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25/11/2021 | FRANCE | N°18NC02427

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 novembre 2021, 18NC02427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy la condamnation de l'université de Lorraine à lui payer la somme correspondant à la rémunération de 83,5 heures d'enseignement équivalent travaux dirigés pour la période comprise entre le 1er septembre 2007 et le 31 août 2013, d'assortir la condamnation des intérêts légaux sur la rémunération de 127,75 heures d'enseignement équivalent travaux dirigés à compter de la date de sa première demande jusqu'aux dates des différents paiements déjà ef

fectués et à venir, de dire que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts, d'enjoind...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy la condamnation de l'université de Lorraine à lui payer la somme correspondant à la rémunération de 83,5 heures d'enseignement équivalent travaux dirigés pour la période comprise entre le 1er septembre 2007 et le 31 août 2013, d'assortir la condamnation des intérêts légaux sur la rémunération de 127,75 heures d'enseignement équivalent travaux dirigés à compter de la date de sa première demande jusqu'aux dates des différents paiements déjà effectués et à venir, de dire que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts, d'enjoindre à l'université de Lorraine de régulariser sa situation pour lui permettre de bénéficier des droits à retraite correspondant aux cours impayés, avec les explications correspondantes, et de lui communiquer les attestations destinées à Pôle emploi au titre des années 2007 à 2011 incluses, de mettre à la charge de l'université de Lorraine les frais irrépétibles à concurrence des sommes déjà engagées suivant le compte de frais et mémoire d'honoraires de Me Laffon en date du 27 juin 2016 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601750 du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 septembre 2018, 13 mai 2019 et 13 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Ferry-Bouillon demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 3 juillet 2018 ;

2°) de condamner l'université de Lorraine à lui verser la somme correspondante à 17,5 heures équivalent travaux dirigés (HETD) soit 706,65 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité et leur capitalisation ;

3°) de condamner l'université de Lorraine à lui verser la somme correspondante à 6 heures équivalent travaux dirigés soit 243,72 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité et leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la prescription quadriennale avait été interrompue une seule fois par un courrier de l'université du 2 février 2009 sans tenir compte du courrier du 6 octobre 2011 et du paiement partiel en novembre 2010 des sommes dues au titre de l'année 2009/2010 ;

- il a également commis une erreur de fait en considérant que la totalité des cours concernés avait été réalisée sur l'année 2009 ;

- les heures de participation aux jury de soutenance effectuées en mai et juin 2009 étaient sans rapport avec les activités de M. B... au sein du département LEA résultants de son contrat de maître de langues et devaient dès lors, à ce titre, être rémunérées à raison d'une HETD par soutenance ;

- 17,5 heures n'ont pas été rémunérées au titre de l'année universitaire 2008/2009 alors même que l'université vient de régler la somme correspondante à 45 HETD de cours supplémentaire qui n'avaient pas été payées.

Par des mémoires en défense et des pièces enregistrés respectivement le 27 février 2019, le 26 juillet 2019 et le 24 septembre 2021, l'université de Lorraine représentée par Me Gartner conclut au rejet de la requête.

Elle soutient dans le dernier état de ses écritures que :

- 45 HETD correspondants à des cours effectués pour l'année universitaire 2007/2008 pour une somme de 1811,70 euros ont été versés en juin 2019 ;

- 15 HETD correspondant à des cours effectués pour l'année universitaire 2009-2010 pour une somme de 610,50 euros ont été versés en juin 2019 ;

- l'action est prescrite pour les 17,5 HETD demandées au titre de l'année universitaire 2008-2009, le courriel du 6 octobre 2011 n'ayant pas interrompu le délai de la prescription quadriennale ;

- les heures de participation aux jury de soutenance effectuées en mai et juin 2009 étaient inclues dans son contrat de maître de langues et ne pouvaient être considérées comme des heures complémentaires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968,

