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10/03/2022 | FRANCE | N°20NC03301

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 10 mars 2022, 20NC03301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 août 2020 par lequel le préfet de l'Aube lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2001734 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2020, M. A... B..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 août 2020 par lequel le préfet de l'Aube lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2001734 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2020, M. A... B..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2001734 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 16 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle n'est pas justifiée dans son principe et dans sa durée ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2021, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 15 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de Mme Vidal, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

1. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte un énoncé des considérations de droit et de fait, propres à la situation personnelle de M. B..., sur lesquelles le préfet s'est fondé pour décider de l'obliger à quitter le territoire français. Il est ainsi régulièrement motivé.

2. En deuxième lieu, les énonciations de l'arrêté contesté permettent de vérifier que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de M. B....

3. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant bangladais né en 1970, est entré irrégulièrement en France avec son épouse et leurs quatre enfants en juin 2015, soit un peu plus de cinq ans avant que ne soit pris l'arrêté contesté. Toutefois, à la suite du rejet de sa demande d'asile, en janvier 2017, il s'est maintenu irrégulièrement en France en dépit de deux mesures d'éloignement et d'une interdiction de retourner sur le territoire français. Aucun des membres de sa cellule familiale n'est admis au séjour en France, son épouse et son fils aîné faisant d'ailleurs également l'objet de mesures d'éloignement, et il ne justifie d'aucune autre attache, ni d'une intégration particulière sur le territoire français. Il ne peut pas utilement se prévaloir de la demande de titre de séjour que son épouse a présentée postérieurement à l'arrêté contesté, et en tout état de cause il ne produit aucun élément de nature à démontrer que l'état de santé de celle-ci serait de nature à justifier qu'elle fût admise au séjour en France. Par ailleurs, M. B... ne démontre pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 45 ans, et ses allégations sommaires et non étayées sur les risques auxquels il pourrait être exposé en cas de retour au Bengladesh ne permettent pas d'établir qu'il serait dans l'impossibilité d'y reconstituer sa cellule familiale. Du reste, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas la reconstituer en dehors du territoire français. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il l'a obligé à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

5. En quatrième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point précédent, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B... ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

6. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

7. En premier lieu, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

8. D'une part, les énonciations de l'arrêté contesté attestent de la prise en compte par le préfet, au vu de la situation du requérant, de l'ensemble des critères prévus par la loi, y compris l'ancienneté de son séjour en France et ses liens avec la France. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, la circonstance qu'il ne mentionne pas, en outre, le critère de la menace pour l'ordre public, est sans incidence sur la régularité de cette motivation, dès lors que le préfet n'a pas retenu ce motif. D'autre part, le préfet n'avait pas à se prononcer expressément sur l'absence de circonstances humanitaires de nature à justifier que l'interdiction de retour sur le territoire français ne soit pas prononcée à l'encontre de M. B..., dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas soutenu, que ce dernier aurait fait valoir de telles circonstances avant que la décision ne soit prise.

9. En deuxième lieu, M. B... ne contestant pas la décision lui refusant un délai de départ volontaire, et sa situation ne comportant aucune circonstance humanitaire pouvant justifier que l'interdiction de retour ne soit pas prononcée, il ne peut pas utilement discuter le principe de l'interdiction de retour prononcée par le préfet.

10. En troisième lieu, en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour prononcée à l'encontre de M. B..., le préfet n'a, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 4, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur dans l'appréciation de la situation de l'intéressé au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

N° 20NC03301 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03301
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Sylvie VIDAL
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-10;20nc03301 ?
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