Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme totale de 54 452,66 euros, au titre de la solidarité nationale, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'accident médical non fautif survenu lors de l'intervention, réalisée le 7 septembre 2010, au centre hospitalier universitaire de Reims.
Par un jugement n° 1801913 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande et a mis à sa charge les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 4 620 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 août 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 9 mars 2020, M. B... A..., représenté par Me Jaquemet-Pommeron, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801913 du tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne du 25 juin 2019 ;
2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme totale de 54 452,66 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- lors de sa prise en charge au centre hospitalier universitaire de Reims, il a été victime, le 7 septembre 2010, d'un accident médical dû à un aléa thérapeutique, qui lui a occasionné, sur une période de douze mois allant du 27 novembre 2010 au 27 novembre 2011, une gêne supérieure ou égale à 50 % durant deux cent quatre-vingt-quatorze jours ;
- à aucun moment, il n'a été averti que son pronostic vital était engagé en l'absence d'intervention chirurgicale ;
- aucun élément ne permet d'affirmer que l'intervention chirurgicale n'a pas entraîné de conséquences plus graves que celles auxquelles il aurait été exposé en l'absence d'intervention ;
- il remplit les conditions pour prétendre à une réparation au titre de la solidarité nationale ;
- eu égard notamment aux séquelles occasionnées par l'aléa thérapeutique, il est fondé à réclamer à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales les sommes de 4 682,66 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 25 982 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 17 788 euros au titre des souffrances endurées, de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, de 1 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent et de 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Saumon, doit être regardé comme concluant au rejet de la requête et à la condamnation de M. A... aux dépens.
Il soutient que le requérant ne peut prétendre à une réparation au titre de la solidarité nationale en l'absence d'anormalité de son préjudice.
La requête a été régulièrement communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire dans la présente instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse,
- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Né le 3 novembre 1949, M. B... A... a subi en 1987 une opération chirurgicale destinée à créer un pontage aorto-bi-iliaque. Présentant des douleurs abdominales, il a fait l'objet, en juin 2010, d'un scanner abdomino-pelvien qui a révélé l'existence de deux volumineux " faux anévrismes ", l'un au niveau de l'anastomose aortique du pontage, l'autre au niveau de l'anastomose distale du jambage droit. Le requérant ayant été pris en charge au sein du service de chirurgie vasculaire du centre hospitalier universitaire de Reims à compter du 5 juillet 2010, une intervention chirurgicale sur l'axe aortique a été réalisée, le 7 septembre 2010, sous anesthésie générale. Au cours et à la suite de cette opération, l'intéressé a été victime d'un choc hémorragique, d'une ischémie colique et d'une insuffisance rénale aiguë, qui ont nécessité, dès le lendemain, une colectomie avec mise en place d'une stomie. La fonction rénale ne s'améliorant pas, malgré les séances d'hémodialyse, M. A... a été transféré dans le service de néphrologie où, après une tentative avortée de pose d'une sonde, une néphrostomie bilatérale a été pratiquée le 24 septembre 2010. Son état de santé évoluant favorablement, le requérant a effectué un nouveau séjour dans le service de chirurgie vasculaire, du 4 octobre au 26 novembre 2010, avant de regagner son domicile. De nouveau hospitalisé, il a bénéficié, le 10 mai 2011, d'une reconstruction des voies urinaires et d'un rétablissement de la continuité intestinale, complété, le 29 septembre 2011, par une remise en continuité par fermeture de l'iléostomie. Se plaignant des suites opératoires de ces diverses interventions, caractérisées notamment par des infections urinaires, des épisodes de déshydratation aiguë, des diarrhées nocturnes, des douleurs gastriques et aux membres inférieurs, des incontinences urinaires et des troubles érectiles, M. A... a, le 30 janvier 2014, présenté une demande de règlement amiable dirigée contre le centre hospitalier universitaire de Reims auprès de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Champagne-Ardenne, qui, sur la base du rapport d'expertise du 23 octobre 2013, a émis un avis défavorable à cette demande le 5 janvier 2015. Par une ordonnance du 2 mars 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, à la demande de M. A..., ordonné une expertise médicale complémentaire. Les experts ayant remis leur rapport le 16 août 2017, l'intéressé a, le 11 septembre 2018, formé devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne un recours tendant à la condamnation de l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme totale de 54 452,66 euros au titre de la solidarité nationale en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'accident médical non fautif survenu lors de l'intervention réalisée le 7 septembre 2010 au centre hospitalier universitaire de Reims. Il relève appel du jugement n° 1801913 du 25 juin 2019, qui rejette sa demande indemnitaire et met à sa charge les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 4 620 euros.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes du paragraphe II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.
