Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy :
- d'annuler la décision du 13 mars 2018 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Est a opposé la prescription quadriennale pour la période se rapportant aux années antérieures au 1er janvier 2012 à la créance qu'il détient sur l'Etat au titre de la reconstitution de sa carrière à la suite de la prise en compte du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté ;
- d'enjoindre à l'Etat de lui verser l'intégralité des sommes résultant de la reconstitution de sa carrière, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1801420 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Gernez, demande à la cour :
1°) d'annuler, dans toutes ses dispositions, le jugement n° 1801420 du tribunal administratif de Nancy du 20 octobre 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 13 mars 2018 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Est a opposé la prescription quadriennale, pour la période se rapportant aux années antérieures au 1er janvier 2012, à la créance qu'il détient sur l'Etat au titre de la reconstitution de sa carrière à la suite de la prise en compte du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui verser les rappels de rémunération résultant de la reconstitution de sa carrière dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a commis deux erreurs de droit sur l'application de la prescription quadriennale :
- le point de départ de la prescription quadriennale sur lequel se sont basés l'administration et le tribunal est erroné en ce que :
* l'avantage spécifique d'ancienneté, qui est un avantage en terme de carrière, ne constitue pas un élément de rémunération de l'agent susceptible d'être prescrit ;
* le point de départ de la prescription quadriennale court à compter du 1er janvier 2017, en raison de la directive du ministre de l'intérieur du 9 mars 2016 qui a fait figurer dans sa liste des circonscriptions de sécurité publique bénéficiant de l'ASA celles de Lyon, Soissons et Longwy ;
- la prescription quadriennale ne peut lui être opposée en ce qu'il était dans l'ignorance légitime de l'existence de sa créance au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 et alors que sa situation résulte d'une série de fautes de l'administration.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés et s'en remet à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 14 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2021 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;
- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;
- l'arrêté du 17 janvier 2001 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 ;
- l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère ;
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., fonctionnaire de police affecté dans les circonscriptions de sécurité publique de Lyon, du 1er janvier 1994 au 31 décembre 2003, de Soissons, du 25 juillet 2005 au 31 décembre 2008 puis de Longwy, depuis le 5 janvier 2009, a demandé, le 15 novembre 2017, le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) prévu par l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée, au titre de ces affectations. Par un arrêté du 29 janvier 2018, le ministre de l'intérieur a procédé à la reconstitution de sa carrière en lui attribuant le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de ces affectations à compter du 1er janvier 1998. Par une décision du 13 mars 2018, le préfet de la zone de défense et de sécurité Est a en revanche considéré qu'en l'absence de cause interruptive de la prescription quadriennale, les rappels de salaires dus en raison du bénéfice de l'ASA, antérieurs au 1er janvier 2012, étaient prescrits. M. B... relève appel du jugement qui a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision du 13 mars 2018 du préfet de la zone de défense et de sécurité Est et d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui reverser l'intégralité des sommes résultant de la reconstitution de sa carrière.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. L'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, modifié par l'article 17 de la loi du 25 juillet 1994 relative à l'organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique, dispose que : " Les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". Selon l'article 1er du décret du 21 mars 1995 pris pour l'application de ces dispositions législatives, les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles doivent correspondre " en ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ". Aux termes de l'article 2 de ce même décret : " Lorsqu'ils justifient de trois ans au moins de services continus accomplis dans un quartier urbain désigné en application de l'article 1er ci-dessus, les fonctionnaires de l'Etat ont droit, pour l'avancement, à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années et à une bonification d'ancienneté de deux mois par année de service continu accomplie au-delà de la troisième année. Les années de services ouvrant droit à l'avantage mentionné à l'alinéa précédent sont prises en compte à partir du 1er janvier 1995 pour les fonctionnaires mentionnés au 3° de l'article 1er et, pour les fonctionnaires mentionnés aux 1° et 2° du même article, à partir du 1er janvier 2000. (...) ".
