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21/10/2021 | FRANCE | N°20NC02684

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 octobre 2021, 20NC02684


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a retiré son titre de séjour valable jusqu'au 19 janvier 2020, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de transmettre son dossier au préfet du Bas-Rhin pour réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du ju

gement à intervenir et dans l'intervalle d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a retiré son titre de séjour valable jusqu'au 19 janvier 2020, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de transmettre son dossier au préfet du Bas-Rhin pour réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et dans l'intervalle d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1909350 du 23 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 15 novembre 2019 en tant qu'il retire à M. B... le titre de séjour " travailleur saisonnier " valable jusqu'au 19 janvier 2020 et a rejeté le surplus de la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC02684 le 12 septembre 2020, M. B... représenté par Me Dolle, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 mars 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa requête tendant à l'annulation des décisions du préfet du Haut-Rhin du 15 novembre 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " et, à titre subsidiaire, de transmettre le dossier au préfet du Bas-Rhin pour réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet l991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté du 15 novembre 2019 est entaché d'incompétence ;

s'agissant de la décision de retrait de titre de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est illégale en l'absence d'examen particulier de sa situation par le préfet ;

s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- le tribunal ayant annulé la décision de retrait de titre de séjour, il y a lieu en conséquence d'annuler la décision de refus de titre de séjour ;

- le préfet a commis une erreur de droit en lui appliquant les dispositions de l'article 3 de l'accord franco-marocain, alors que sa demande relevait de l'article 1er de cet accord ;

- le préfet, en tout état de cause, n'a pas procédé à un examen de sa demande au regard des éléments d'appréciation mentionnés à l'article R. 5221-20 du code du travail ;

- le refus de tire de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- le tribunal ayant reconnu l'illégalité de la décision de retrait de titre de séjour, il y a lieu en conséquence d'annuler l'obligation de quitter le territoire ; cette décision doit également être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- il ne pouvait pas légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il était titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et qu'il remplissait, au surplus, les conditions de délivrance d'un titre de séjour en vertu de l'article 3 de l'accord franco-marocain .

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 7 juillet 2020.

Par lettre du 27 septembre 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée, ne sont pas applicables aux ressortissants marocains et de ce qu'il y a lieu de substituer à cette base légale celle tirée du pouvoir de régularisation dont dispose l'autorité préfectorale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, est entré en France le 9 décembre 2016 sous couvert d'un visa portant la mention " travailleur saisonnier " et d'une autorisation de travail d'une durée de 135 jours en qualité d'employé de restauration. Il s'est vu délivrer un titre de séjour pluriannuel en qualité de " travailleur saisonnier " valable du 20 janvier 2017 au 19 janvier 2020. Le 23 octobre 2019, il a sollicité du préfet du Haut-Rhin un changement de statut à travers la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " salarié ". Par un arrêté du 15 novembre 2019, le préfet du Haut-Rhin lui a retiré son titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 23 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté en tant qu'il retirait à M. B... son titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a ainsi rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la légalité des décisions du 15 novembre 2019 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

3. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 15 novembre 2019, à laquelle le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français, M. B... était titulaire d'un titre de séjour pluriannuel " travailleur saisonnier " valable jusqu'au 19 janvier 2020. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 15 novembre 2019 en tant qu'il portait retrait de ce titre de séjour pluriannuel. Il résulte des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles se fonde l'arrêté litigieux, que la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français n'aurait pu légalement être prise en l'absence du retrait de son titre de séjour, alors en cours de validité, que l'annulation prononcée par le tribunal administratif a eu pour effet de faire revivre, quand bien même, par le même arrêté, le préfet a refusé concomitamment à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Ainsi, l'annulation pour excès de pouvoir du retrait du titre de séjour délivré à M. B... emportait, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet du Haut-Rhin du 15 novembre 2019 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de renvoi.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence (...) ". A la date du refus de titre de séjour contesté, M. B..., qui n'avait pas informé le préfet du Haut-Rhin d'un changement de résidence ou de domicile, devait être regardé comme résidant à l'adresse qu'il avait indiquée dans sa demande de titre de séjour, à Wintzenheim, dans le département du Haut-Rhin, ni le code des relations entre le public et l'administration, ni aucun autre texte ou principe n'imposant au préfet de rechercher si l'intéressé résidait à une autre adresse que celle ainsi déclarée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence territoriale du préfet du Haut-Rhin doit être écartée.

