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21/10/2021 | FRANCE | N°20NC01042

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 octobre 2021, 20NC01042


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AK construction a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 15 décembre 2017 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté son recours contre la décision du 8 novembre 2017 mettant à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire pour l'emploi d'une personne démunie de titre de séjour et d'autorisation de travail et de prononcer la décharge de ces sommes.

Par un jugement n° 1800152 du 17 mars 2020, le tribunal

administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AK construction a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 15 décembre 2017 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté son recours contre la décision du 8 novembre 2017 mettant à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire pour l'emploi d'une personne démunie de titre de séjour et d'autorisation de travail et de prononcer la décharge de ces sommes.

Par un jugement n° 1800152 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 mai 2020 et le 13 septembre 2021, la société AK construction, représentée par Me Besançon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 15 décembre 2017 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté son recours contre la décision du 8 novembre 2017 mettant à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire pour l'emploi d'une personne démunie de titre de séjour et d'autorisation de travail et de prononcer la décharge de ces sommes ;

3°) de prononcer la décharge de ces sommes ;

4°) de mettre à la charge de l'OFII une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu'il existait une présomption de relation de travail entre la société et M. B... ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation des faits en considérant que la société avait proposé à M. B... de travailler une journée sur un chantier pour un montant de 100 euros alors qu'il avait simplement été véhiculé de Sochaux à Belfort ;

- les contributions ne sont pas dues, M. B..., gérant de la société à l'époque des faits, ayant été relaxé par un arrêt de la cour d'appel de Besançon du 15 juin 2021.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 juin 2020 et le 15 septembre 2021, l'OFII, représenté par Me De Froment, conclut au rejet de la requête, aucun des moyens n'étant fondé et demande à ce que la société AK construction lui verse une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, conseillère,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 mai 2017, lors d'un contrôle de la police aux frontières à Sochaux a été constatée la présence de M. C... B..., de nationalité kosovare, dépourvu de titre de séjour et d'autorisation de travailler, en tenue de chantier dans un véhicule appartenant à la société AK construction. Le 18 septembre 2017, l'OFII a informé la société qu'elle envisageait de mettre à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire et l'invitait à présenter ses observations. Le 28 septembre 2017, la société contestait l'application de ces contributions. Par une décision du 8 novembre 2017, l'OFII mettait à sa charge la contribution spéciale pour un montant de 17 700 euros et la contribution forfaitaire pour un montant de 2 398 euros. Le 15 novembre 2017, étaient émis deux titres de perceptions correspondants à ces contributions. Par un recours administratif du 25 novembre 2017, la société demandait l'annulation de cette décision et la communication des procès-verbaux des auditions. Par une décision du 15 décembre 2017, l'OFII rejetait ce recours et communiquait la procédure pénale. Par la présente requête, la société AK construction demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 mars 2020 rejetant sa demande d'annulation de la décision de rejet de son recours gracieux du 15 décembre 2017, de la décision initiale du 8 novembre 2017 ainsi que la décharge des sommes correspondantes.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) / L'office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / (...) ". Aux termes de l'article L. 8271-17 du même code : " Outre les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler. / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions. ". Aux termes de l'article R. 8253-1 du même code : " La contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est due pour chaque étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / (...) / L'office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. (...) ". Aux termes du premier paragraphe de l'article R. 626-1 du même code, alors en vigueur : " La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article L. 8251-1 du code du travail, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour ".

4. Pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal d'infraction dressé par les services de la police aux frontières de Montbéliard que lors du contrôle effectué le 12 mai 2017, la présence de M. C... B..., ressortissant kosovar, en tenue de travail a été constatée dans un véhicule appartenant à la société AK construction qui se rendait sur un chantier à Essert et dans lequel étaient également présents un employé et le gérant de cette société. Si M. C... B... indique qu'il se rendait à la gare de Belfort afin d'y retrouver une personne dont il ne connaissait pas le nom mais qui lui aurait donné néanmoins 100 euros pour une journée de travail sur un chantier et une tenue de chantier sur la base de son seul engagement à travailler pour lui deux jours plus tard, et que M. A... l'aurait ainsi emmené à la gare après l'avoir rencontré dans un bar le matin même à Sochaux et même si cette version concorde avec celle du gérant, ces déclarations, en l'absence de tout élément produit sur la société qui devait l'employer, sur l'identité de la personne qu'il a rencontrée et sur le lieu du chantier, sont insuffisants pour contester l'existence d'une relation de travail découlant des constatations effectuées par la police aux frontières le 12 mai 2017 et qui font foi jusqu'à preuve du contraire. Par ailleurs, le fait qu'aucune procédure pénale n'ait été engagée malgré la saisine du procureur de la République est sans incidence sur la matérialité des faits ainsi établie. Enfin, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tiré de la seule considération que la culpabilité du prévenu n'est pas établie. Ainsi, l'arrêt de la cour d'appel de Besançon du 15 juin 2021 relaxant M. B... au motif qu'aucun élément objectif ne permet d'apporter la preuve de l'embauche par la société AK construction est sans incidence sur la matérialité des faits ici établie. Dès lors, le tribunal administratif n'a commis ni une erreur de droit, ni une erreur de fait en rejetant les conclusions aux fins d'annulation et de décharge de la société AK construction.

6. Ainsi, il résulte de tout ce qui précède que la société AK construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation des décisions de l'OFII et sa demande de décharge des sommes correspondantes.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société AK construction demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société AK construction la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par l'office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société AK construction est rejetée.

Article 2 : La société AK construction versera à l'office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société AK construction et à l'office français de l'immigration et de l'intégration.

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N°20NC01042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01042
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Emploi des étrangers - Textes généraux.

Étrangers - Emploi des étrangers - Mesures individuelles - Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-21;20nc01042 ?
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