Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Carré Centre Est a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 11 février 2020 par lequel le maire de la commune de Miserey-Salines a refusé de lui délivrer un permis de construire.
Par un jugement n° 2000462 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de Miserey-Salines, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, de délivrer à la société Carré Centre Est le permis de construire sollicité, sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales tenant à la nature du sol.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 18 mai 2021 sous le n° 21NC01445, la commune de Miserey-Salines, représentée par Me Suissa, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000462 du tribunal administratif de Besançon du 18 mars 2021 ;
2°) de mettre à la charge de la société Carré Centre Est la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les éléments produits par la société pétitionnaire à l'appui de sa demande, dont l'insuffisance apparaît délibérée, ne lui permettaient pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement ;
- le refus d'autorisation est justifié au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme, et du caractère pavillonnaire de la zone UB défini dans ce même règlement, dès lors que le projet porte atteinte au caractère des lieux avoisinants ;
- le refus d'autorisation est justifié au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article UB 2 du règlement du plan local d'urbanisme, compte tenu du risque de glissement de terrain auquel est exposé le projet, des travaux de terrassement qu'il nécessite, de la réalisation de sous-sols complets enterrés, de l'absence de mur de soutènement et de l'implantation des plantations par rapport aux bâtiments ;
- c'est à tort que le tribunal a enjoint au maire de délivrer le permis de construire sollicité, alors même qu'il a indiqué que ce permis doit être assorti de prescriptions laissées à l'appréciation de ce dernier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2021, la société Carré Centre Est, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge de la commune de Miserey-Salines la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
II. Par une requête, enregistrée le 18 mai 2021 sous le n° 21NC01446, la commune de Miserey-Salines, représentée par Me Suissa, demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement n° 2000462 du tribunal administratif de Besançon du 18 mars 2021.
Elle soutient que ses moyens tirés de ce que le projet en litige méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et celles de l'article UB 2 du règlement du plan local d'urbanisme, et de ce que c'est à tort que le tribunal a ordonné au maire de délivrer le permis de construire en litige, présentent, au sens de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, un caractère sérieux et est de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2021, la société Carré Centre Est, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge de la commune de Miserey-Salines la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vidal, présidente,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Naudin, substituant Me Suissa, pour la commune de Miserey-Salines, ainsi que celles de Me Hans-Moevi, pour la société Carré Centre Est.
Considérant ce qui suit :
1. Le 27 septembre 2019, la société Carré Centre Est a présenté une demande de permis de construire en vue de l'édification de trois bâtiments, comportant chacun quatre logements, sur le territoire de la commune de Miserey-Salines. Par un arrêté du 11 février 2020, le maire de Miserey-Salines a rejeté cette demande. La commune de Miserey-Salines relève appel du jugement du 18 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté et a enjoint à son maire de délivrer à la société Carré Centre Est le permis de construire sollicité, sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales tenant à la nature du sol. Il y a lieu de joindre les requêtes susvisées, nos 21NC01445 et 21NC01446, pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus par le tribunal :
2. Le refus de permis de construire en litige a été pris aux motifs que les éléments du dossier de demande ne permettent pas d'apprécier complètement et suffisamment l'insertion du projet dans son environnement proche et lointain, que le projet n'est pas compatible avec le caractère des lieux avoisinants et ne s'intègre pas dans le paysage, et qu'il méconnaît les dispositions de l'article Ub 3 du plan local d'urbanisme de la commune. Devant le tribunal, cette dernière a, en outre, fait valoir que le projet méconnaît les articles R. 111-2 du code de l'urbanisme, ainsi que les articles Ub 2 et Ub 4 du plan local d'urbanisme. Le tribunal a considéré que ni les trois motifs initialement retenus par le maire, ni les deux motifs que la commune lui a demandé de leur substituer ne sont de nature à fonder légalement la décision contestée.
