'irrégularité ou le caractère infondé de cette résiliation et de demander, de ce fait, le règlement des sommes qui lui sont dues, sans attendre le règlement définitif du nouveau marché après, le cas échéant, que le juge du contrat a obtenu des parties les éléments permettant d'établir le décompte général du marché résilié.

13. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le marché en litige a été irrégulièrement résilié. Par conséquent, en application des principes cités au point 12, la société ACE BTP qui a lié le contentieux, était recevable à demander le règlement des sommes qu'elle estimait lui être dues sur le fondement du contrat, sans attendre le règlement définitif du marché de substitution. Il s'ensuit que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme irrecevable, en raison de son caractère prématuré. Par suite le jugement est sur ce point irrégulier et doit, dans cette mesure, être annulé.

14. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette demande présentée par la société ACE BTP devant le tribunal administratif de Strasbourg.

En ce qui concerne le bien-fondé de la demande :

Quant au montant du solde :

15. Aux termes de l'article 34 du CCAG-PI : " 34. 1. La résiliation fait l'objet d'un décompte de résiliation, qui est arrêté par le pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire. / 34. 2. Le décompte de résiliation qui fait suite à une décision de résiliation prise en application des articles 31 et 33 comprend : 34. 2. 1. Au débit du titulaire : - le montant des sommes versées à titre d'avance, d'acompte, de règlement partiel définitif et de solde ; - la valeur, fixée par le marché et ses avenants éventuels, des moyens confiés au titulaire que celui-ci ne peut restituer, ainsi que la valeur de reprise des moyens que le pouvoir adjudicateur cède à l'amiable au titulaire ; - le montant des pénalités. / 34. 2. 2. Au crédit du titulaire : 34. 2. 2. 1. La valeur des prestations fournies au pouvoir adjudicateur, à savoir : - la valeur contractuelle des prestations reçues, y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires; - la valeur des prestations fournies éventuellement à la demande du pouvoir adjudicateur telles que le stockage des fournitures ".

16. Il résulte de l'instruction et en particulier des éléments non contestés du projet de décompte général proposé par le défendeur, que la valeur totale des prestations fournies par la société ACE BTP à la collectivité européenne d'Alsace s'élève à la somme totale de 29 179,62 euros hors taxe. Compte tenu des sommes déjà perçues, à hauteur de 27 347 euros hors taxe, le solde du marché doit donc être arrêté à la somme de 1 829,62 euros HT, soit 2 195,54 euros TTC.

17. Par suite, la société ACE BTP est fondée à demander la condamnation de la collectivité européenne d'Alsace à lui verser la somme de 2 195,54 euros TTC au titre du solde de son marché.

Quant aux intérêts et à la capitalisation :

18. La société ACE BTP a droit aux intérêts au taux légal correspondant à la somme de 2 195,54 euros TTC à compter de la date de réception de sa demande datée du 21 mars 2016 par la personne publique.

19. La capitalisation des intérêts a été demandée le 1er mars 2019. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1605976 du 20 décembre 2018 est annulé en tant qu'il rejette comme irrecevables les conclusions de la société ACE BTP tendant au paiement de la somme de 2 195,54 euros TTC au titre du règlement du marché d'ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) de l'opération d'extension et de restructuration du collège Romain Rolland d'Erstein.

Article 2 : La collectivité européenne d'Alsace est condamnée à verser à la société ACE BTP la somme de 2 195,54 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception du courrier daté du 21 mars 2016. Les intérêts échus au bout d'une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société ACE BTP et à la collectivité européenne d'Alsace.

2

N° 19NC00649


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00649
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Mise en régie.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-22;19nc00649 ?
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