4. Ainsi qu'il a été dit, il résulte de l'instruction que M. A... a été victime, au cours et à la suite de l'intervention chirurgicale sur l'axe aortique, effectuée le 7 septembre 2010, d'un choc hémorragique, d'une ischémie colique et d'une insuffisance rénale aiguë, qui ont nécessité, dès le lendemain, une colectomie avec mise en place d'une stomie, puis d'une oblitération des uretères par nécrose ischémique. Ces complications opératoires ont été considérées par les experts comme relevant d'un aléa thérapeutique et elles sont ainsi susceptibles d'ouvrir droit, au titre de la solidarité nationale, à la réparation des préjudices qui en sont résultés.
5. D'une part, si le premier rapport d'expertise du 23 octobre 2013, qui fixe la date de consolidation au 8 février 2013, a retenu un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du requérant de 20 %, il résulte de l'instruction que, entre le 7 septembre 2010 et le 31 octobre 2011, soit pendant une période supérieure à douze mois consécutifs, l'intéressé a présenté, du fait de cet aléa thérapeutique, des gênes constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal au taux de 50 %. Dans ces conditions, les conséquences dommageables de l'intervention du 7 janvier 2010 présentent un caractère de gravité au sens des dispositions du paragraphe II de l'article L. 1142-1 et du deuxième alinéa de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique.
6. D'autre part, il résulte également de l'instruction que M. A... souffre depuis longtemps d'une artériopathie des membres inférieurs et de la circulation pelvienne. Il a fait l'objet, au mois de janvier 1987, alors qu'il était âgé de trente-sept ans, d'une opération chirurgicale à visée vasculaire consistant en une désobstruction de l'artère sous-rénale avec pontage aorto-bi-fémoral. Selon le rapport d'expertise du 16 août 2017, le pronostic vital de l'intéressé, dont l'espérance de vie était alors inférieure à un an, était engagé à la date de l'intervention du 7 septembre 2010, eu égard à la survenance d'une désinsertion anastomotique et à la présence de lourdes comorbidités susceptibles d'intervenir sur l'état des artères. Dans ces conditions et alors qu'une partie des séquelles dont se plaint le requérant est liée à son état vasculaire et à l'évolution de sa pathologie artérielle depuis une trentaine d'années, les conséquences de l'acte médical en litige ne sauraient être regardées comme notablement plus graves que celles auxquelles le requérant était exposé en l'absence de traitement. Si M. A... fait valoir qu'il n'a, à aucun moment, été averti par le centre hospitalier universitaire de Reims que son pronostic vital était en jeu, une telle circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur l'appréciation ainsi portée sur l'anormalité de son préjudice.
7. Enfin, il résulte des termes de l'avis émis le 5 janvier 2015 par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux que les complications rénales, coliques et urinaires graves survenues lors de l'intervention chirurgicale du 7 septembre 2010 peuvent s'observer dans 10 % des cas de réintervention sur l'axe aortique. Une telle affirmation, qui n'est pas contestée par M. A..., ni démentie par les pièces du dossier, est corroborée par les conclusions du rapport d'expertise du 16 août 2017, qui relèvent que les complications auxquelles le requérant a été exposé constituent des " conséquences attendues, majeures et redoutées d'une réintervention de chirurgie vasculaire complexe ". Dans ces conditions, les conséquences de l'acte médical en litige ne sauraient être regardées comme présentant une probabilité faible. Par suite, ces conséquences ne pouvant être considérées comme anormales au sens du paragraphe II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, M. A... ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'une réparation au titre de la solidarité nationale.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de sa demande indemnitaire, que le requérant n'est pas fondé à solliciter la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande et mis à sa charge les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 4 620 euros. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
Sur les dépens :
9. La présente instance n'ayant pas généré de dépens, les conclusions présentées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne.
N° 19NC02700 2