Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. C... A... et Mme D... B..., épouse A..., ont demandé chacun au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler les arrêtés du 25 novembre 2020 par lesquels le préfet de la Moselle a retiré leurs attestations de demande d'asile, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière et leur a interdit le retour en France pendant un an, d'autre part, de suspendre l'exécution des mesures d'éloignement prises à leur encontre jusqu'à la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de notification de celle-ci.
M. et Mme A... ont également demandé chacun au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 15 février 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin les a assignés à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2100551, 2101016 du 1er mars 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes de M. A....
Par un jugement n° 2100552, 2101015 du 1er mars 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a également rejeté les demandes de Mme A....
Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2021, sous le n° 21NC02035, Mme D... B..., épouse A..., représentée par Me Bottemer, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100552, 2101015 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 1er mars 2021 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du préfet de la Moselle du 25 novembre 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an ;
2°) d'annuler la décision du préfet de la Moselle du 25 novembre 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le jugement de première instance doit être annulé dès lors que la magistrate désignée a apprécié, à tort, la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français au regard, non pas du quatrième alinéa, mais du premier alinéa du troisième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel ne s'applique que lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an est insuffisamment motivée ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de la Moselle n'a pas pris en considération le fait qu'elle avait déposé une demande d'asile et formé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile ;
- en la privant de toute possibilité de présenter des explications orales devant la Cour nationale du droit d'asile, cette décision a méconnu les dispositions de l'article L. 532-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit à un recours effectif et le principe fondamental de non-refoulement ;
- pour les mêmes motifs, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2021, le préfet de la Moselle, qui s'en remet à ses écritures de première instance, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2021, sous le n° 21NC02037, M. C... A..., représenté par Me Bottemer, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100551, 2101016 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 1er mars 2021 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du préfet de la Moselle du 25 novembre 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an ;
2°) d'annuler la décision du préfet de la Moselle du 25 novembre 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement de première instance doit être annulé dès lors que la magistrate désignée a apprécié, à tort, la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français au regard, non pas du quatrième alinéa, mais du premier alinéa du troisième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel ne s'applique que lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an est insuffisamment motivée ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet de la Moselle n'a pas pris en considération le fait qu'il avait déposé une demande d'asile et formé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile ;
- en le privant de toute possibilité de présenter des explications orales devant la Cour nationale du droit d'asile, cette décision a méconnu les dispositions de l'article L. 532-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit à un recours effectif et le principe fondamental de non-refoulement ;
- pour les mêmes motifs, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2021, le préfet de la Moselle, qui s'en remet à ses écritures de première instance, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 14 juin 2021.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 21NC02035 et 21NC02037, présentées pour Mme D... B..., épouse A..., et pour M. C... A..., concernent la situation d'un couple d'étrangers au regard de leur droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. et Mme A... sont des ressortissants albanais, nés respectivement les 4 janvier et 18 octobre 1994. Ils ont déclaré être entrés en France le 8 juin 2020. Examinées dans le cadre de la procédure accélérée en application des dispositions, alors en vigueur, du 1° du premier paragraphe de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leurs demandes d'asile respectives, présentées le 11 juin 2020, ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 octobre 2020. Estimant que les requérants ne bénéficiaient plus du droit de se maintenir sur le territoire français, conformément aux dispositions, alors en vigueur, du 7° du premier alinéa de l'article L. 743-2 du même code, le préfet de la Moselle, par deux arrêtés du 25 novembre 2020, a retiré leurs attestations de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière et leur a interdit le retour en France pendant un an. Par deux autres arrêtés du 15 février 2021, la préfète du Bas-Rhin a assigné les intéressés à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours. M. et Mme A... ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg de demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 25 novembre 2020 et 15 février 2021 et à la suspension de l'exécution des mesures d'éloignement prises à leur encontre. Ils relèvent appel des jugements n° 2100551, 2101016 et n° 2100552, 2101015 du 1er mars 2021 uniquement en tant qu'ils rejettent les conclusions de leurs demandes dirigées contre les décisions du préfet de la Moselle du 25 novembre 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.
