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19/10/2021 | FRANCE | N°19NC02575

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 19 octobre 2021, 19NC02575


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Oxial a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 27 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de Colmar a approuvé la révision du règlement local de publicité de la commune.

Par un jugement n° 1702753 du 26 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 août 2019, la société Oxial, représentée par Me Carpentier, demande à la cour :
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2°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Oxial a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 27 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de Colmar a approuvé la révision du règlement local de publicité de la commune.

Par un jugement n° 1702753 du 26 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 août 2019, la société Oxial, représentée par Me Carpentier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1702753 du tribunal administratif de Strasbourg du 26 juin 2019 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Colmar du 27 mars 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Colmar la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

4°) en tant que besoin, de surseoir à statuer et saisir la Cour de justice de l'Union Européenne sur le point de savoir si les principes fixés par l'article 16.1 de la directive 2006/123 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur s'opposent à ce qu'une collectivité locale interdise de manière générale et absolue la publicité numérique sur l'essentiel de son territoire et, notamment, au sein de l'ensemble des axes majeurs d'entrée de ville et au sein d'une zone commerciale sans qu'une raison objective liée à la protection du cadre de vie ne le justifie.

Elle soutient que :

- le règlement local de publicité approuvé a pour effet d'imposer une interdiction générale et absolue de la publicité numérique ; une telle interdiction générale et absolue est illégale dès lors qu'elle n'est justifiée par aucune circonstance locale particulière ;

- le règlement approuvé méconnaît le principe d'égalité dès lors qu'il instaure une différence de traitement entre la publicité sur mobilier urbain et les autres formes de publicité mais, aussi, entre les entreprises spécialisées dans le mobilier urbain et les autres entreprises de publicité ;

- le règlement approuvé est incompatible avec les objectifs du 1. de l'article 16 de la directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006 car il instaure une interdiction générale et absolue de la publicité numérique sur la commune de Colmar, qui va au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation de l'objectif de protection du cadre de vie ;

- les restrictions à la publicité numérique imposées par le règlement local de publicité de la commune de Colmar en zone ZP 2, mais aussi en zone ZP 4 ne sont pas justifiées par des raisons liées à la protection du cadre de vie et excèdent, en tout état de cause, ce qui est nécessaire pour réaliser l'objectif de protection du cadre de vie ; les restrictions sur ces deux zones sont ainsi incompatibles avec les objectifs du 1. de l'article 16 de la directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2020, la commune de Colmar, représentée par Me Noel, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Oxial la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté pour la société Oxial tendant aux mêmes fins que ses écritures précédentes par les mêmes moyens, a été enregistré le 3 novembre 2020, avant clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marchal,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public ;

- et les observations de Me Carpentier, représentant la société Oxial.

Une note en délibéré, présentée pour la société Oxial, a été enregistrée le 1er octobre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 29 avril 2013, le conseil municipal de Colmar a prescrit la révision du règlement local de publicité initialement approuvé le 30 août 1990. Par une délibération du 27 mars 2017, le conseil municipal de Colmar a approuvé la révision de ce règlement. La société Oxial fait appel du jugement du 26 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 27 mars 2017.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. L'article L. 581-2 du code de l'environnement dispose que : " Afin d'assurer la protection du cadre de vie, le présent chapitre fixe les règles applicables à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes, visibles de toute voie ouverte à la circulation publique au sens précisé par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 581-9 dudit code dans sa version applicable à l'espèce : " Dans les agglomérations, et sous réserve des dispositions des articles L. 581-4 et L. 581-8, la publicité est admise. Elle doit toutefois satisfaire, notamment en matière d'emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d'entretien et, pour la publicité lumineuse, d'économies d'énergie et de prévention des nuisances lumineuses au sens du chapitre III du présent titre, à des prescriptions fixées par décret en Conseil d'Etat en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l'importance des agglomérations concernées. (...) / L'installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence est soumise à l'autorisation de l'autorité compétente. (...) ". Selon l'article L. 581-14 de ce code : " L'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, la métropole de Lyon ou, à défaut, la commune peut élaborer sur l'ensemble du territoire de l'établissement public ou de la commune un règlement local de publicité qui adapte les dispositions prévues aux articles L. 581-9 et L. 581-10. / Sous réserve des dispositions des articles L. 581-4, L. 581-8 et L. 581-13, le règlement local de publicité définit une ou plusieurs zones où s'applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national. (...) ". Aux termes de l'article R. 581-76 du même code : " La subordination d'un dispositif publicitaire à l'octroi d'une autorisation par l'autorité compétente en matière de police ne fait pas obstacle à la fixation, par le règlement local de publicité, de règles plus restrictives que la réglementation nationale, notamment en matière de publicité lumineuse et d'enseignes lumineuses ".