3. La liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté a d'abord été fixée, sur le fondement de ces dispositions, par un arrêté du 17 janvier 2001. Le Conseil d'Etat, statuant au contentieux ayant, par voie d'exception, constaté l'illégalité de cet arrêté par sa décision n° 327428 du 16 mars 2011, les ministres compétents ont pris, le 3 décembre 2015, un nouvel arrêté, publié au Journal officiel de la République française le 16 décembre suivant. Par ailleurs, une directive du 9 mars 2016 relative au traitement de l'avantage spécifique d'ancienneté, publiée le 15 avril 2016 au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, a permis la prise en compte de la situation des fonctionnaires de police au titre de la période antérieure à celle prévue par cet arrêté.
4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, visée ci-dessus : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, (...) sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance / (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ".
5. En premier lieu, lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis par l'intéressé, et la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés. Contrairement à ce que soutient le requérant, les conséquences du bénéfice de l'ASA, après reconstitution de carrière, correspondent à des éléments de rémunération dès lors qu'ils lui ouvrent droit, par l'acquisition d'une ancienneté plus importante, à un traitement supérieur à celui effectivement perçu. En l'espèce, la décision contestée du 13 mars 2018 ne porte que sur les rappels de salaires, lesquels constituent des créances. En conséquence, le fait générateur de cette créance résulte du service accompli par M. B... à compter du 1er janvier 1998, dès lors qu'il était à cette date affecté depuis 3 ans à la circonscription de sécurité publique de Lyon depuis le 1er janvier 1995, date à compter de laquelle, en application de l'article 2 du décret du 21 mars 1995 précité, les années d'ancienneté ont pu être prises en compte. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.
6. En deuxième lieu, d'une part, il résulte des dispositions citées au point 2 que le fait générateur de la créance dont se prévaut M. B... est constitué par le service qu'il a effectué au terme de trois années continues au sein de ses services d'affectation éligibles à l'avantage spécifique d'ancienneté à compter du 1er janvier 1995. Les droits sur lesquels cette créance est fondée ont donc été acquis à compter de l'année 1998. Le délai de la prescription quadriennale a en conséquence, en application des dispositions précitées au point 4, commencé à courir, pour les créances nées en 1998, à compter du 1er janvier 1999, celles nées en 1999, à compter du 1er janvier 2000 et ainsi de suite. A cet égard, l'intervention de l'arrêté individuel du 29 janvier 2018 par lequel l'administration a attribué le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté à M. B... est sans aucune incidence sur le point de départ de la prescription quadriennale. Enfin, le requérant ne saurait utilement soutenir que la prescription aurait dû courir depuis le 1er janvier 2017 ou 2018, ce qui serait au demeurant défavorable à sa situation. D'autre part, il est constant que la directive du 9 mars 2016 relative au traitement de l'avantage spécifique d'ancienneté, qui peut être regardée comme une communication écrite au sens de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, a interrompu le délai de la prescription quadriennale. Il s'ensuit que c'est par une exacte application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968 que l'administration a opposé la prescription quadriennale à la créance détenue sur l'Etat au titre de la période se rapportant aux années antérieures à 2012.
7. En troisième lieu, la circonstance que l'arrêté du 17 janvier 2001 définissant les circonscriptions de sécurité publique ait été jugé illégal par le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'est pas de nature à faire regarder l'intéressé comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance. Cette décision aurait d'ailleurs pu, dès 2011, conduire le requérant à saisir l'administration d'une demande tendant au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté s'il avait estimé, au regard du motif d'illégalité de l'arrêté du 17 janvier 2001, pouvoir y prétendre au vu des difficultés rencontrées dans sa circonscription d'affectation. Par suite, en dépit des fautes qui ont été commises par l'administration dans la détermination des secteurs ouvrant droit au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, et des difficultés des agents pour déterminer les circonscriptions de police pouvant donner droit à l'attribution de cet avantage avant la parution de l'arrêté du 3 décembre 2015, M. B... ne saurait être regardé comme ayant été dans l'ignorance légitime de sa créance, au sens des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, avant la publication de l'arrêté du 3 décembre 2015 et de la directive du 9 mars 2016.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mars 2018 du préfet délégué pour la défense et sécurité Est et au versement des rappels de rémunération pour la période antérieure au 1er janvier 2012.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. B... n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
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N° 20NC03659