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08/03/2022 | FRANCE | N°20NC02746

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 mars 2022, 20NC02746


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B..., M. et Mme D..., M. et Mme A..., M. et Mme C... et M. E... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 30 avril 2019 par lequel le maire de la commune de l'Etoile ne s'est pas opposé à la déclaration préalable présentée par la société SNEF Télécom pour la construction d'un relais de radiotéléphonie SFR, sur un terrain situé chemin des Grucets, et la décision du 23 août 2019 rejetant le recours gracieux présenté par certains des demandeurs.

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n jugement n° 1901894 du 6 août 2020, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B..., M. et Mme D..., M. et Mme A..., M. et Mme C... et M. E... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 30 avril 2019 par lequel le maire de la commune de l'Etoile ne s'est pas opposé à la déclaration préalable présentée par la société SNEF Télécom pour la construction d'un relais de radiotéléphonie SFR, sur un terrain situé chemin des Grucets, et la décision du 23 août 2019 rejetant le recours gracieux présenté par certains des demandeurs.

Par un jugement n° 1901894 du 6 août 2020, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 30 avril 2019, ainsi que la décision du 23 août 2019, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2020 sous le n° 20NC02746, la commune de l'Etoile, représentée par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. et Mme B... et autres ;

3°) de mettre à la charge de M. B..., M. et Mme D..., M. A..., M. et Mme C... et M. E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir, dès lors que la visibilité de l'installation en cause depuis la propriété des demandeurs n'est pas de nature à démontrer, par elle-même, que ces derniers ont intérêt à agir, alors que les propriétés sont séparées du projet par d'autres constructions et par de la végétation ; le tribunal ne pouvait, dans le même temps, retenir le risque sanitaire invoqué pour justifier l'intérêt à agir et écarter le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'article 10-A du règlement du plan local d'urbanisme communal était méconnu, dès lors que la hauteur maximale de 15 mètres mentionnée par ces dispositions n'est applicable qu'aux bâtiments d'exploitation agricole et aux ouvrages de faible emprise en lien avec l'activité agricole, tels que les silos ; ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de l'article 16-A, selon lesquelles les infrastructures et réseaux de communications électroniques ne sont pas réglementés ; la volonté des auteurs du document d'urbanisme de ne pas régir strictement l'implantation des antennes-relais ressort également des mentions du rapport de présentation relatives à l'aménagement numérique et à la nécessité de moderniser les réseaux télécoms ;

- c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les autres moyens soulevés par les demandeurs n'étaient pas fondés, s'agissant du contenu de la déclaration préalable, de la méconnaissance alléguée des articles R. 423-1, L. 111-11 et R. 111-27 du code de l'urbanisme et de la prétendue violation du plan de prévention des risques de mouvements de terrain, ainsi que du principe de précaution.

Par un mémoire, enregistré le 22 décembre 2020, M. B..., M. et Mme D..., M. A..., M. et Mme C... et M. E..., représentés par Me Corneloup, demandent à la cour de rejeter la requête de la commune de l'Etoile et de condamner cette dernière à leur verser une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir et estimé que l'article 10-A du règlement du plan local d'urbanisme était méconnu ;

- contrairement à ce que soutient la commune, l'arrêté du 30 avril 2019 est illégal au regard du caractère incomplet du dossier de déclaration préalable, de la violation des articles R. 423-1, R. 431-5, L. 111-11 et R. 111-27 du code de l'urbanisme et de la méconnaissance de l'article 1er du plan de prévention des risques de mouvements de terrain, ainsi que du principe de précaution ; dans le cadre de ses pouvoirs de réformation, la cour annulera donc l'arrêté litigieux pour ces motifs.

II. Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2020 sous le n° 20NC02907, la société française du radiotéléphone (SFR), représentée par Me Cloëz, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 6 août 2020 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. et Mme B... et autres ;

3°) de mettre solidairement à la charge de M. et Mme B..., M. et Mme D..., M. et Mme A..., M. et Mme C... et M. E... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit ; les ouvrages de faible emprise mentionnés par l'article A-10 du règlement du plan local d'urbanisme sont seulement ceux qui sont liés à l'exploitation agricole ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les demandeurs justifiaient d'un intérêt pour agir, alors qu'il n'était pas établi en première instance que le projet était visible depuis leurs propriétés, ce qui n'aurait, en toute hypothèse, pas dû être de nature à leur donner intérêt pour agir, et que le tribunal ne pouvait retenir un prétendu risque sanitaire ;

- les moyens écartés par le tribunal, et tirés de la méconnaissance des

articles R. 431-6, R. 423-1, L. 111-11 et R. 111-27 du code de l'urbanisme, de l'article 1er du plan de prévention des risques de mouvements de terrain et du principe de précaution, doivent également être écartés par la cour.

