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27/01/2022 | FRANCE | N°21NC02171

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 27 janvier 2022, 21NC02171


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 juin 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a assigné à résidence dans le département jusqu'à son départ du territoire français en application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Andreini, avocate de M. A..., bénéficiaire de l'aide

juridictionnelle, en application des articles L. 761-1 du code de justice administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 juin 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a assigné à résidence dans le département jusqu'à son départ du territoire français en application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Andreini, avocate de M. A..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2104605 du 12 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé cet arrêté du 30 juin 2021, d'autre part, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Andreini, avocate de M. A..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et, enfin, rejeté les surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2021, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 4 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 12 juillet 2021 ;

2°) de rejeter la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2021 présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Il soutient que :

- contrairement à ce que le premier juge a estimé, dès lors qu'il résulte de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la durée d'une interdiction de retour sur le territoire français ne commence à courir qu'à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, il a légalement pu assigner M. A... à résidence sur le fondement du 2° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, quand bien-même l'obligation de quitter le territoire français prise plus d'un an auparavant ne pouvait plus servir de fondement à une telle mesure de surveillance en application du 1° du même article ;

- les moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 septembre et 23 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Andreini, conclut au rejet de la requête, à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans l'attente de son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle, et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- subsidiairement, l'autorité administrative ne pouvait pas légalement l'assigner à résidence pour l'exécution d'une décision d'interdiction de retour alors que celle-ci n'avait pas pris effet en l'absence d'exécution de l'obligation de quitter le territoire français.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picque a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant kosovare, né le 26 juillet 1984, est entré en France au mois de décembre 2016 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 28 février 2019. Par un arrêté du 19 juin 2019, le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... n'a pas contesté cet arrêté, qui est devenu définitif. Le préfet du Haut-Rhin fait appel du jugement n° 2104605 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a annulé son arrêté du 30 juin 2021 assignant à résidence M. A... dans le département du Haut-Rhin jusqu'à son départ du territoire français et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil du demandeur sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 730-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement sans délai de départ volontaire ou pour laquelle le délai de départ volontaire imparti a expiré et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français ". Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; 2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ".

3. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux que, pour assigner M. A... à résidence, le préfet s'est fondé sur le 2° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par conséquent, la circonstance que l'obligation de quitter le territoire dont M. A... a fait l'objet le 19 juin 2019 ait été prise plus d'un an auparavant l'assignation à résidence est sans incidence sur la légalité de cette mesure qui n'est pas fondée sur le 1° de l'article L. 731-1.

4. Il suit de là que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision assignant M. A... à résidence, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a retenu le moyen tiré de l'inexacte application du 1° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui était inopérant.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif et devant la cour contre cette décision.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... :

6. Il résulte de la combinaison des articles L. 612-7 et L. 731-1 (2°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la mise à exécution d'office d'une interdiction de retour et l'assignation à résidence qui peut être prononcée à cette occasion n'ont d'objet que si l'étranger, éloigné en exécution d'une obligation de quitter le territoire, est revenu sur le territoire avant l'expiration de la période d'interdiction de retour, qui elle-même, n'a pris effet qu'après l'éloignement effectif de l'intéressé dans son pays d'origine.

7. Il suit de là que le préfet du Haut-Rhin n'a pu, sans méconnaître ces dispositions combinées, assigner à résidence M. A... pour assurer l'exécution de l'interdiction de retour de d'un an alors que l'obligation de quitter le territoire dont ladite mesure était l'accessoire n'avait

elle-même pas encore été mise à exécution nonobstant la circonstance que l'interdiction de retour était exécutoire à compter de sa notification, dès lors que, si ce caractère exécutoire de l'interdiction de retour oblige de plein droit M. A... à s'abstenir de revenir en France pendant un an à compter de son retour au Kosovo, il ne saurait justifier que l'autorité administrative du Haut-Rhin assure l'exécution d'une mesure qui, à la date de l'assignation annulée, ne pouvait avoir produit d'effets et ne devrait être exécutée d'office par les autorités françaises qu'en cas de retour postérieur à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 30 juin 2021 assignant M. A... à résidence et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les frais de l'instance :

9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Andreini, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Andreini de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Haut-Rhin est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Andreini une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Andreini renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 21NC02171


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02171
Date de la décision : 27/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04-01 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Restrictions apportées au séjour. - Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-01-27;21nc02171 ?
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