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27/01/2022 | FRANCE | N°21NC01788

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 27 janvier 2022, 21NC01788


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse D... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002676 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête, enregistrée le 21 juin 2021, Mme A..., représentée par

Me Hami-Znati, demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse D... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002676 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2021, Mme A..., représentée par

Me Hami-Znati, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 avril 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 2 novembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour a été prise par une autorité incompétente ; elle est entachée d'un défaut de motivation ; elle méconnaît les articles 7 quater et 11 de l'accord

franco-tunisien et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à la durée de sa présence en France, à son intégration au sein de la société française et à la scolarité de sa fille dans un centre spécialisé ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil eu égard à sa situation familiale en France ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dans la mesure où sa fille est régulièrement scolarisée dans un établissement public français ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ; elle est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où elle n'a pas été entendue préalablement à son édiction ; elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ; elle méconnaît les articles 7 quater et 11 de l'accord franco-tunisien et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi a été prise par une autorité incompétente ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2021, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la requérante une somme de 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 1er janvier 1973 à Hamadi (Tunisie), de nationalité tunisienne, est entrée régulièrement en France le 8 octobre 2015 accompagnée de sa fille née en 2004 sous couvert d'un visa court séjour. Le 19 décembre 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'état de santé de sa fille. Le préfet de la Marne a rejeté cette demande par un arrêté du 14 août 2018, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 12 février 2019. Le 9 octobre 2020, Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 novembre 2020, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 6 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 2 novembre 2020.

Sur le moyen commun aux décisions litigieuses :

2. Mme A... reprenant en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans son jugement du 6 juin 2021.

Sur la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, l'arrêté litigieux comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement. Ainsi, le préfet de la Marne, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait relatives à la situation de Mme A..., a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Aux termes de l'article 11 de cet accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation. ".

5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

6. Si Mme A... souligne l'ancienneté de son séjour en France où elle est présente depuis 2015 et son intégration dans la société française, il ressort des pièces du dossier que la requérante s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français postérieurement à l'expiration de son visa court séjour et a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement, le 14 août 2018, à laquelle elle n'a pas déféré. La circonstance qu'elle suit des cours de langue française ne suffit pas à justifier d'une insertion sociale suffisante, de nature à démontrer qu'elle aurait ancré en France le centre de ses intérêts personnels. Par ailleurs, si la requérante se prévaut de la scolarité de sa fille handicapée au sein d'un institut d'éducation motrice depuis le 4 juillet 2016 et des activités d'handisport de cette dernière, il n'est nullement établi qu'elle ne pourrait pas être suivie et poursuivre sa scolarité en Tunisie. Ainsi, rien n'empêche la reconstitution de la cellule familiale en Tunisie où Mme A... a vécu jusqu'à ses 42 ans et où elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales et amicales. Ainsi, ni l'état de santé de sa fille, ni les conditions de son séjour en France ne sauraient être regardés comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant l'admission exceptionnelle au séjour de Mme A.... Il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les articles 7 quater et 11 de l'accord franco-algérien et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 précité.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 9 du code civil : " Chacun a droit au respect de sa vie privée. ".

8. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse a porté à son droit au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. La décision litigieuse ne méconnaît pas non plus, en tout état de cause, l'article 9 du code civil. Pour les mêmes motifs, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Si Mme A... fait valoir que sa fille souffre d'une hémiplégie cérébrale infantile et est scolarisée dans un institut spécialisé, il ressort des pièces du dossier et notamment du bilan de santé, réalisé en 2015, par le Dr B... du centre hospitalier régional et universitaire de Reims que l'enfant a notamment bénéficié du suivi d'un pédopsychiatre en Tunisie avant son arrivée en France à l'âge de onze ans. Il n'est pas démontré, ainsi qu'il a été dit, qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un suivi adéquat en Tunisie et il n'est pas non plus établi de manière suffisamment probante qu'elle ne pourrait y poursuivre sa scolarité. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour, qui n'implique en lui-même aucune séparation entre l'enfant et sa mère, ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.

12. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Il suit de là que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination qui sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Dès lors, Mme A..., qui au demeurant n'apporte aucune précision au sujet des éléments qu'elle aurait pu porter à la connaissance de l'administration si elle avait été invitée à le faire, n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français, serait entachée d'un vice de procédure à ce titre.

13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 7 quater et 11 de l'accord franco-tunisien et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

14. Pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 6 et 10, Mme A... n'est fondée à soutenir ni que la décision litigieuse méconnaît l'article 8 de la convention européenne de de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. La décision litigieuse ne méconnaît pas non plus, en tout état de cause, l'article 9 du code civil.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 10, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. La décision contestée ne méconnaît pas non plus, en tout état de cause, l'article 9 du code civil.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il en va de même s'agissant de ses conclusions relatives aux dépens, l'affaire n'ayant pas donné lieu à des frais susceptibles de recevoir une telle qualification, au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, que ce soit en première instance ou en appel.

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le préfet de la Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse D... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 21NC01788


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01788
Date de la décision : 27/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : HAMI - ZNATI

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-01-27;21nc01788 ?
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