- l'arrêté du 6 novembre 1989 relatif aux taux de rémunération des heures complémentaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, conseillère,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté par l'Université Nancy II devenue université de Lorraine en qualité de vacataire au titre des années universitaires 2007-2008, 2008-2009 et 2011-2012 et, en tant que maître de langue étrangère, au titre des années 2009-2010 et 2010-2011 et à compter du 1er septembre 2012, en qualité de professeur contractuel assurant un service à temps complet. Par un courrier reçu le 3 avril 2014, M. B... a demandé au président de l'université de Lorraine de le rémunérer pour un total de 121,75 heures d'enseignement équivalant travaux dirigés (HETD) restées impayées pour la période comprise entre le 1er septembre 2007 et le 31 août 2013. A la suite du paiement par l'université en novembre 2016 et janvier 2017, de 43 HETD pour l'année 2011/2012 et de 1,5 HETD pour l'année 2012/2013, M. B... a demandé dans le dernier état de ses écritures devant le tribunal administratif de Nancy, la condamnation de l'université de Lorraine à lui payer une somme correspondant à la rémunération de 45 HETD au titre de l'année universitaire 2007-2008, 17,5 HETD au titre de l'année universitaire 2008-2009 et 21 HETD au titre de l'année universitaire 2009-2010. Par un jugement du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. M. B... fait appel de ce jugement du 3 juillet 2018 et demande, dans le dernier état de ses écritures, alors qu'une partie des sommes qu'il réclame lui a entretemps été versée, la condamnation de l'université de Lorraine à lui payer une somme correspondant à la rémunération de 17,5 HETD au titre de l'année universitaire 2008-2009 et 6 HETD pour l'année 2010.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : " Sont prescrites, au profit de (...), toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ", de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée." et de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".

3. En l'espèce, le fait générateur des créances dont se prévaut M. B... est constitué par les services faits par lui auprès de l'université de Lorraine au titre des années universitaires 2007-2008, 2008-2009 et 2009-2010. Les droits sur lesquels ces créances sont fondées ont donc été acquis durant les années 2007 à 2010 au cours desquelles il a accompli les services lui ouvrant droit à une rémunération. En application des dispositions rappelées ci-dessus de la loi du 31 décembre 1968, les délais de prescription ont, pour les créances nées au cours de chacune de ces années, commencé à courir le 1er janvier de l'année suivante.

En ce qui concerne le paiement des 17,5 HETD demandées au titre de l'année universitaire 2008/2009 :

4. Il résulte de l'application des dispositions susvisées de la loi du 31 décembre 1968 que le délai pour réclamer la créance au titre des heures effectuées en 2008 expirait le 31 décembre 2012, que celui pour réclamer la créance au titre des heures effectuées en 2008 au 31 décembre 2013 et que, contrairement à ce que soutient l'appelant, le courrier du 6 novembre 2011 ne peut constituer une cause interruptive de prescription pour cette année dès lors que cette communication n'a pas trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance.

5. Il en résulte que les sommes correspondant à ces 17,5 HETD sont prescrites et que les conclusions de M. B... relatives à leur versement doivent dès lors être rejetées.

En ce qui concerne les heures de soutenance effectuées en 2010 :

6. En première instance, l'Université avait opposé une fin de non-recevoir tirée de ce que M. B... n'avait pas lié le contentieux sur le paiement des six HETD effectuées en 2010 pour sa participation à des jurys de soutenance d'étudiants en Licence 3 et en Master 1. Il ressort des termes de la demande préalable indemnitaire de M. B... du 2 avril 2014 que celui-ci demandait le versement de la rémunération correspondante à ces six HETD. Par suite, la fin de non-recevoir doit être écartée.

7. Il résulte de l'article 2 du contrat d'engagement que M. B... a conclu avec l'Université au titre de 2009-2010 en qualité de maître de langue étrangère que : " Pendant la durée du présent contrat, M. B... A... assurera ses fonctions ses fonctions à ERUDI à hauteur de 50 % de son service et à l'UFR langues et cultures étrangères, département LEA, à hauteur de 50 % également. Il effectue un service à temps complet correspondant à 288 heures de travaux pratiques ou 192 heures de travaux dirigés ou toute combinaison équivalente. Il peut assurer des cours, à titre exceptionnel, si les besoins du service le justifient (...) L'intéressé doit également assurer les taches liées à son activité d'enseignement et participer notamment au contrôle des connaissances et aux examens. L'exécution de ces taches ne donne lieu ni à une rémunération supplémentaire, ni à une réduction de ses obligations de service ". Ainsi qu'indiqué dans un courriel de l'administration du 14 mai 2010, la participation à ces jurys de soutenance s'effectuait sur la base du volontariat et ne relevait donc pas des taches liées à son activité d'enseignement, et chaque soutenance était rémunérée à hauteur d'une HETD. Dès lors qu'il ressort d'une fiche de service réalisé pour l'année 2009/2010 et signée par l'université, que M. B... a participé en mai et juin 2010 à des jurys de soutenance des étudiants en L3 pour un volume de 4 HETD et des étudiants de M1 pour un volume de 2 HETD, M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy du 3 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande de versement de la somme de 244,62 euros correspondant à 6 HETD au titre des soutenances effectuées pour l'année 2010.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à demander la condamnation de l'université à lui payer la somme de 244,62 euros correspondant aux 6 HETD mentionnées au point précédent et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande sur cette somme.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