3. Ces dispositions confèrent aux autorités locales, en vue de la protection du cadre de vie et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, un large pouvoir de réglementation de l'affichage qui leur permet, notamment, d'interdire dans des zones toute publicité ou certaines catégories de publicité en fonction des procédés ou des dispositifs utilisés. Il leur appartient cependant d'exercer ce pouvoir de police dans le respect du principe d'égalité et de ne pas édicter des interdictions générales et absolues qui ne seraient pas justifiées par des circonstances locales particulières.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le règlement local de publicité de la commune de Colmar prévoit sept zones de publicité distinctes. Les zones de publicité n° 6 et n° 7 (ZP6 et ZP7), regroupant respectivement les secteurs hors agglomération et le secteur du centre-ville de Colmar classé en tant que site patrimonial remarquable, ne font l'objet d'aucune restriction locale, dès lors que la réglementation nationale interdit déjà toute publicité, notamment numérique, dans ces secteurs. La zone de publicité n° 1 (ZP1) correspond aux secteurs à proximité immédiate du site patrimonial remarquable et doit assurer la transition avec ce site. Elle comprend un secteur n° 1a correspondant aux alentours de la gare. En zone ZP1, la publicité numérique peut uniquement être apposée sur le mobilier urbain dans la limite d'une surface unitaire de 2m², sauf dans la secteur ZP1a, où les dispositifs numériques muraux ou sur clôture sont également autorisés, dès lors qu'ils n'excèdent pas une surface unitaire de 2m². Le règlement de la zone de publicité n° 3 (ZP3), qui correspond à l'emprise de l'aéroport, autorise tant les dispositifs lumineux numériques muraux ou sur clôture, avec une surface unitaire limitée à 6 m², que les dispositifs de publicité numérique scellés ou installés directement au sol selon les dispositions du règlement national de publicité, à condition néanmoins que chaque dispositif au sol soit séparé par une distance d'au moins 200 mètres du suivant. La publicité numérique sur le mobilier urbain est également autorisée dans cette zone lorsque sa surface unitaire ne dépasse pas 4 m². Enfin, dans la zone de publicité n° 2 (ZP2), qui englobe les secteurs d'activité économique implantés au nord de Colmar, ainsi que dans la zone de publicité n° 4 (ZP4), qui correspond aux axes d'entrée dans la commune, et dans la zone de publicité n° 5 (ZP5), recouvrant les secteurs à dominante résidentielle, la publicité numérique est autorisée sur le mobilier urbain pourvu que sa superficie unitaire soit limitée à 4 m². Dans ces conditions, si le règlement local de publicité de la commune de Colmar encadre la publicité numérique plus strictement que les exigences nationales dans les zones ZP1, ZP2, ZP3, ZP4 et ZP5, il préserve la faculté d'apposer la publicité numérique dans ces zones sur le mobilier urbain et, dans certaines de ces zones, sur d'autres supports. Eu égard à cette possibilité, quand bien même elle ne bénéficierait que difficilement à la requérante ou à d'autres sociétés du fait de leurs domaines d'activités, la publicité numérique ne peut être regardée comme faisant l'objet d'une interdiction générale et absolue dans la commune de Colmar. Par suite, le moyen tiré de ce que le règlement local de publicité litigieux imposerait une interdiction générale et absolue de la publicité numérique dans cette commune doit être écarté.

6. En deuxième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit.

7. Il ressort des dispositions du règlement local de publicité que la publicité numérique est principalement autorisée dans les zones ZP1, ZP2, ZP3, ZP4 et ZP5 sur le mobilier urbain. Pour autant, le mobilier urbain se différencie des autres dispositifs pouvant accueillir de la publicité numérique en ce qu'il n'a qu'une vocation publicitaire accessoire, mais a pour objet principal de répondre aux besoins des administrés. Dans ces conditions, en dépit de l'impact visuel équivalent pouvant résulter d'une publicité numérique sur un support scellé au sol ou apposé sur du mobilier urbain, la commune de Colmar n'a pas institué une discrimination irrégulière au profit du mobilier urbain, ni au profit des sociétés spécialisées dans le mobilier urbain, en permettant principalement l'apposition de la publicité numérique sur le mobilier urbain.

8. En troisième lieu, aux termes du 1. de l'article 16 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2006 susvisée : " Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis. / L'État membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l'activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire. / Les États membres ne peuvent pas subordonner l'accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire à des exigences qui ne satisfont pas aux principes suivants : / a) la non-discrimination : l'exigence ne peut être directement ou indirectement discriminatoire en raison de la nationalité ou, dans le cas de personnes morales, en raison de l'État membre dans lequel elles sont établies ; b) la nécessité : l'exigence doit être justifiée par des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l'environnement ; / c) la proportionnalité : l'exigence doit être propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. ".

9. Les dispositions du 1. de l'article 16 sont relatives au droit des prestataires de fournir des services dans un Etat membre autre que celui dans lequel ils sont établis. La société Oxial, qui est établie en France et dont la situation est entièrement régie par le droit national français, ne peut ainsi utilement invoquer ces dispositions pour solliciter l'annulation de la délibération du 27 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de Colmar a approuvé la révision du règlement local de publicité de la commune.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la société Oxial n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la délibération du 27 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de Colmar a approuvé la révision du règlement local de publicité de la commune.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Colmar, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Oxial demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Oxial le versement de la somme de 2 000 euros à la commune de Colmar sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Oxial est rejetée.

Article 2 : La société Oxial versera la somme de 2 000 euros à la commune de Colmar sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Oxial et à la commune de Colmar.

N° 19NC02575 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02575
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Affichage et publicité - Affichage - Pouvoirs des autorités compétentes - Autorités municipales.

Affichage et publicité - Affichage - Régime de la loi du 29 décembre 1979 - Dispositions applicables à la publicité - Publicité à l'intérieur des agglomérations.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL D'EURALILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-19;19nc02575 ?
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