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28/09/2021 | FRANCE | N°21NC00829

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 28 septembre 2021, 21NC00829


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2007916 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2021, ainsi q

ue par un mémoire enregistré le 24 août 2021 et non communiqué, M. D... B..., représenté par Me Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2007916 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2021, ainsi que par un mémoire enregistré le 24 août 2021 et non communiqué, M. D... B..., représenté par Me Mengus, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 février 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2020 du préfet du Haut-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêtà intervenir et, entretemps, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer pendant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 200 euros au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le fait de justifier d'une vie commune avec son épouse, qui bénéficie de la protection subsidiaire, ne lui permettait pas d'obtenir le titre de séjour prévu par le 3° de l'article L. 312-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; c'est à tort que le tribunal a estimé que sa présence était entrecoupée de manière répétée de séjours réguliers en Albanie après 2018 ou que son épouse pouvait s'installer en Albanie, alors que cela l'exposerait à la perte de son droit au bénéfice de la protection subsidiaire ; les premiers juges ont insuffisamment motivé leur décision au regard de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le refus de séjour méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 313-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du 7° de l'article L. 313-11 du même code, de l'article L. 313-14 du même code ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., ressortissant albanais né le 23 juin 1985, relève appel du jugement du 16 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 18 novembre 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré pour la première fois en France en 2016 et qu'il a eu deux enfants, nés en 2018 et 2019, avec Mme C..., qu'il a rencontrée sur le territoire national et épousée le 28 juillet 2020 à Colmar. Le bénéfice de la protection subsidiaire a été accordé à sa conjointe, de nationalité kosovare, par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 22 avril 2015. La circonstance que M. B... a déclaré, lors de son entretien à la préfecture du Haut-Rhin du 15 septembre 2020, qu'il effectuait des allers-retours réguliers entre la France et l'Albanie et que sa dernière entrée en France date de 2020 ne suffit pas, à elle seule, à remettre en cause l'existence d'une vie familiale au moins depuis 2018, qui résulte de l'ensemble des éléments produits par le requérant. Il ressort notamment des attestations rédigées par une enseignante et une orthophoniste que M. B... s'occupe de la fille ainée de sa compagne, née en 2013, et que son arrivée dans la famille a coïncidé avec une atténuation des difficultés de langage dont souffrait cet enfant. Si M. B... ne maitrise pas la langue française, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il représenterait une menace pour l'ordre public, ou même qu'il serait défavorablement connu des services de police ou de gendarmerie, et il dispose d'une promesse d'embauche. Dans ces conditions, le refus de lui accorder un titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ainsi qu'à l'intérêt supérieur de ses deux filles et A... la fille aînée de son épouse, et méconnait ainsi les stipulations citées au point précédent.

4. Il suit de là que le refus de titre de séjour est illégal et doit être annulé, ce qui entraîne l'annulation des autres décisions par voie de conséquence. M. B... est donc fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'exécution du présent arrêt implique, compte tenu de ses motifs, la délivrance à M. B... d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de procéder à la délivrance de cette carte dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 200 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2007916 du 16 février 2021 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 18 novembre 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. D... B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. D... B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 21NC00829


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00829
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme la Pdte. Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-09-28;21nc00829 ?
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