3. En premier lieu, il est constant que les documents graphiques du dossier de demande de permis de construire, où la représentation des bâtiments projetés en image de synthèse est insérée dans des clichés photographiques de l'existant, comportent des approximations. Si la commune soutient que ces documents graphiques ne seraient pas représentatifs de la réelle insertion des constructions dans leur environnement, car ces dernières n'y seraient pas représentées à la bonne échelle mais, selon elle, y apparaîtraient deux fois plus petites qu'en réalité, les explications non chiffrées, et dépourvues de toute illustration concrète, qu'elle fournit à l'appui de cette allégation ne permettent pas d'en vérifier le bien-fondé. Il n'est dès lors pas établi que les approximations des documents graphiques seraient telles qu'ils ne permettraient pas de rendre compte de la manière dont le projet s'insère dans les lieux avoisinants. En outre, les documents graphiques sont complétés par de nombreux plans indiquant avec précision les dimensions des constructions projetées. Au regard de ces éléments, la commune n'est pas fondée à soutenir que le dossier de demande de permis de construire ne permettait pas au maire de porter une appréciation sur l'insertion du projet dans son environnement proche et lointain, ce qu'au demeurant ce dernier a fait en l'espèce, ni que les éléments de ce dossier étaient de nature à fausser cette appréciation, ni à plus forte raison que la société pétitionnaire aurait délibérément cherché à induire le maire en erreur. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé illégal ce premier motif de refus retenu par le maire.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Par ailleurs, le règlement du plan local d'urbanisme de Miserey-Salines de la zone Ub, dans laquelle est situé le terrain d'assiette du projet en litige, indique, au titre du " caractère de la zone " : " Les zones Ub correspondent aux zones d'extension récentes du village à dominante d'habitat, mais également des bâtiments de service public et du commerce. Le bâti pavillonnaire diffus est dominant excepté dans le secteur qui accueille les logements de fonction réservés aux gendarmes ". Aux termes de l'article Ub 11 de ce document d'urbanisme : " Les constructions de quelque nature que ce soit et les clôtures, doivent présenter un aspect compatible avec le caractère et l'intérêt des lieux avoisinants, du site et du paysage ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige s'inscrit dans un environnement de pavillons individuels, dont l'architecture n'est ni homogène, ni remarquable, et qui forment un paysage résidentiel sans caractère ni intérêt particulier. La circonstance que les constructions projetées sont des immeubles d'habitation collectifs, dont l'implantation en zone Ub est du reste parfaitement admise, ainsi qu'en témoignent notamment les dispositions de l'article Ub 12 du règlement du plan local d'urbanisme, ne saurait, par elle-même, être de nature à constituer une atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants. Au vu des pièces du dossier, en particulier des documents graphiques dont, ainsi qu'il a été dit au point 3, la commune ne parvient pas à remettre en cause la pertinence, et des plans figurant dans le dossier de demande de permis de construire, les trois bâtiments projetés, par leur conception architecturale et leur espacement, et en dépit de leur volume, s'intègrent à ces lieux avoisinants, sans porter atteinte à leur caractère ou à leur intérêt. Par ailleurs, les décaissements du terrain naturel, nécessaires pour la réalisation des constructions, compte tenu de la pente de ce terrain, seront masqués par l'implantation des bâtiments, et ne peuvent, dans ces conditions, être regardés comme portant atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Enfin, si la commune fait valoir que ces décaissements engendreront des risques importants de glissements de terrain et susciteront, pour l'évacuation de la terre, une intense circulation de camions, source de nuisances pour les environs, ces considérations sont parfaitement étrangères à l'application des dispositions précitées. Il résulte de ce qui précède que la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé illégal ce deuxième motif de refus retenu par le maire.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Aux termes de l'article Ub 2 du règlement du plan local d'urbanisme : " Dans les secteurs à risques de glissement de terrain, les constructions (bâtiment et voirie) sont admises sous condition de la mise en œuvre des dispositions constructives suivantes : (...) / Adapter la construction à la pente pour éviter des terrassements importants. (...) / Réaliser des butées de terre au moyen de murs de soutènement ".
