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19/10/2021 | FRANCE | N°20NC00665

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 19 octobre 2021, 20NC00665


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... B... a demandé successivement au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 12 septembre 2017 par lequel le ministre de l'éducation nationale l'a licencié pour insuffisance professionnelle, ensemble la décision du 12 décembre 2017 portant rejet de son recours gracieux formé le 13 novembre 2017, d'autre part, la décision du 19 juin 2018 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a maintenu la mesure de licenciement prise à son encontre.

Par un jugemen

t n° 1800987 et 1805791 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Stras...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... B... a demandé successivement au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 12 septembre 2017 par lequel le ministre de l'éducation nationale l'a licencié pour insuffisance professionnelle, ensemble la décision du 12 décembre 2017 portant rejet de son recours gracieux formé le 13 novembre 2017, d'autre part, la décision du 19 juin 2018 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a maintenu la mesure de licenciement prise à son encontre.

Par un jugement n° 1800987 et 1805791 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 10 mars 2021, M. A... B..., représenté par Me Grit, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800987 et 1805791 du tribunal administratif de Strasbourg du 21 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 12 septembre 2017 et ses décisions des 12 décembre 2017 et 19 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de procéder sans délai, à titre principal, à sa titularisation en qualité de professeur de technologie dans l'académie de Besançon pour la rentrée de septembre 2020 ou, à titre subsidiaire, à un nouvel examen de son dossier de titularisation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 3 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique ;

Il soutient que :

- l'arrêté du 12 septembre 2017 est entaché d'un vice de procédure dès lors que, d'une part, il n'a pas pu obtenir la copie intégrale de son dossier administratif et que, d'autre part, il a été contraint de se présenter devant la commission administrative paritaire compétente alors qu'il se trouvait en congé de longue maladie et que son état de santé ne lui a pas permis de répondre de manière satisfaisante aux questions posées ;

- son licenciement pour insuffisance professionnelle repose sur des faits matériellement inexacts et est entaché d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2020, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir assuré pendant dix ans des activités d'enseignement en qualité d'agent contractuel dans l'académie de Nancy-Metz, M. A... B... a été admis à la session de 2002 de l'examen professionnel de recrutement des professeurs de lycée professionnel dans la spécialité " arts du feu ". Il a été titularisé au terme de sa seconde année de stage et a été affecté, à compter de la rentrée 2006-2007, au lycée professionnel " Dominique Labroise " de Sarrebourg, où il enseigne dans le cadre du certificat d'aptitude professionnelle des arts du verre et du cristal et du brevet des métiers d'art de souffleur de verre. Par un arrêté du 12 septembre 2017, le ministre de l'éducation nationale a licencié M. B... pour insuffisance professionnelle. Le 13 novembre 2017, le requérant a formé un recours gracieux contre cet arrêté, qui a été rejeté par une décision du 12 décembre 2017. Le 17 octobre 2017, il a également saisi la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat qui, à l'issue de la séance du 10 avril 2018, a estimé que son licenciement pour insuffisance professionnelle n'était pas justifié. Toutefois, par une nouvelle décision du 19 juin 2018, le ministre de l'éducation nationale a décidé de maintenir la mesure de licenciement prise à l'encontre de l'intéressé. M. B... a saisi successivement le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 12 septembre 2017 et de la décision du 12 décembre 2017, d'autre part, de la décision du 19 juin 2018. Il relève appel du jugement n° 1800987 et 1805791 du 21 novembre 2019, qui rejette ses demandes.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 70 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire (...) ". Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. ". Aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. / (...) / Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi. / (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 19 de la même loi : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. / Les pièces du dossier et les documents annexes doivent être numérotés. ".

3. Il est constant que M. B... a consulté le 5 mai 2017, dans les locaux du rectorat de l'académie de Nancy-Metz, l'intégralité de son dossier individuel. S'il fait valoir qu'il n'a pas pu obtenir la copie de toutes les pièces, il n'établit pas avoir vainement sollicité auprès de l'administration la communication des documents manquants. Par suite, alors que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports fait valoir que ces documents étaient déjà en sa possession, le moyen tiré du vice de procédure correspondant ne peut être accueilli.

4. En deuxième lieu, aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 67 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui l'exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général. (...) ".

5. D'une part, la circonstance que M. B... se trouvait placé en congé de longue maladie à la date à laquelle s'est réunie la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire ne le soustrayait pas aux obligations incombant à tout fonctionnaire en activité, ni ne faisait obstacle à la poursuite de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle dont il était l'objet. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant, qui, après avoir obtenu le report de la séance initialement prévue le 30 mai 2017, a assisté à celle du 9 juin suivant, se trouvait dans un état physique ou mental qui l'aurait empêché de présenter utilement sa défense et de répondre d'une manière appropriée aux questions posées par les membres de la commission. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure relatif à la date de la réunion de la commission administrative paritaire doit être écarté dans ses deux branches.

6. En troisième lieu, le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent, ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement. En particulier, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe, ne fait obstacle à ce que l'insuffisance professionnelle d'un agent exerçant des fonctions d'enseignement soit constatée à l'occasion d'une visite d'inspection.

