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08/02/2022 | FRANCE | N°21NC01828

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 février 2022, 21NC01828


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et lui a interdit le retour en France pendant six mois.

Par un jugement n° 2001664 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Be

sançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et lui a interdit le retour en France pendant six mois.

Par un jugement n° 2001664 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2021, Mme A... B..., représentée par Me Woldanski, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2001664 du tribunal administratif de Besançon du 26 janvier 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Territoire de Belfort du 28 juillet 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Elle soutient que :

- les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination méconnaissent les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- les décisions en litige méconnaissent également les dispositions du 7° de l'article 313-11 et celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et de celle de sa famille ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant six mois est disproportionnée au regard de son parcours en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2021, le préfet du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... est une ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 13 juillet 1977. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France, le 13 octobre 2016, sous couvert d'un passeport d'emprunt, accompagnée par trois de ses cinq enfants, nés respectivement les 30 septembre 2006, 19 avril 2008 et 11 avril 2011. Le 5 avril 2017, elle a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 5 avril 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 18 septembre 2017. Estimant que l'intéressée ne bénéficiait plus du droit de se maintenir en France, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris à son encontre, le 14 novembre 2017, une mesure d'éloignement à laquelle elle n'a pas déféré. Le 2 janvier 2018, la requérante a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 juillet 2020, le préfet du Territoire de Belfort a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et lui a interdit le retour en France pendant six mois. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement n° 2001664 du 26 janvier 2021, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est arrivée en France, le 13 octobre 2016, à l'âge de trente-neuf ans. Elle a fait l'objet, le 14 novembre 2017, d'une mesure d'éloignement à laquelle elle n'a pas déféré. Célibataire et dépourvue de logement autonome et de ressources propres, la requérante ne justifie pas d'une intégration particulière en France, ni de l'existence, en dehors de ses deux filles et de son fils, d'attaches familiales ou même personnelles sur le territoire français. Elle n'est pas isolée dans son pays d'origine, où vivent notamment son frère et deux autres de ses enfants. C... aux allégations de l'intéressée, son engagement au sein d'une association caritative et d'une communauté religieuse, qui la soutient et l'héberge, sa participation, le 27 novembre 2018, à une journée de sensibilisation aux métiers de l'aide à la personne, sa recherche d'emploi dans ce domaine et ses deux promesses d'embauche ne suffisent pas à démontrer qu'elle aurait fixé en France le centre de ses intérêts matériels et moraux. Si Mme B... se prévaut encore de la scolarisation de ses trois enfants, de leur parcours scolaire méritoire et de la participation de l'aînée à la section des cadets de la défense du Territoire de Belfort, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que sa cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en République démocratique du Congo, ni que ses deux filles et son fils ne pourraient y poursuivre une existence et une scolarité normales. Par suite, alors que la décision en litige n'a, ni pour objet, ni pour effet, de séparer la mère de ses enfants et que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et de celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent être accueillis.

4. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

5. Eu égard à ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'admission au séjour de Mme B... répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Le préfet du Territoire de Belfort n'ayant pas examiné d'office si l'intéressée pouvait être autorisée à séjourner en France en application des dispositions en cause, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté comme inopérant.

7. En quatrième et dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de la requérante au regard du pouvoir de régularisation à titre exceptionnel du préfet du Territoire de Belfort.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination :

8. En premier lieu, pour les motifs exposés précédemment, les moyens tirés respectivement de ce que les décisions en litige seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle et familiale de Mme B... et de ce qu'elles méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.

9. En second lieu, la requérante ne saurait utilement invoquer, pour contester la légalité des décisions en litige, la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concernent la délivrance de titres de séjour. Par suite, ces moyens sont inopérants et ils ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. Aux termes de troisième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier le prononcé d'une interdiction de retour d'une durée de six mois, l'administration s'est fondée sur les considérations selon lesquelles la requérante, qui est présente sur le territoire français depuis le 13 octobre 2016, s'est soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et il ne résultait pas des entretiens conduits en préfecture les 15 novembre 2017, 25 octobre 2018 et 2 mars 2020 que celle-ci, qui est célibataire, justifiait d'une intégration particulière ou de liens particuliers avec la France. Dans ces conditions, alors même que le comportement de Mme B... ne représente pas une menace pour l'ordre public, le préfet du Territoire de Belfort, eu égard aux éléments retenus par lui, qui ne sont pas démentis par les pièces du dossier, et en l'absence de circonstances humanitaires susceptibles de faire échec à la mesure contestée, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à six mois la durée de l'interdiction opposée à l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait disproportionnée au regard du parcours en France de la requérante doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Territoire de Belfort du 28 juillet 2020, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Territoire de Belfort.

N° 21NC01828 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01828
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : WOLDANSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-02-08;21nc01828 ?
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