Sur la régularité des jugements :
3. M. et Mme A... font valoir que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a apprécié, à tort, la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français au regard, non pas du quatrième alinéa, mais du premier alinéa du troisième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, lequel ne s'applique que lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Toutefois, une telle circonstance, si elle est susceptible, le cas échéant, d'affecter le bien-fondé des jugements contestés, est, en revanche, sans incidence sur leur régularité. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des jugements :
4. En premier lieu, aux termes du troisième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
5. Pour justifier l'adoption d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à l'encontre de M. et de Mme A..., le préfet de la Moselle a retenu que, bien que leur comportement ne soit pas constitutif d'une menace pour l'ordre public et qu'ils n'aient pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, les intéressés ne sont entrés sur le territoire français que le 8 juin 2020, soit depuis moins de six mois à la date des décisions attaquées, et qu'ils ne justifient, ni de liens intenses et stables avec la France, ni de circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle au prononcé des mesures litigieuses. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment motivé sa décision au regard des critères énoncés au huitième alinéa du troisième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, contrairement aux allégations de M. et de Mme A..., il résulte des motifs des décisions en litige que le préfet de la Moselle a pris en considération le fait que les requérants avaient sollicité l'asile en France et que, à la suite du rejet de leurs demandes par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ils avaient formé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut être accueilli.
7. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Les intéressés peuvent présenter leurs explications à la Cour nationale du droit d'asile et s'y faire assister d'un conseil et d'un interprète. ". Aux termes du cinquième alinéa de l'article R. 733-24 du même code, alors en vigueur : " L'absence d'une des parties ou de son avocat à l'audience n'emporte pas obligation pour le président de la formation de jugement de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure. ". Aux termes de l'article R. 733-25 du même code, alors en vigueur : " Le rapporteur donne lecture du rapport, qui analyse, en toute indépendance, l'objet de la demande et les éléments de fait et de droit exposés par les parties, et fait mention des éléments propres à éclairer le débat, sans prendre parti sur le sens de la décision. / (...) / Après la lecture du rapport, et sauf si le conseil du requérant demande à présenter ses observations, la formation de jugement peut poser aux parties toute question propre à l'éclairer. / Le président de la formation de jugement donne la parole au requérant et au représentant de l'office. / Les parties peuvent présenter oralement toute observation utile propre à éclairer leurs écritures. / (...) ".
8. Il n'est pas contesté que M. et Mme A..., dont les demandes d'asile ont été examinées dans le cadre de la procédure accélérée au motif que l'Albanie est un pays d'origine sûr, ont été éloignés du territoire français en avril 2021 à la suite du rejet de ces demandes par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 octobre 2020, nonobstant le recours qu'ils ont formé contre ces refus devant la Cour nationale du droit d'asile le 11 décembre 2020. S'ils font valoir que les décisions en litige, en les privant de la possibilité de se rendre à l'audience publique du 14 juin 2021, ont méconnu les dispositions du premier alinéa de l'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte des décisions du 21 juin 2021, par lesquelles la Cour nationale du droit d'asile a estimé qu'ils ne pouvaient prétendre au bénéfice de l'asile en France, que les intéressés étaient représentés à cette occasion par leur avocate et qu'ils ont été mis à même, par leurs écritures et par les observations de leur conseil, de porter à la connaissance de cette juridiction l'ensemble des éléments utiles à la compréhension de leur situation. Contrairement aux allégations des requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier que leurs explications orales ou leurs réponses aux questions auraient permis de modifier l'appréciation portée par le juge sur le caractère lacunaire, imprécis et peu personnalisé de leurs déclarations écrites. Par suite et alors que, M. et Mme A... ne bénéficiant plus du droit de se maintenir sur le territoire français, conformément aux dispositions, alors en vigueur, du 7° du premier alinéa de l'article L. 743-2 du même code, le préfet de la Moselle pouvait légalement prendre à leur encontre, en application des dispositions, alors en vigueur du 6° du premier alinéa du premier paragraphe de l'article L. 511-1 du même code, une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et assortir cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retour d'une durée d'un an, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 733-1 doit être écarté.
9. En quatrième et dernier lieu, pour les raisons qui viennent d'être exposées, il y a lieu également d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que les décisions en litige, en privant les requérants de la possibilité d'être entendus personnellement par la Cour nationale du droit d'asile, porteraient atteinte à leur droit à un recours effectif ou, à supposer même qu'un tel principe existe, au principe fondamental de non-refoulement et de ce qu'elles seraient, pour le même motif, entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions du préfet de la Moselle du 25 novembre 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an, ni à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de leurs demandes dirigées contre ces décisions. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent elles aussi être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., épouse A..., à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
N° 21NC02035 et 21NC02037 5