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12/10/2021 | FRANCE | N°21NC00597

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 12 octobre 2021, 21NC00597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Orne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2008076 du 8 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er mars 2021, M. A..., représenté p

ar Me Güner, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Orne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2008076 du 8 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er mars 2021, M. A..., représenté par Me Güner, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 8 février 2021 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 décembre 2020 de la préfète de l'Orne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car il a omis de viser et d'analyser le mémoire complémentaire enregistré au greffe le 21 janvier 2021 ;

- le magistrat désigné a omis de statuer sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision portant obligation de quitter le territoire français et sur celui tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

sur la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L.511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2021, la préfète de l'Orne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc, né le 10 octobre 1993, a été interpelé par les forces de police le 12 décembre 2020 et s'est prévalu d'une carte d'identité roumaine sous l'identité de M. B... E.... Les recherches d'identité ont révélé que l'intéressé était connu sous plusieurs identités. Cette vérification a également permis d'établir que le requérant faisait l'objet d'un mandat de recherche délivré par le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Alençon pour des faits de vol. Par arrêté du 14 décembre 2020, la préfère de l'Orne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 8 février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que le premier juge a omis de viser et d'analyser le mémoire complémentaire présenté par M. A..., enregistré au greffe du tribunal administratif de Strasbourg le 21 janvier 2021 et communiqué à la préfète de l'Orne le 22 janvier 2021. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré de l'irrégularité du jugement, M. A... est fondé à soutenir que le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, la décision attaquée portant refus de titre de séjour a été signée par M. D... F..., directeur de la citoyenneté et de la légalité, qui disposait d'une délégation de signature consentie par un arrêté de la préfète de l'Orne en date du 17 août 2020, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, à effet de signer notamment les arrêtés portant mesures d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de la décision ne disposait pas d'une délégation de signature régulière et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture manque en fait et doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " I . - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants :1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. "

7. Il ressort de la lecture de ses motifs que la décision attaquée mentionne de manière suffisamment précise les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle cite notamment l'article L. 511-1 du code précité, le parcours de l'intéressé et la circonstance qu'il est en situation irrégulière. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Le requérant, célibataire et sans enfant, se prévaut de sa présence en France depuis 2014, d'une relation amoureuse avec une compatriote ainsi que de sa situation professionnelle. Toutefois, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et méconnaîtrait par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Enfin, il ne ressort pas des termes mêmes de la décision attaquée, qui mentionne de façon circonstanciée les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. A..., que la préfète de l'Orne n'aurait pas procédé à un examen attentif et particulier de la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision portant délai de départ volontaire à trente jours :

11. Aux termes de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " (...) II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ( ...) ".

12. En l'espèce, M. A... n'établit pas, ni même allègue, avoir saisi la préfète de l'Orne d'une demande tendant à ce que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ou faisant état de circonstances tenant à sa situation personnelle de nature à justifier que lui soit accordé un tel délai. En se bornant à se prévaloir de sa relation amoureuse et de sa situation professionnelle, il ne justifie pas que sa situation nécessitait une prolongation de ce délai de départ volontaire. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article précité doit être écarté.

13. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Orne n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M. A... avant de prendre la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours, ni même qu'elle aurait entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

14. En premier lieu, au regard de ce qui précède, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays d'éloignement ne peut être qu'écarté.

15. En deuxième lieu, la décision fixant le pays de destination, vise l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que M. A... sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou vers tout autre pays dans lequel il serait admissible et indique que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas méconnues. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

16. En troisième lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. En se bornant à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. A... n'apporte pas les précisions permettant d'apprécier les risques réels auxquels il serait soumis, à titre personnel, en cas de retour en Turquie, alors, au surplus, que ses demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2020 pris à son encontre par la préfète de l'Orne.

Sur les frais liés à l'instance :

19. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 200876 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Orne.

2

N° 21NC00597


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00597
Date de la décision : 12/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GUNER VALENTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-12;21nc00597 ?
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