7. En deuxième lieu, la décision du préfet du Haut-Rhin refusant à M. B... le bénéfice du titre de séjour en qualité de salarié qu'il sollicitait pouvait légalement être prise, sur le fondement des stipulations de l'accord franco-marocain, en l'absence de la décision, prise à la même date, lui retirant son titre de séjour pluriannuel en qualité de travailleur saisonnier. Cette décision de refus de séjour n'est intervenue ni en raison, ni pour l'application de ce retrait, qui n'en constitue pas la base légale. M. B... n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation du refus de titre de séjour en qualité de salarié par voie de conséquence de l'annulation du retrait de son titre de séjour pluriannuel en qualité de travailleur saisonnier.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains résidant en France et titulaires, à la date d'entrée en vigueur du présent Accord, d'un titre de séjour dont la durée de validité est égale ou supérieure à trois ans bénéficient de plein droit, à l'expiration du titre qu'ils détiennent, d'une carte de résident valable dix ans. / Cette carte est renouvelable de plein droit pour une durée de dix ans. Elle vaut autorisation de séjourner sur le territoire de la République française et d'exercer, dans ses départements européens, toute profession salariée ou non. ".

9. M. B..., entré en France le 9 décembre 2016, n'établit, ni même n'allègue avoir bénéficié, à la date du 1er janvier 1994, date d'entrée en vigueur de l'accord franco-marocain, à laquelle il était d'ailleurs mineur, d'un titre de séjour dont la durée de validité était alors égale ou supérieure à trois ans. Le préfet n'a dès lors entaché sa décision d'aucune erreur de droit en ne faisant pas application à l'intéressé des stipulations de l'article 1er de cet accord, mentionnées ci-dessus, dans le champ desquelles celui-ci n'entrait pas.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié ", éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans ". L'article 9 de cet accord prévoit que " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ".

11. L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 cité ci-dessus délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail, qui précisent les modalités selon lesquelles et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail.

12. M. B... soutient que le préfet, statuant sur sa demande de titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain, n'a pas procédé à un examen de cette demande au regard des éléments d'appréciation, mentionnés à l'article R. 5221-20 du code du travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet, qui s'est fondé sur un avis de la direction régionale des entreprises, de la consommation, du travail et de l'emploi du 4 novembre 2019, a notamment relevé que le métier d'aide de cuisine ne rencontrait aucune difficulté de recrutement et ne figurait pas sur la liste des métiers en tension. Ces considérations correspondent aux éléments d'appréciation mentionnés au 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, concernant " la situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée ". Ainsi, le préfet, qui pouvait légalement se déterminer au regard de cette seule considération, n'a entaché son examen de la demande de M. B... d'aucune erreur de droit.

13. En dernier lieu, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité. Cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en œuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant marocain.

14. Il ressort de ce qui a été dit au point précédent que le préfet du Haut-Rhin ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser l'admission exceptionnelle au séjour de M. B.... Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur un autre texte ou fondement légal que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du fondement légal sur lequel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. La décision contestée, prise à tort sur le fondement de l'article L. 313-14 et motivée par la circonstance qu'aucune considération humanitaire, ni aucun motif exceptionnel ne justifiait la délivrance à M. B... d'un titre de séjour en qualité de salarié, trouve un fondement légal dans l'exercice par le préfet du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont il dispose. Ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu par le préfet, dès lors qu'une telle substitution de base légale n'a pour effet de priver M. B... d'aucune garantie de procédure et que le préfet dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation et dans l'examen d'une possible admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. M. B... fait valoir qu'il remplit les critères de régularisation énoncés par la circulaire NOR INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 dès lors qu'il a travaillé en France de décembre 2016 à avril 2017, puis à compter de novembre 2017, est intégré professionnellement et très apprécié de ses employeurs et collègues de travail et perçoit des revenus supérieurs au salaire minimum. Toutefois, d'une part, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu ainsi adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation. D'autre part, compte tenu de l'ensemble de la situation professionnelle et personnelle de M. B... et de ce que le préfet a estimé, sans être sérieusement contredit, que l'emploi occupé par celui-ci ne correspondait pas à une activité caractérisée par des difficultés de recrutement, le refus d'accorder à l'intéressé le titre de séjour qu'il a sollicité n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice par le préfet de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

17. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 mars 2020 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. B... tendant à l'annulation des décisions du préfet du Haut-Rhin du 15 novembre 2019 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de renvoi.

Article 2 : Les décisions du préfet du Haut-Rhin du 15 novembre 2019 faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français et fixant son pays de renvoi sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

3

N° 20NC02684


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02684
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : DOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-21;20nc02684 ?
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