Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... E... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 5 juin 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.
Par un jugement n° 2001194 du 5 novembre 2020 le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 décembre 2020, Mme E... C..., représentée par Me Lebaad, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juin 2020 pris à son encontre par le préfet de la Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation de sa situation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, des dispositions des 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code ;
- le père de son enfant contribue effectivement à son entretien et à son éducation à proportion de ses ressources ;
- le préfet n'apporte pas la preuve que le père de son enfant aurait procédé à huit reconnaissances de paternité, ni qu'il aurait fait l'objet d'un signalement au procureur de la République, et en tout état de cause ces seules circonstances ne peuvent permettre de considérer que la reconnaissance de la paternité serait frauduleuse ;
- le préfet ne pouvait se fonder sur une simple suspicion de fraude pour refuser de lui délivrer un titre de séjour ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
- la décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme E... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Picque, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... C..., née en République démocratique du Congo le 20 avril 1991, est entrée en France irrégulièrement le 25 septembre 2013. Sa fille, F..., y est née le 27 juin 2014. La demande d'asile de Mme E... C... a été rejetée définitivement au mois de novembre 2015. Le 11 février 2020, elle s'est vue délivrer un récépissé de première demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, valable trois mois. Par un arrêté du 5 juin 2020, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine comme pays de destination. Mme E... C... fait appel du jugement du 5 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, Mme E... C... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption de motifs retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) : 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le 26 mai 2014, à la mairie de Villiers-le-Bel, M. D... B..., de nationalité française, a reconnu de manière anticipée être le père de l'enfant de la requérante, F... E... C..., née le 27 juin 2014 à Bourges. M. B... a déclaré la naissance A... la petite fille le 30 juin 2014 à Bourges. Pour refuser de délivrer à Mme E... C... un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le préfet de la Marne s'est fondé, d'une part, sur une suspicion de fraude concernant la reconnaissance de l'enfant par M. B... et, d'autre part, sur les circonstances qu'il n'était pas établi que celui-ci portait un intérêt particulier à l'enfant, en contribuant à son entretien et son éducation, et que rien ne s'opposait, au regard de la durée et des conditions de séjour de Mme E... C..., à ce que sa cellule familiale se reconstruise en République démocratique du Congo.
5. D'une part, alors que Mme E... C... conteste expressément la réalité de ces faits, le préfet de la Marne, ne justifie pas de ce que, comme il l'affirme dans la décision attaquée, M. B... serait connu pour avoir reconnu huit autres enfants nés de ressortissantes étrangères en situation irrégulière ayant ensuite obtenu titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, ni qu'il aurait fait l'objet, le 25 novembre 2019, d'un signalement au procureur de la République pour suspicion de fraude. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a estimé l'autorité préfectorale, qui ne pouvait au demeurant pas légalement se fonder sur une simple suspicion de reconnaissance de paternité frauduleuse, la nationalité française de l'enfant mineure de Mme E... C... est établie.
6. En revanche, d'autre part, si Mme E... C... atteste sur l'honneur que M. B... lui verse des contributions d'environ 100 euros tous les deux mois, elle se borne à produire quatre récépissés de versements ponctuels pour des montants de 38,20 euros le 14 octobre 2015, 50 euros le 2 mai 2016, de 187 euros le 14 septembre 2019 et de 87,10 euros le 29 juin 2020. Ces seuls éléments ne permettent pas d'établir que M. B... contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant, à proportion de ses ressources, depuis sa naissance ou au moins deux ans.
7. Enfin, Mme E... C... est célibataire et sans autre attache familiale que son enfant en France. Elle ne fait état d'aucune précision, ni n'apporte aucun élément sur les liens personnels qu'elle aurait pu nouer sur le territoire français et ne démontre ainsi pas qu'elle y aurait tissé des liens d'une particulière intensité. La requérante ne soutient pas être dépourvue de tout lien dans son pays d'origine dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans, ni que la scolarisation de sa fille, âgée de six ans à la date de la décision attaquée, ne pourrait pas être poursuivie en République démocratique du Congo.
8. Il résulte de tout ce qui précède que, contrairement à ce qui est soutenu, c'est par une exacte application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de la Marne a pu refuser de délivrer à Mme E... C... un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 7, le préfet de la Marne n'a pas, en adoptant la mesure en litige, porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme E... C... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni porté atteinte à l'intérêt de son enfant mineur qui a vocation à rester avec sa mère et dont il n'est pas établi qu'il aurait des liens avec son père. Les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations doivent, dès lors, être écartés.
11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Marne n'était pas saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour en application de l'article L. 313-14 du même code. N'y étant pas tenu, il n'a pas davantage examiné la situation Mme E... C... au regard de ces dispositions. Par conséquent, la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions à l'appui de sa contestation de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour.
12. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 7, qu'en édictant la mesure en litige le préfet ait apprécié de façon manifestement inexacte les conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme E... C....
13. Enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
14. Mme E... C... soutient que son retour en République démocratique du Congo l'exposerait à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des vidéos qu'elle publie sur une chaîne " Youtube " pour dénoncer le pouvoir en place. Toutefois, la requérante, dont la demande d'asile a d'ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 1, été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas la réalité des risques personnels auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des textes précités, qui n'est opérant qu'à l'encontre de la décision fixant le pays dont elle a la nationalité comme pays de destination, ne peut être accueilli.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme E... C... aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 20NC03677