9. En application de l'article 1153 du code civil, la somme de 244,62 euros correspondant aux 6 HETD mentionnées au point 7 que l'université de Lorraine est condamnée à verser à M. B... doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2014, date de la réception par l'établissement de la réclamation préalable présentée par l'intéressé. M. B... a demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête enregistrée au tribunal administratif de Nancy le 13 juin 2016. Cette demande prend effet à compter du 3 avril 2015, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière. Il y a lieu, par suite, en application de l'article 1154 du code civil, d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 3 avril 2015, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

10. Même si dans le dernier état de ses écritures M. B... ne demande plus la condamnation de l'université de Lorraine à lui verser les sommes correspondant aux 43 HETD effectuées pour l'année universitaire 2011/2012, aux 1,25 HETD effectuées pour l'année universitaire 2012/2013, aux 45 HETD effectuées pour l'année universitaire 2007/2008 et aux 15 HETD effectuées pour l'année universitaire 2009/2010 initialement en litige dans sa demande indemnitaire du 2 avril 2014 et pour lesquelles il est constant que l'université de Lorraine a procédé au règlement, M. B... doit être regardé comme demandant toujours le versement des intérêts au taux légal et leur capitalisation sur lesdites sommes.

11. Dès lors, il résulte de l'instruction que la somme correspondant aux 43 HETD a été versée en novembre 2016 pour un montant de 1 759,13 euros, celle correspondant aux 1,25 HETD a été versée en mars 2017 pour un montant de 51,14 euros et celle correspondant aux 60 HETD a été versée en juin 2019 pour un montant de 2 422,20 euros. Le paiement de ces sommes ayant été réclamé le 3 avril 2014, date de réception par l'établissement de la réclamation préalable présentée par l'intéressé, M. B... a droit aux intérêts au taux légal ayant couru à compter de cette date jusqu'à celle du paiement effectif de chacune d'entre elles. En outre, il a droit à la capitalisation de ces intérêts sur chacune de ces sommes à la date du 3 avril 2015, puis à chaque échéance annuelle, jusqu'à la date du paiement effectif de chacune d'entre elles.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de Lorraine le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article1er : Le jugement n° 1601750 du 3 juillet 2018 du tribunal administratif de Nancy est annulé en tant qu'il rejette les demandes de M. B... tendant au versement de la somme correspondant aux 6 HETD effectuées en 2010.

Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant au versement des sommes correspondant à 17,5 HETD au titre de l'année 2008/2009 sont rejetées.

Article 3 : L'université de Lorraine est condamnée à verser à M. B... la somme de 244,62 euros correspondant à 6 HETD réalisées au titre de l'année 2010 assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2014 et à la capitalisation des intérêts sur cette somme à compter de 3 avril 2015.

Article 4 : L'université de Lorraine est condamnée à verser à M. B... les intérêts au taux légal assortis à la somme de 1 759,13 euros correspondant à 43 HETD, à la somme de 51,14 euros correspondant à 1,25 HETD payées et à la somme de 2 422,20 euros correspondant à 60 HETD à compter du 3 avril 2014 et à la capitalisation des intérêts à compter du 3 avril 2015 sur ces mêmes sommes jusqu'à leur date effective de paiement.

Article 5 : Il y a lieu de mettre à la charge de l'Université de Lorraine le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au président de l'université de Lorraine.

7

N° 18NC02427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02427
Date de la décision : 25/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-01 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Questions d'ordre général.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : AARPI GARTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-11-25;18nc02427 ?
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