7. D'une part, les dispositions de l'article Ub 2 précité ne sont pas applicables au projet en litige, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier du plan de zonage du plan local d'urbanisme et des plans versés dans le dossier de demande de permis, que les trois bâtiments projetés ne se situent pas dans le secteur à risque de glissement de terrain identifié par le plan local d'urbanisme. Par ailleurs, les mesures préconisées dans l'étude géotechnique jointe au dossier de demande de permis de construire, notamment en ce qui concerne l'implantation des arbres par rapport aux constructions projetées, ne constituent pas des règles ou prescriptions d'urbanisme opposables à la société pétitionnaire. Par conséquent, la commune ne peut pas utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces mesures et des dispositions de l'article Ub 2 précité pour justifier la décision contestée.
8. D'autre part, en vertu de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.
9. Il est constant que la partie nord du terrain d'assiette du projet, quoiqu'exempte de constructions, est située dans le secteur à risque de glissement de terrain identifié par le plan local d'urbanisme, et que le sol de ce terrain d'assiette est, dans son ensemble, constitué d'argile et de marnes fortement sensibles, à cet endroit, aux phénomènes de retrait/gonflement. Toutefois, l'étude géotechnique jointe au dossier de demande de permis de construire et le rapport analysant cette étude et le projet en litige, établi le 10 août 2021 à la demande de la commune, mentionnent de nombreuses prescriptions à mettre en œuvre pour la réalisation du projet, notamment en ce qui concerne les talus à réaliser, sans qu'il ressorte de ces documents, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le respect de ces prescriptions ne permettrait pas d'assurer la sécurité des constructions projetées au regard des risques de glissement de terrain ou de retrait/gonflement du sol. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que ces prescriptions apportent des modifications substantielles au projet en litige. Dans ces conditions, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, que le maire n'avait, du reste, pas retenu dans son arrêté, ne permet pas de fonder légalement la décision de refus de permis de construire contestée.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune, qui par ailleurs ne discute pas la censure des deux autres motifs la décision de refus de permis de construire contestée, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal, par le jugement attaqué, a annulé cette décision.
En ce qui concerne l'injonction prononcée par le tribunal :
11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
12. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui, eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.
13. D'une part, lorsque, eu égard aux motifs de la décision juridictionnelle censurant les motifs retenus ou invoqués par l'autorité compétente, le permis de construire ne peut être délivré que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales permettant d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, les dispositions de l'article L. 911-1 précité ne font nullement obstacle à ce que, après lui avoir prescrit de prendre une mesure d'exécution dans un sens déterminé, en l'occurrence la délivrance de l'autorisation sollicitée, le juge laisse à l'autorité compétente le soin de définir les prescriptions spéciales nécessaires. D'autre part, ainsi qu'il a été dit précédemment, les motifs énoncés dans la décision contestée ou invoqués par la commune devant le tribunal sont tous illégaux, et il ne résulte pas de l'instruction que, eu égard aux dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, un autre motif que la commune n'a pas relevé interdirait la délivrance du permis de construire en litige, ni que la situation de fait existante à la date du présent arrêt y ferait obstacle. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a enjoint à son maire de délivrer à la société Carré Centre Est le permis de construire sollicité, sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales tenant à la nature du sol conformément notamment à l'étude géotechnique.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par la commune de Miserey-Salines ne peuvent qu'être rejetées.
Sur le sursis à exécution du jugement :
15. La cour se prononçant par le présent arrêt sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Besançon du 18 mars 2021, les conclusions de la commune de Miserey-Salines tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont sans objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer.
Sur les frais de l'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Carré Centre Est, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Miserey-Salines la somme de 2 000 euros à verser à la société Carré Centre Est au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21NC01446, tendant à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Besançon du 18 mars 2021.
Article 2 : La requête n° 21NC01445 présentée par la commune de Miserey-Salines est rejetée.
Article 3 : La commune de Miserey-Salines versera à la société Carré Centre Est la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Miserey-Salines et à la société Carré Centre Est.
N° 21NC01445-21NC01446 2