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27/01/2022 | FRANCE | N°21NC00544

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 27 janvier 2022, 21NC00544


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2100278 du 25 janvier 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a admis M. B... au bénéfice de

l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté le surplus des conclusions de sa deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2100278 du 25 janvier 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2021, M. A... B..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 25 janvier 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 14 janvier 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des articles 75-I et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français a été édictée en méconnaissance du droit à une bonne administration, du droit d'être entendu et du principe général du droit de l'Union européenne du respect des droits de la défense ;

- ni le préfet, ni le premier juge n'ont procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle et familiale ; la mesure d'éloignement est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, ce qui implique d'annuler cette décision ainsi que son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 mai 2021.

Par une ordonnance du 5 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 25 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant turc né le 1er août 1995, relève appel du jugement du 25 janvier 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 14 janvier 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour pendant deux ans.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. Tout d'abord, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.

3. Il ressort des pièces produites par le préfet en première instance que M. B..., auditionné à l'issue de la découverte de produits stupéfiants, par les services de police de Strasbourg, a pu, à cette occasion, apporter des précisons sur son activité professionnelle, sa situation administrative, son parcours jusqu'en France ainsi que ses attaches dans le pays, où il a mentionné que vivaient ses deux frères et ses neveux. Il ressort également des mentions portées sur ce procès-verbal, qui précisent qu'il a été réalisé avec l'assistance de Mme C..., assurant la traduction en langue turque, que M. B... a indiqué avoir été avisé qu'il pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire et qu'il a précisé qu'il se trouvait en France car il était un réfugié politique, recherché en Turquie par la mafia, et qu'il préfèrerait être renvoyé en Afrique. Dans ces conditions, le requérant a été mis à même de présenter de manière utile et effective les éléments pertinents qui auraient pu influer sur la décision de l'autorité préfectorale. Si le document produit par l'administration ne comporte aucune signature, qu'il s'agisse de celle de M. B..., de l'interprète ou de l'officier de police judiciaire, la circonstance que le procès-verbal dressé à l'issue de son audition par les services de police et produit à l'instance serait irrégulier à défaut de signature est, par elle-même, sans incidence sur son droit à être entendu. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait eu des éléments pertinents à faire valoir et qui auraient été susceptibles de conduire à l'édiction d'une décision différente. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait le principe général du droit de l'Union européenne du droit de la défense, le droit à une bonne administration et le droit d'être entendu doit être écarté.

4. Ensuite, il est constant que M. B... est célibataire et sans enfant. S'il allègue résider en France depuis décembre 2012, il ne s'est manifesté auprès de la préfecture du Bas-Rhin en vue de présenter sa demande d'asile qu'au cours de l'année 2015. Il n'est pas contesté qu'il s'est maintenu en France après le rejet de sa demande d'asile puis de ses demandes de réexamen et qu'il n'a pas déféré aux mesures d'éloignement dont il a fait l'objet, édictées à son encontre le 17 février 2017 puis le 7 mai 2018. M. B... ne justifie, en outre, de l'exercice d'une activité professionnelle, en qualité de cuisinier, qu'à compter de l'année 2020. Dans ces conditions, alors même que plusieurs membres de la famille du requérant vivent légalement sur le territoire français, en particulier ses frères, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses effets sur la situation personnelle de l'intéressé. La mesure d'éloignement litigieuse n'a pas, en outre, porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B..., compte tenu de ses conditions de séjour et au regard des circonstances de fait précédemment rappelées, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En outre, il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux que le préfet a procédé à l'examen de la situation individuelle de M. B... avant d'édicter la mesure d'éloignement.

5. Enfin, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

6. L'arrêté litigieux a privé M. B... de délai de départ volontaire, sans que cette mesure soit spécifiquement contestée. En outre, aucune des considérations mises en avant par le requérant, et tenant à la présence de membres de sa famille sur le territoire français, ne saurait être qualifiée de circonstance humanitaire, au sens des dispositions précitées. Dès lors, le préfet devait assortir la mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, même si plusieurs membres de la famille proche de M. B... y résident régulièrement et s'il n'est pas fait état de ce que l'intéressé représenterait une menace pour l'ordre public, et à supposer même qu'il vive effectivement en France depuis 2012 ainsi qu'il le prétend, la durée de deux ans retenue en l'espèce par l'administration n'est pas disproportionnée, dans la mesure où M. B... a fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement. Le moyen développé à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français et tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit donc être écarté. Le requérant ne saurait, en toute hypothèse, se prévaloir de l'illégalité de l'interdiction de retour, qui n'est pas établie, pour contester son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions. Sa requête d'appel ne peut, par suite, qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

2

N° 21NC00544


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00544
Date de la décision : 27/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme la Pdte. Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-01-27;21nc00544 ?
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