7. Ainsi qu'il ressort notamment de la recommandation de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat du 10 avril 2018, il n'est pas sérieusement contesté que, lors de sa reprise en mi-temps thérapeutique en novembre 2014, à l'issue d'un congé de longue maladie, puis d'un congé de maladie ordinaire, M. B... a travaillé, compte tenu de l'attitude de certains collègues à son égard, dans un environnement professionnel difficile, voire hostile, et que, malgré la mise en place d'un parcours individualisé d'accompagnement professionnel au titre de l'année scolaire 2015-2016, dans le cadre duquel une décharge hebdomadaire de service de 9 heures, soit un mi-temps libéré, lui avait été accordée, le nombre d'heures destinées à le former au travail du verre " à chaud " n'a pas été suffisant. Toutefois, si son incapacité à maîtriser une telle technique ne saurait, dans ces conditions, lui être reprochée, il ressort des pièces du dossier que les différents rapports d'inspection de l'intéressé, qui a été inspecté à sept reprises entre avril 2003 et janvier 2017, pointent de façon récurrente, malgré sa bonne volonté, non seulement son insuffisante maîtrise de la discipline enseignée, y compris dans son domaine de spécialité qu'est le travail du verre " à froid ", mais également ses carences pédagogiques et didactiques. En particulier, le rapport de l'inspection effectuée le 17 janvier 2017 constate, au-delà de l'inaptitude de M. B... à former son auditoire au métier de souffleur de verre, des insuffisances importantes, préjudiciables aux élèves qui lui sont confiés, concernant de nombreuses compétences attendues d'un professeur de lycée professionnel, telles que définies par l'arrêté ministériel du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation maîtrisées. De son côté, un rapport d'accompagnement professionnel du chef d'établissement du 26 juin 2016 fait état de plaintes des parents d'élèves qui se sont succédées tout au long de l'année scolaire au sujet des cours de M. B... sur le travail du verre " à froid ".

8. Ces carences et ces insuffisances ont persisté malgré les différentes formations dont le requérant a bénéficié depuis sa titularisation. Ainsi, après avoir suivi une formation d'adaptation aux techniques du verre, comprenant des stages pratiques auprès d'entreprises de verrerie durant l'année scolaire 2005-2006, l'intéressé a bénéficié en 2008 d'un nouveau complément de formation à la demande du chef d'établissement, les professionnels se plaignant du faible niveau des élèves accueillis en stage. Enfin, M. B... ayant été placé en congé de longue maladie, puis en congé de maladie ordinaire, sa reprise en mi-temps thérapeutique entre novembre 2014 et août 2015, période au cours de laquelle il a exercé ses fonctions sans responsabilité de classe, s'est doublée d'un accompagnement spécifique renforcé destiné à mettre à niveau ses connaissances techniques et ses compétences pédagogiques et didactiques.

9. Ni les allégations de M. B... selon lesquelles il serait le seul enseignant à qui l'on reproche de ne pas maîtriser à la fois le travail du verre " à chaud " et celui du verre " à froid ", ni les quelques attestations favorables qu'il verse aux débats, ne sont de nature à remettre en cause les appréciations portées sur sa manière de servir et sur son aptitude à enseigner dans les rapports d'inspection. Le requérant ne saurait sérieusement soutenir que la teneur de ces appréciations serait la conséquence du différend qui l'a opposé en 2003 au chef des travaux du lycée professionnel " Albert Schweitzer " de Bitche. Il ne saurait non plus utilement se prévaloir des évaluations satisfaisantes dont il a bénéficié en qualité d'agent contractuel, ni de l'abandon en 2003 d'une précédente procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle le concernant, qui aurait été mise en œuvre à tort par l'administration. Enfin, s'il se plaint des conditions dans lesquelles s'est déroulée l'inspection du 17 janvier 2017, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'inspecteur aurait fait preuve de partialité ou d'animosité à son égard. Par suite, et alors que la plainte déposée par M. B... pour des faits de harcèlement au travail au mois de juin 2017 a été classée sans suite par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Metz, le ministre de l'éducation nationale n'a pas commis d'erreur de fait, ni d'erreur d'appréciation, en prononçant le licenciement de l'intéressé pour insuffisance professionnelle.

10. En quatrième et dernier lieu, M. B... soutient que l'administration l'a évincé du service pour permettre aux enseignants contractuels qui l'ont remplacé pendant son congé longue maladie de prendre définitivement sa place. Toutefois et alors même qu'une reconversion professionnelle sur un poste d'adjoint au chef des travaux du lycée professionnel " Dominique Labroise " de Sarrebourg lui avait été proposée en 2016, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2017 et des décisions des 12 décembre 2017 et 19 juin 2018. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Nancy-Metz.

N° 20NC00665 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00665
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions générales - Questions générales relatives au personnel - Questions générales relatives au personnel enseignant.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Conseils supérieurs de la fonction publique - Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : GRIT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-19;20nc00665 ?
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