Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la délibération du 20 juillet 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Vignot a acquis par la voie de la préemption un immeuble situé 2-4 rue du général Verneau dans cette commune.
Par un jugement n° 1702547 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 mars 2019 et le 29 juillet 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Galland, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 janvier 2019 ;
2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de Vignot du 20 juillet 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vignot la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la délibération contestée est entachée d'une erreur de fait et méconnaît les dispositions de l'article L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'environnement, dès lors que l'immeuble litigieux n'était plus insalubre ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2020, la commune de Vignot, représentée par Me Tadic, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. et Mme C... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marchal,
- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,
- les observations de Me Lazzarin pour la commune de Vignot.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 30 juin 2017, le greffier du tribunal de grande instance de
Bar-le-Duc a informé le maire de la commune de Vignot qu'il serait statué le 5 juillet 2017 sur l'adjudication d'un immeuble situé au 2-4 rue du général Verneau à Vignot afin de lui permettre, le cas échéant, d'exercer son droit de préemption. Par un jugement du 5 juillet 2017, il a été statué sur ladite adjudication et M. et Mme C... ont ainsi acquis cet immeuble. Toutefois, par une délibération du 20 juillet 2017, le conseil municipal de la commune de Vignot a décidé d'exercer son droit de préemption sur ce bien immobilier. M. et Mme C... font appel du jugement du 29 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération du 20 juillet 2017.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-1 du même code dans sa version alors applicable : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ".
3. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
4. Il ressort des termes mêmes de la délibération litigieuse que la commune de Vignot a exercé son droit de préemption notamment pour des raisons historiques liées à la préservation de la mémoire du général Jean-Edouard Verneau et afin d'envisager de disposer, à long terme, de revenus complémentaires. A considérer même que de tels motifs se rattachent à un projet d'action ou d'opération d'aménagement, un tel projet ne répond, en tout cas, pas aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Ces motifs ne pouvaient donc, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, justifier l'exercice par la commune du droit de préemption.
5. Toutefois, la délibération litigieuse mentionne également le motif de la réhabilitation d'un immeuble présentant des problèmes sanitaires et de salubrité pour ainsi permettre, à terme, aux locataires de disposer d'un logement sain. Si les requérants contestent le fait que l'immeuble présentait, même partiellement, un caractère insalubre à la date de la délibération litigieuse, il ressort des pièces du dossier qu'après avoir déjà, le 26 juin 2015, mis en demeure l'ancien propriétaire de l'immeuble de faire réparer des fuites d'eau d'une ampleur telle qu'elles présentaient un danger grave et imminent pour les habitants d'un logement situé au 6 rue du général Verneau, le préfet de la Meuse a, par un arrêté du 2 mars 2016, déclaré l'état d'insalubrité des logements du rez-de-chaussée et du premier étage de l'immeuble situé au 2 rue du général Verneau au motif notamment de l'état d'encombrement de certaines pièces, du stockage de produits combustibles dans un logement disposant d'un parquet en bois, de l'état du réseau et des installations électriques présentant un danger imminent pour la sécurité des occupants et de l'absence de moyens de chauffage. Ni les photos jointes, qui ne sont pas datées et ne témoignent en tout cas que de la réalisation de travaux de nettoyage, ni le courrier de l'agence régionale de santé (ARS) du 12 mars 2019, qui fait certes état de ce que lors d'une visite du 18 juillet 2016 une brigade de gendarmerie aurait pu constater que l'arrêté n'avait plus lieu d'être, mais dont les termes ne permettent pas de savoir quels éléments ont été contrôlés par cette brigade, ne sauraient justifier que les travaux, notamment sur le réseau électrique, ont été effectués. Les requérants n'apportent aucun autre élément probant pour justifier de la réalisation de l'ensemble des travaux nécessaires à la réhabilitation des logements. De plus, la commune verse au dossier des constats de techniciens réalisés postérieurement à la visite de la brigade de gendarmerie, mais avant la délibération litigieuse, qui font état de ce que l'immeuble litigieux présentait des risques pour ses habitants d'exposition au plomb et souffrait de nombreuses anomalies sur les installations électriques et de gaz. Ces constats indiquent de plus que plusieurs des logements de l'immeuble continuaient à ne pas disposer de chauffage, ni de système d'eau chaude sanitaire. Dans ces conditions et quand bien même la commune aurait, à la suite de la préemption, continué à louer certains des logements situés dans cet immeuble, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'immeuble visé n'était plus insalubre à la date de la délibération litigieuse. Par suite, les requérants, qui ne contestent pas que la réhabilitation de l'immeuble se rattache à un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, ne sont pas fondés à soutenir que le conseil municipal de la commune de Vignot a méconnu les dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme en retenant que l'immeuble litigieux présentait des problèmes de salubrité.
6. Il résulte de l'instruction que le conseil municipal de la commune de Vignot aurait pris la même décision s'il n'avait pas retenu les autres motifs, mémoriels et économiques, et s'était uniquement fondé sur le motif tiré de la réhabilitation d'un immeuble insalubre.
7. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune aurait exclusivement usé de son droit de préemption à des fins purement financières. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit par suite être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Vignot, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par M. et Mme C... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. et Mme C... la somme demandée sur le même fondement par la commune de Vignot.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Vignot sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... C... et à la commune de Vignot.
N° 19NC00901 2