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28/09/2021 | FRANCE | N°20NC02354

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 28 septembre 2021, 20NC02354


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière ou, à défaut, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le pôle de la nationalité française ou le tribunal judiciaire de Strasbourg se prononce sur sa

nationalité française.

Par un jugement n° 2002269 du 7 juillet 2020, le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière ou, à défaut, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le pôle de la nationalité française ou le tribunal judiciaire de Strasbourg se prononce sur sa nationalité française.

Par un jugement n° 2002269 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2020, M. B... A..., représenté par Me Charles, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002269 du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 12 septembre 2019 ;

3°) à défaut, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le pôle de la nationalité française ou le tribunal judiciaire compétent se prononce sur sa nationalité française ;

4°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, s'il n'était pas reconnu Français, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à tout le moins, de le convoquer en vue de l'examen de sa situation administrative et de le munir durant l'instruction de sa situation d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Strasbourg a refusé de surseoir à statuer et de renvoyer la question de sa nationalité française au tribunal judiciaire compétent, alors même qu'une telle question présentait un caractère sérieux ;

- en application de l'article 29 du code civil, le juge judiciaire possède une compétence exclusive en matière d'attribution de la nationalité ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision en litige est constitutive d'une voie de fait dès lors qu'elle fait application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à un ressortissant français ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ;

- elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit, dès lors que les ressortissants français ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- la décision en litige porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... est un ressortissant ivoirien, né le 22 février 2000. Il a déclaré être entré en France le 15 août 2015 en provenance de la Suisse. Le 22 mai 2019, il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un l'arrêté du 12 septembre 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté ou, à défaut, à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que le pôle de la nationalité française ou le tribunal judiciaire de Strasbourg se prononce sur sa nationalité française. Le requérant relève appel du jugement n° 2002269 du 7 juillet 2020, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'exception de nationalité française :

2. Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. ". Aux termes de l'article 22-1 du même code : " L'enfant mineur dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce. / Les dispositions du présent article ne sont applicables à l'enfant d'une personne qui acquiert la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration de nationalité que si son nom est mentionné dans le décret ou dans la déclaration. ". Aux termes de l'article 29 du même code : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. / Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire à l'exception des juridictions répressives comportant un jury criminel. ". Aux termes de l'article 30 du même code : " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. / Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants ".

3. D'une part, en présence d'une question préjudicielle relevant de la compétence des tribunaux judiciaires, il appartient au juge d'appel, non d'annuler le jugement attaqué, mais de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question. La circonstance que le tribunal administratif se serait abstenu à tort de surseoir à statuer est, par suite, sans incidence sur la régularité du jugement. D'autre part, l'exception de nationalité française ne constitue, en vertu de l'article 29 du code civil, une question préjudicielle que si elle présente une difficulté sérieuse. Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 22-1 du même code qu'un enfant mineur ne peut devenir français de plein droit par l'effet de la déclaration qui confère la nationalité française à l'un de ses parents qu'à condition, d'une part, que ce parent ait porté son existence, sauf impossibilité ou force majeure, à la connaissance de l'autorité chargée d'instruire la demande préalablement à l'établissement de la déclaration et, d'autre part, qu'il ait, à la date de la déclaration, résidé avec ce parent de manière stable et durable sous réserve, le cas échéant, d'une résidence en alternance avec l'autre parent en cas de séparation ou de divorce.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est titulaire d'un passeport ivoirien valable du 5 février 2019 au 4 février 2024, est né en Côte d'Ivoire le 22 février 2000 de parents ivoiriens. Le requérant ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 18 du code civil, qui concernent un cas d'attribution de la nationalité française à la naissance du fait de la filiation. S'il fait valoir que son père a obtenu la nationalité française par déclaration d'acquisition souscrite le 6 décembre 2001 devant l'autorité consulaire de Düsseldorf, il n'établit pas que celui-ci, qui ne l'a reconnu que le 1er octobre 2002, aurait porté son nom à la connaissance de l'autorité chargée d'instruire la demande préalablement à l'établissement de cette déclaration, ni que les intéressés avaient une résidence commune à la date du 6 décembre 2001. Dans ces conditions, alors même que ses deux demi-frères et sa demi-sœur seraient français et que, lors de son séjour en Suisse au domicile de son père du 27 février au 15 août 2015, il a été mis en possession d'un titre de séjour en qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union valable du 12 mars 2015 au 3 mars 2020, M. A... ne peut être regardé comme devenu français de plein droit par application des dispositions de l'article 22-1 du code civil. Par suite, l'exception de nationalité soulevée par le requérant ne présentant pas de difficulté sérieuse, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce que le pôle de la nationalité française ou le tribunal judiciaire compétent se prononce sur cette exception.

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

5. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait constitutive d'une voie de fait et qu'elle serait entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ne peuvent qu'être écartés.

6. En deuxième lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. En outre, il ne résulte, ni des motifs de cette décision, ni d'aucune des autres pièces du dossier, que le préfet du Haut-Rhin, qui n'était pas tenu de reprendre intégralement les éléments portés à sa connaissance par M. A... lors de son entretien à la préfecture du 22 mai 2019, aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, compte tenu également de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen particulier manquent en fait et ils ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

7. En troisième et dernier lieu, M. A... se prévaut de son arrivée en France, le 15 août 2015, à l'âge de quinze ans, de son parcours scolaire et de la nationalité française de son oncle, qui l'héberge, de ses deux demi-frères et de sa demi-sœur. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans enfant à charge. Il ne justifie pas de la réalité et de l'intensité de ses liens avec sa fratrie présente sur le territoire français. Il ne dispose pas de ressources propres, ni d'un logement autonome. Il a interrompu prématurément sa scolarité, caractérisée par des résultats fragiles, des problèmes de comportement et de nombreuses absences, et n'a donc pas obtenu le certificat d'aptitude professionnelle d'opérateur logistique pour la préparation duquel il était inscrit, au titre des années 2016-2017 et 2017-2018, au lycée professionnel Ettore Bugatti de Mulhouse. Il n'établit pas, ni même n'allègue, être isolé dans son pays d'origine ou en Suisse, pays dans lequel il a été admis à séjourner du 12 mars 2015 au 3 mars 2020 et où réside toujours son père. Enfin, la seule circonstance qu'il aurait pris contact avec la mission locale de Mulhouse pour trouver une formation ou un travail ne suffit pas à lui conférer un droit au séjour en France. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les moyens tirés respectivement de l'erreur de fait, de l'erreur de droit, de l'atteinte portée au respect de la vie privée et familiale et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 12 septembre 2019. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N° 20NC02354 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02354
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : CHARLES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-09-28;20nc02354 ?
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