Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2002535 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 avril 2021, M. A..., représenté par Me Gervais, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 mars 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2020 pris à son encontre par le préfet de la Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et de lui délivrer pendant la durée de cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est entaché de plusieurs erreurs de fait ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par ordonnance du 4 août 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2021.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 4 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laubriat a été entendu au cours de l'audience publique.
1. M. A..., ressortissant arménien, né en octobre 1975, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, le 25 novembre 2013 pour solliciter son admission au bénéfice du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 14 octobre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 janvier 2015. Après le rejet définitif de sa demande d'asile, M. A... a fait l'objet le 14 mars 2016 d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français, à laquelle il n'a pas obtempéré. Le 20 mars 2019, M. A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 août 2019, le préfet de la Marne lui a opposé un refus et lui a de nouveau fait obligation de quitter le territoire français. Le 4 août 2020, M. A... a une nouvelle fois sollicité son admission au séjour, toujours sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 octobre 2020, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. A... fait appel du jugement du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, pour refuser d'admettre M. A... au séjour à titre exceptionnel et l'obliger à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, le préfet de la Marne, après avoir visé les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a rappelé les éléments de la situation de l'intéressé, notamment qu'il est de nationalité arménienne, qu'il a déclaré être entré irrégulièrement en France en novembre 2013, que sa demande d'asile a été rejetée tant par l'office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, qu'il s'est maintenu sur le territoire français malgré une première décision lui faisant obligation de quitter le territoire français du 14 mars 2016, qu'il a sollicité une première fois son admission exceptionnelle au séjour le 20 mars 2019, qu'un refus lui a été opposé le 7 août 2019 assorti d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français, que M. A... a présenté une nouvelle demande d'admission exceptionnelle au séjour en se prévalant d'une promesse d'embauche établie par la société IPC Rénovation pour un poste d'ouvrier d'exécution, que l'unité départementale de la Marne de la DIRECCTE a émis un avis défavorable au double motif que le poste d'ouvrier d'exécution ne fait pas partie de la liste des métiers en tension et que l'employeur n'a pas justifié de ses difficultés de recrutement, que M. A... est célibataire et sans enfant, que son frère vit en Arménie et que l'intéressé n'établit pas être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté attaqué comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent et est, par suite, suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, M. A... soutient que le préfet aurait entaché son arrêté de plusieurs erreurs de fait, notamment en faisant mention de ce qu'il aurait vécu en Arménie jusqu'à ses 38 ans et qu'il aurait un frère résidant encore dans ce pays. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... ne fournit aucune pièce de nature à établir comme il l'affirme qu'il aurait quitté l'Arménie à l'âge de 22 ans -soit en 1997- pour gagner d'abord la Russie puis l'Espagne en 2003. Il justifie seulement par une attestation du ministère espagnol du travail et de l'immigration avoir, au 22 juin 2010, date d'établissement de cette attestation, été immatriculé à la sécurité sociale espagnole pendant trois ans cinq mois et deux jours. Par ailleurs, il ressort de la déclaration de situation produite par le préfet en première instance que M. A... a indiqué aux services de la préfecture lors de l'introduction de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour avoir un frère, M. A... D..., né le 23 janvier 1973, qui résiderait toujours en Arménie. Cette déclaration est corroborée par l'attestation établie le 2 septembre 2019 par une amie de M. A... faisant état de ce que M. A... lui aurait dit avoir un frère et une demi-sœur en Arménie. M. A... n'établit donc pas que le préfet aurait entaché son arrêté d'erreurs de fait.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. A... fait valoir qu'il n'a plus aucun lien avec son pays d'origine et qu'il a noué des liens amicaux nombreux et durables en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si M. B... séjourne sur le territoire français depuis novembre 2013, cette durée résulte en grande partie de ce qu'il n'a pas déféré aux deux décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français qui lui ont été notifiées en 2016 et 2019. M. A..., célibataire et sans enfant, ne justifie d'aucune attache familiale en France. Il ne justifie pas avoir quitté l'Arménie en 1997 comme il le prétend et ne justifie pas plus ne plus avoir d'attaches familiales dans ce pays alors qu'il ressort de ses propres déclarations en préfecture que son frère vivrait toujours en Arménie. Dans ces conditions, au regard notamment des conditions de séjour de M. A... en France, le préfet de la Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
7. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
8. D'une part, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, M. A... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels permettant son admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale "
9. D'autre part, pour solliciter son admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié ", M. A... se prévaut d'une promesse d'embauche établie par la sarl IPC Rénovation pour un poste d'ouvrier d'exécution. M. A... soutient que cet emploi fait partie des métiers en tension dans le département de la Marne. A l'appui de ses allégations, il produit un courrier du dirigeant de l'entreprise IPC rénovation selon lequel le poste concerné " regroupe à la fois l'économie, les commandes, la coordination, la surveillance, le contrôle et la réalisation des travaux de plomberie [et] de faïencerie " et que " c'est précisément en raison de cette spécificité " que l'entreprise n'a pu pourvoir ce poste. Le poste décrit par l'entreprise IPC Rénovation ne correspond toutefois pas au descriptif du poste d'ouvrier d'exécution tel qu'il ressort de la fiche métier F1704 mais plutôt à celui de chef de chantier. Il ressort également de l'arrêté préfectoral attaqué que fin mars 2020, Pôle Emploi recensait de 100 à 499 demandes pour 354 offres d'emplois d'ouvrier d'exécution. Par ailleurs, M. A... ne produit aucun élément de nature à établir que le gérant de la sarl IPC Rénovation aurait effectivement déposé une offre d'emploi pour un poste correspondant à ses exigences et que sa recherche se serait révélée infructueuse. Enfin si M. A... produit un curriculum vitae selon lequel il serait titulaire de diplômes dans le bâtiment et en plomberie et faisant succinctement état de ses emplois en Espagne et Russie comme chef d'équipe, chef de chantier ou ouvrier polyvalent, il ne produit pas de copies de ses diplômes et ne fournit aucun élément justifiant des expériences professionnelles dont il se prévaut. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Marne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire droit à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié ".
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 21NC01227