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12/10/2021 | FRANCE | N°19NC03062

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 12 octobre 2021, 19NC03062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) "Les hautes terres" ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 18 avril 2017 par laquelle le préfet de la région Grand Est, préfet du Bas-Rhin, a autorisé M. E... C... à exploiter les parcelles qui leur étaient jusqu'alors données à bail.

Par un jugement n° 1703074 du 8 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 18 avril 2017 du préfet de la région Gra

nd Est, préfet du Bas-Rhin, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à v...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) "Les hautes terres" ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 18 avril 2017 par laquelle le préfet de la région Grand Est, préfet du Bas-Rhin, a autorisé M. E... C... à exploiter les parcelles qui leur étaient jusqu'alors données à bail.

Par un jugement n° 1703074 du 8 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 18 avril 2017 du préfet de la région Grand Est, préfet du Bas-Rhin, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 juillet 2019.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé car il n'a pas précisé les motifs pour lesquels la surface de 10 ha 56 a en jachère, faisant partie de l'exploitation agricole de M. B..., ne pourrait pas être classée dans la catégorie " autres cultures " mentionnée à l'article 4 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de la région Alsace ;

- la surface litigieuse de 10 ha 56 a ne pouvant être classée ni dans la catégorie des " grandes cultures " ni dans celle des " prairies ", le préfet ne pouvait dès lors que classer celle-ci dans la catégorie " autres cultures " prévue par l'article 4 du SDREA ;

- les autres moyens soulevés par les requérants en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, M. B... et l'EARL " Les hautes terres ", représentés par la SELARL Dôme Avocats, concluent à titre principal à l'irrecevabilité de la requête d'appel du ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à titre subsidiaire au rejet de celle-ci et à ce que l'Etat soit condamné à leur verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- à titre principal : la requête est irrecevable car le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'a pas produit le jugement attaqué ;

- à titre subsidiaire : les moyens soulevés par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause, la décision du 18 avril 2017 du préfet de la région Grand Est est entachée d'un vice d'incompétence ;

- elle est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime car M. B... n'a pas été informé de la date à laquelle la commission départementale d'orientation de l'agriculture a été réunie pour examiner la demande de M. C... ;

- elle méconnaît l'ordre des priorités fixées par le SDREA ;

- le dossier de demande de M. C... était insuffisant car il ne permet pas d'établir le niveau des revenus extra-agricoles de celui-ci.

Par deux mémoires en observations enregistrés les 15 janvier 2020 et 23 décembre 2020, M. C..., représenté par Me Karm, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 juillet 2019 et à ce M. B... et l'EARL " Les hautes terres " soient condamnés à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 61-1 du code de justice administrative.

M. B... et l'EARL " Les hautes terres " ont présenté un mémoire, enregistré le 15 septembre 2021, par lequel ils concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Verdun représentant M. B... et l'EARL " Les hautes terres ".

Considérant ce qui suit :

1. L'EARL " Les hautes terres ", dont M. B... est le gérant, est locataire de parcelles agricoles représentant une superficie totale de 1 ha 32 a et 55 ca situées sur le territoire des communes de Mittelhausbergen et Oberhausbergen, dans le département du Bas-Rhin, appartenant à M. A... C... et Mme D... F.... Par acte d'huissier du 10 mai 2016, M. C... a donné congé à M. B..., avec effet à compter de l'échéance du bail prévue au 11 novembre 2017, afin de reprendre ces parcelles et les confier à son fils, M. E... C.... Ce dernier a alors déposé une demande d'autorisation d'exploiter le 12 décembre 2016. Par décision du préfet de la région Grand Est, préfet du Bas-Rhin, du 18 avril 2017, pris après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture du Bas-Rhin du 11 avril précédent, l'autorisation d'exploiter a été accordée. M. B... et l'EARL " Les hautes terres " ont alors demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cette décision. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation fait appel du jugement du 8 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 18 avril 2017 du préfet de la région Gand-Est.

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. B... et l'EARL " Les hautes terres " :

2. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent M. B... et l'EARL " Les hautes terres ", le ministre a joint à sa requête le jugement litigieux. Par suite, la fin de non-recevoir manque en fait et doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Strasbourg a expressément répondu au moyen qu'il a retenu. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre pour quels motifs la surface en jachère ne pouvait pas être classée dans la catégorie " autres cultures ". En effet, il ressort du point 5 du jugement attaqué que celui-ci a précisé qu'" il ne ressort en outre d'aucune des dispositions applicables que le schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Alsace ait entendu classer les terres en jachère parmi les " autres cultures ", se voyant affecter un coefficient d'équivalence de 1 dans la zone non viticole ". Par suite, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

4. Aux termes de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige : " (...) II. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles détermine des équivalences à la surface agricole utile régionale moyenne, par type de production, en particulier pour les productions mentionnées à l'article L. 641-5 et pour les ateliers de production hors sol. S'il y a lieu, ces équivalences peuvent être fixées par région naturelle ou par territoire présentant une cohérence en matière agricole, en tenant compte de la surface agricole utile moyenne des espaces concernés. (...) ". Aux termes de l'article L. 331-1-1 du même code : " 3° Pour déterminer la superficie totale mise en valeur, il est tenu compte de l'ensemble des superficies exploitées par le demandeur, sous quelque forme que ce soit et toutes productions confondues, en appliquant les équivalences fixées par le schéma directeur régional des exploitations agricoles pour les différents types de production. En sont exclus les bois, taillis et friches, à l'exception des terres situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique ou à La Réunion et mentionnées à l'article L. 181-4 ainsi que de celles situées à Mayotte et mentionnées à l'article L. 182-12. En sont également exclus les étangs autres que ceux servant à l'élevage piscicole. ". Aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; (...) ".

5. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté préfectoral du préfet de la région Alsace du 23 décembre 2015 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de la région Alsace : " (...) Les priorités sont déclinées selon les modalités ci-après par ordre décroissant de 1 à 5 : les modalités de calcul de la surface pondérée par UTA, ainsi que la comptabilisation des UTA ( unité de travail annuel) des exploitations sont précisées à l'article 4 du présent arrêté. / (...) / 2. Dans la limite d'une surface pondérée de 67, 5 ha / UTA hors zone viticole (. . .) / (...) / 4. Pour une surface pondérée comprise entre 67,5 et 100 ha / UTA hors zone viticole (. . .) ". Aux termes de l'article 4 de cet arrêté préfectoral : " (. . .) / Pour une opération portant sur des biens situés en dehors de la zone viticole, les coefficients par type de productions végétales suivants sont à prendre en compte dans la détermination de la surface pondérée. ( .. .) ". Les coefficients d'équivalences prévus par cet arrêté sont de 0.45 pour les " Grandes cultures et cultures spécialisées (houblon, tabac) ", de 0.40 pour les " Prairies ", de 8 pour les " Cultures maraichères ", de 25 pour les " Cultures maraichères sous serres chauffées ", de 4.64 pour les " Vignes ", de 3.50 pour les " Cultures fruitières (vergers) " et de 1 pour les " Autres cultures ".

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, pour apprécier la situation de M. B... et de l'EARL " Les hautes terres ", le préfet a considéré que la superficie en jachère de 10 ha 56 a devait être affectée d'un coefficient 1 correspondant à la catégorie d'" autres cultures ". Si les terres en jachères ne sont pas, temporairement, productrices, elles sont au nombre des superficies exploitées par le demandeur qui, en application des dispositions précitées de l'article L. 331-1-1 du code rural et de la pêche maritime, doivent être affectées d'un coefficient d'équivalence. Alors qu'elles ne sauraient, du fait de leur capacité productive, bénéficier du coefficient d'équivalence des prairies et qu'il n'est ni soutenu, ni même allégué qu'elles auraient pu, du fait de leur production potentielle, bénéficier de celui des grandes cultures ou d'autres catégories, c'est par une exacte application du SDREA que le préfet a pu leur affecter le coefficient de 1 attaché à la catégorie résiduelle " autres cultures " alors même qu'elles ne sont pas productives à la date de la demande et sans que ne puisse être utilement opposé que le défaut de catégorie " jachères " y ferait obstacle, cette dernière n'étant requise par aucun texte.

7. Ainsi, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur un motif " d'erreur de fait " pour annuler la décision du préfet de la région Grand Est du 18 avril 2017.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... et l'EARL " Les hautes terres " tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... et l'EARL " Les hautes terres " :

9. Aux termes de l'article R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige : " I.- La commission départementale d'orientation de l'agriculture mentionnée à l'article R. 313-l peut être consultée sur les demandes d'autorisation d'exploiter auxquelles il est envisagé d'opposer un refus pour l'un des motifs prévus à l'article L. 331-3-1. Dans ce cas, et lorsque des candidatures concurrentes ont été enregistrées sur tout ou partie des biens qui font l'objet de la demande, l'ensemble des dossiers portant sur ces biens lui est soumis au cours de la même séance. / Les candidats, les propriétaires et les preneurs en place sont informés de la date d'examen des dossiers les concernant par la commission par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé ". Lorsqu'une autorité administrative organise, sans y être tenue, une telle consultation, elle doit y procéder dans des conditions régulières.

10. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

11. En l'espèce, dans le cadre de la procédure préalable à l'édiction de la décision contestée, le préfet de la région Grand Est a décidé de consulter la commission départementale d'orientation de l'agriculture. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B... aurait été informé, comme le prévoit R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime précité, de la date d'examen du dossier de demande d'autorisation d'exploiter les parcelles litigieuses par la commission départementale d'orientation agricole qui s'est tenue le 11 avril 2017, le privant ainsi de la possibilité de présenter des observations préalables. La circonstance opposée par le ministre que la consultation de la commission est facultative est sans incidence sur le respect par l'administration des règles organisant sa saisine. La décision du 18 avril 2017 en litige a par suite été prise à l'issue d'une procédure irrégulière qui a privé M. B... d'une garantie.

12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... et l'EARL " Les hautes terres ", que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 18 avril 2017 du préfet de la région Grand Est autorisant M. C... à exploiter les parcelles litigieuse situées sur territoire des communes de Mittelhausbergen et Oberhausbergen, dans le département du Bas-Rhin.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B... et de l'EARL " Les hautes terres ", qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

14. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et l'EARL " Les hautes terres " et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'agriculture et de l'alimentation est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... et à l'EARL " Les hautes terres " une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à M. B..., à l'EARL " Les hautes terres " et à M. C....

Copie en sera délivrée au préfet de la région Grand Est.

4

N° 19NC03062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03062
Date de la décision : 12/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-02 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles. - Statut du fermage et du métayage.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ASSOCIÉS KARM - ZAIGER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-12;19nc03062 ?
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