Par un mémoire enregistré le 22 décembre 2020, M. B..., M. et Mme D..., M. A..., M. et Mme C..., M. E..., représentés par Me Corneloup, demandent à la cour de rejeter la requête de la société SFR et de condamner cette dernière à leur verser une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils développent des moyens similaires à ceux figurant dans le mémoire produit dans l'instance n° 20NC02746 et précédemment analysés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Sienak pour la société SFR.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux requêtes présentant à juger des questions communes et qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un unique arrêt, la commune de l'Etoile et la société SFR contestent le jugement par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 30 avril 2019 du maire de l'Etoile portant non-opposition à la déclaration préalable présentée par la société SNEF Télécom pour la construction d'un relais de radiotéléphonie SFR, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux de certains des demandeurs.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. / Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, ou, comme en l'espèce, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable de travaux, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Les écritures et les documents produits par l'auteur du recours doivent faire apparaître clairement en quoi les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d'être directement affectées par le projet litigieux. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant, le cas échéant, les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

4. Si le tribunal n'a pas entaché son jugement de contradiction de motifs en évoquant, pour retenir l'intérêt pour agir des demandeurs, la nocivité potentielle de

l'antenne-relais tout en écartant le moyen tiré du principe de précaution, il ne ressort pas des éléments produits par les parties qu'il existerait un risque sanitaire avéré ou probable pour les demandeurs, dont les habitations sont situées à une distance comprise entre 153 et 214 mètres du projet. C'est donc à tort que les premiers juges se sont fondés sur de telles considérations pour retenir que M. B... et autres justifiaient d'un intérêt pour agir.

5. Cependant, le projet est constitué principalement d'un pylône à treillis galvanisé non peint de 45 mètres de haut, édifié sur un talus surplombant un hameau, dans un environnement demeuré dans une large mesure à l'état naturel. Au regard des documents photographiques versés devant les premiers juges et qui ont été repris en appel, l'impact visuel de ce projet depuis les propriétés des intéressés affecte directement les conditions d'occupation et de jouissance de leurs biens respectifs. Compte tenu de l'importance de cet impact visuel, qui n'est que très peu minorée par la présence d'arbres, les demandeurs justifient d'un intérêt pour contester la non-opposition à déclaration préalable en litige.

6. Il suit de là que la commune de l'Etoile et la société SFR ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la demande était recevable, en tant qu'elle émanait de M. B..., M. et Mme G... D..., M. A..., M. et Mme C... et M. E..., étant précisé qu'il n'est pas contesté qu'elle était tardive en tant qu'elle émanait de Mme B... et de Mme A....

Sur la légalité de la non-opposition à déclaration préalable :

7. Aux termes de l'article 10-A du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de l'Etoile : " Dispositions générales : La hauteur des volumes principaux des constructions est mesurée à partir du point moyen du terrain d'assiette de la construction avant les travaux d'exhaussement ou d'affouillement du sol nécessaires pour la réalisation du projet. Les ouvrages de faibles emprises (cheminées, paratonnerres...) ne sont pas compris dans le calcul des hauteurs. / Le gabarit des constructions devra être compatible avec l'environnement bâti immédiat. / La hauteur maximale est fixée à : 15 mètres hors tout pour les bâtiments d'exploitation agricole et les ouvrages de faible emprise (silos...); / 9 mètres au faîtage et 6 mètres à l'acrotère pour les habitations et leurs extensions / 3.5 mètres hors tout pour les annexes des habitations ".

8. Il ne ressort pas de ces dispositions, ni d'autres dispositions de ce règlement, telles notamment que celles de l'article 16-A, ni d'éléments issus du rapport de présentation et de nature à clarifier l'intention des auteurs du document d'urbanisme, que les " ouvrages de faible emprise " soumis à la hauteur maximale de 15 mètres seraient uniquement les installations liées à l'exploitation agricole, ou que les auteurs du plan local d'urbanisme auraient entendu faire échapper au respect de toute règle de hauteur les antennes-relais implantées en zone A. Le projet, constitué du mât précédemment mentionné reposant sur une zone technique qui inclut deux armoires, porte sur un ouvrage et présente une faible emprise au sol. Dans ces conditions, dès lors qu'il est implanté au sol et non en superstructure d'un bâtiment, sa hauteur de 45 mètres dépasse celle de 15 mètres qui était autorisée. C'est donc à bon droit, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, que les premiers juges ont estimé que les dispositions précédentes étaient méconnues.

9. Il suit de là que la commune de l'Etoile et la société SFR ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a accueilli ce moyen.

10. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.

11. Compte tenu de ce qui précède, il n'appartient pas à la cour, qui a confirmé l'unique motif qu'avaient retenu les premiers juges et qui justifie l'annulation de l'arrêté litigieux, de se prononcer sur les autres moyens invoqués par M. B... et autres.

Sur les frais liés au litige :

12. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la commune de l'Etoile et la société SFR doivent dès lors être rejetées. Il n'y a pas lieu par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées, sur le même fondement, par les intimés.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de l'Etoile est rejetée.

Article 2 : La requête de la société SFR est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. B... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de l'Etoile, à la société SFR et à M. F... B... en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.

Copie en sera adressée au préfet du Jura.

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Nos 20NC02746 et 20NC02907


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02746
Date de la décision : 08/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-02-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire. - Légalité au regard de la réglementation locale. - POS ou PLU (voir supra : Plans d`aménagement et d`urbanisme).


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme la Pdte. Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : DSC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-08;20nc02746 ?
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