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19/10/2021 | FRANCE | N°20NC01314

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 19 octobre 2021, 20NC01314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 mai 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1905118 du 15 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2020, Mme C...

, représentée par Me Perez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 mai 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1905118 du 15 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2020, Mme C..., représentée par Me Perez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 novembre 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 9 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Perez sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

s'agissant du refus de séjour :

- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 4° et L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'incompétence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2021, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un courrier en date du 31 août 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que la base légale issue des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être substituée à la base légale issue des dispositions de l'article L. 313- 11 4° du même code qui a été retenue par le préfet du Bas-Rhin pour fonder sa décision portant refus de renouvellement du titre de séjour.

Par un mémoire, enregistré le 16 septembre 2021, la préfète du Bas-Rhin a répondu au moyen susceptible d'être relevé d'office en le confirmant.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020, modifiée par une décision du 14 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante camerounaise née le 21 juillet 1992, est entrée régulièrement sur le territoire français le 22 décembre 2015, sous couvert d'un visa en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français. Le 20 juin 2016, son époux M. B... a reconnu son fils D... alors âgé de 10 ans et résidant au Cameroun. Mme C... a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", régulièrement renouvelée jusqu'au 29 janvier 2019. Par un arrêté du 9 mai 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme C..., a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel Mme C... pourrait être reconduite d'office. Mme C... relève appel du jugement du 15 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Bas-Rhin de l'admettre au séjour.

Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; ". Aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" (...) ".

3. Il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet pour refuser le renouvellement du titre de séjour de Mme C... s'est fondé non sur les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur mais sur celles de l'article L. 313-11 du même code. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

4. En l'espèce, la décision attaquée, trouve son fondement légal dans les dispositions l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles de l'article L. 313-11 du même code dès lors, en premier lieu, que Mme C... se trouvait dans la situation où, en application de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Bas-Rhin pouvait se fonder sur la rupture de la communauté de vie pour lui refuser le séjour , en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

5. Pour refuser à Mme C... le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjointe de français, le préfet s'est fondé sur l'absence de communauté de vie entre les époux depuis le 25 mai 2018. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la communauté de vie entre les époux ait repris à la date de la décision attaquée. Contrairement à ce que soutient la requérante par des allégations dépourvues de toute pièces justificatives il n'est pas établi que les époux bien que séparés géographiquement, aient entendu reprendre la vie commune après le mois de mai 2018. Par suite, en refusant de renouveler le titre de séjour de l'intéressée, le préfet du Bas-Rhin n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l' article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est mère d'un enfant français puisque son époux M. B... a reconnu le 20 juin 2016 son fils D... alors âgé de 10 ans. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le fils A... la requérante est arrivée en France le 29 mai 2019, soit postérieurement à la date de la décision attaquée. Ainsi, à cette date, le fils A... la requérante ne résidait pas en France. Par suite, le préfet du Bas-Rhin n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant sur ce fondement le droit au séjour qu'elle sollicitait.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., en instance de divorce, n'était présente sur le territoire français que depuis quatre ans à la date de l'arrêté contesté. Elle n'établit pas être dépourvue de liens dans son pays d'origine, où elle a vécu la majorité de sa vie et où résident ses parents, sa fratrie ainsi que son fils aîné. En outre, la requérante n'établit pas qu'elle ne pourra pas poursuivre avec son second enfant venu la rejoindre une vie privée et familiale normale dans son pays d'origine, où réside l'ensemble de sa famille. Par suite, en dépit de son insertion professionnelle, la décision en litige n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant: " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

12. L'arrêté portant refus de séjour contesté n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme C... de son fils, ni d'empêcher ce dernier d'effectuer une scolarité ailleurs qu'en France, et notamment au Cameroun, pays dans lequel il a vécu jusqu'en mai 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.

14. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons que celles énoncées à propos du refus de délivrance d'un titre de séjour, Mme C... n'est pas fondée à soutenir pour contester la mesure d'éloignement prononcée à son encontre que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle, ni méconnu les stipulations des articles 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. En troisième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Comme il a été dit précédemment il n'est pas démontré que Mme C... dispose d'un droit au séjour en application des dispositions des articles L. 313-12, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Une mesure d'éloignement pouvait donc légalement être prise à son encontre.

Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :

16. Comme en première instance, Mme C... soulève le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte. Mais comme elle n'assortit pas ce moyen de précisions nouvelles en appel, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenu à bon droit par les premiers juges.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

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N° 20NC01314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01314
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : PEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-19;20nc01314 ?
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