La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2021 | FRANCE | N°19NC02334

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 30 septembre 2021, 19NC02334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 17 mai 2018 par laquelle le ministre du travail a autorisé son employeur à le licencier pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1801528 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2019, et des pièces enregistrées le 25 août 2021 et non communiquées, M. C..., représen

té par le cabinet Ledoux Ferri Riou-Jacques, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 17 mai 2018 par laquelle le ministre du travail a autorisé son employeur à le licencier pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1801528 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2019, et des pièces enregistrées le 25 août 2021 et non communiquées, M. C..., représenté par le cabinet Ledoux Ferri Riou-Jacques, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 17 mai 2018 par laquelle le ministre du travail a autorisé son employeur à le licencier ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce que le tribunal n'a pas pris en compte les attestations qu'il a produites ;

- il est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas apprécié la gravité suffisante des fautes justifiant le licenciement ;

- la décision du ministre du travail est entachée d'erreur d'appréciation, aucun des griefs n'étant établi ;

- les faits liés à l'enregistrement audio de Mme E... sont prescrits.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2019, la société Brink Towing Systems représentée par Me Rossignol de Fargues, conclut au rejet de la requête et à ce que 3000 euros soit mis à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2020, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., salarié de la société Brink Towing Services depuis le 3 mars 2014, occupait les fonctions de technicien qualité et était élu depuis le 25 novembre 2016 membre titulaire de la délégation unique du personnel. En février 2017, il a alerté le secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui l'a relayée auprès de la supérieure hiérarchique de la personne concernée, des propos racistes et xénophobes tenus devant lui par un collègue à l'encontre d'un autre salarié. Devant l'inaction de la société et face à la réitération de tels propos, il a alerté directement la direction par des attestations des 14 et 20 septembre 2017. La société a alors décidé de diligenter une enquête interne confiée à une commission désignée par la délégation unique du personnel réunie le 4 octobre 2017. Sur la base du rapport présenté le 27 octobre 2017 et d'entretiens complémentaires menées par la direction de la société, M. C... a par un courrier du 25 novembre 2017 été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à licenciement du 5 décembre 2017. La délégation unique du personnel élargie a par un vote du 5 décembre 2017, rendu à l'unanimité, un avis défavorable à son licenciement. Le 7 décembre 2017, la société a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier. Par une décision du 28 décembre 2017, l'inspecteur du travail a refusé le licenciement de M. C... au motif que l'intention malveillante n'était pas établie. La société a introduit un recours hiérarchique contre cette décision le 28 février 2018. Par une décision du 17 mai 2018, le ministre du travail a annulé pour incompétence matérielle la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M. C.... Par la présente requête, M. C... demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 juin 2019 rejetant sa demande d'annulation de la décision de la décision du ministre du travail du 17 mai 2018.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés".

3. Le tribunal a répondu, par les énonciations suffisamment motivées du point 5 de son jugement, au moyen tiré de l'absence de matérialité des faits reprochés à M. C... en visant expressément la retranscription de l'enregistrement audio et l'attestation de la principale témoin, Mme E..., qui infirmaient tous deux les allégations de M. C.... Le jugement attaqué n'est donc pas entaché sur ce point d'une irrégularité.

4. En second lieu, M. C... considère que le tribunal a omis de viser et de répondre au moyen tiré de la gravité suffisante des faits qui lui sont reprochés et qui justifierait son licenciement. Toutefois, il ne ressort pas des termes de la requête du 17 juillet 2018 et du mémoire du 25 mars 2019 que ce moyen ait été soulevé par le requérant. Le jugement attaqué n'est donc pas non plus entaché d'une irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. D'une part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, " Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. / En cas de litige relatif à l'application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles".

S'agissant du grief tiré de la dénonciation calomnieuse :

7. Il ressort de la demande d'autorisation de licenciement du 7 décembre 2017 de M. C... que la société Suez Eau France s'est fondée sur plusieurs griefs pour justifier sa demande, soit une attitude calomnieuse à l'encontre de son collègue de bureau, M. D..., l'enregistrement à son insu de son autre collègue de bureau, Mme E..., la rédaction d'un faux témoignage dans un but manifeste de tromperie et enfin, une attitude génératrice d'une ambiance délétère. Par sa décision du 19 mai 2018, le ministre du travail a retenu que les fautes de dénonciation calomnieuse et d'enregistrement d'un collègue sans son consentement étaient établies et d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement. Il ressort des pièces du dossier que par deux attestations en date des 15 et 20 septembre et un courrier du 23 octobre 2017, M. C... avait fait part à la direction des propos racistes tenus par M. D... à l'encontre de M. A... et qui auraient été tenus en présence de Mme E.... Il avait également indiqué que M. F... et lui-même auraient demandé des explications à M. D... dans le réfectoire en présence de M. A..., de Mesdames E... et B..., responsable hiérarchique de Mme E..., et d'un peintre, salarié d'une autre entreprise et que M. D... aurait reconnu alors avoir tenu lesdits propos tout en les minimisant. Toutefois, cette rencontre et le contenu des propos qui s'y sont tenus, sont uniquement corroborés par la réponse de M. A..., alors placé en congé maladie, aux questions de la commission du 13 octobre 2017. Enfin, M. F... sur demande de sa hiérarchie, a communiqué l'enregistrement audio de Mme E... effectué par M. C... aux fins de retranscription par un huissier et dont la teneur ne permet pas non plus d'établir avec certitude les faits allégués et ce d'autant plus que Mme E..., personne enregistrée, les a démentis par la suite. En revanche, il ressort des entretiens de Mme B..., de Mme E..., de M. F... et de M. D... que ce dernier n'a jamais été entendu en train de proférer des propos racistes à l'encontre de M. A.... Dès lors qu'aucun élément ne vient étayer les dénonciations répétées de M. C... à l'encontre de M. D... pour des propos racistes qu'il n'aurait pas tenu et qu'il n'apporte pas davantage de début de justification venant au soutien de sa bonne foi, étant contredit par ses collègues, il ne saurait soutenir qu'il devait bénéficier de la protection prévue par l'article L. 1132-3-3 du code du travail.

S'agissant du grief tiré de l'enregistrement d'une collègue à son insu :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que l'employeur n'a eu connaissance de l'existence de cet enregistrement effectué en février 2017 par M. C... que le 14 septembre 2017, que ces faits ont été ensuite évoqués lors de la réunion du 29 septembre 2017 ce qui a conduit à réunir la délégation unique du personnel extraordinaire le 4 octobre 2017 et à désigner une commission chargée de diligenter une enquête interne afin d'établir l'ensemble des faits liés aux propos racistes relayés par M. C.... Par suite, le moyen tiré de ce que les faits relatifs à l'enregistrement audio seraient prescrits doit être écarté.

10. En second lieu, il est constant que M. C... a enregistré sa collègue, Mme E..., aux fins d'obtenir une preuve au soutien des propos racistes soit disant tenus par M. D... à l'encontre de M. A.... Même si M. C... justifie cet acte par l'inaction de la société face à son alerte en février 2017, ces circonstances ne peuvent cependant atténuer la gravité de la faute commise.

11. Par suite, le ministre du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que de tels agissements, établis par les pièces du dossier, pouvaient motiver son licenciement.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. C... aux fins d'annulation de la décision du ministre du travail du 17 mai 2018 ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

13. Il n'a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme à la société Brink Towing Systems au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de la société Brink Towing Systems sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., à la société Brink Towing Systems et la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

4

N°19NC02334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02334
Date de la décision : 30/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE CHAMPIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-09-30;19nc02334 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award