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21/09/2021 | FRANCE | N°21NC01803

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 septembre 2021, 21NC01803


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités allemandes responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2103531 du 7 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n°21NC01804, le 22 juin 2021, M. D..., représenté par

Me Airiau, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle proviso...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités allemandes responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2103531 du 7 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n°21NC01804, le 22 juin 2021, M. D..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juin 2021 ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 avril 2021 de la préfète du Bas-Rhin ;

4°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, conformément aux dispositions de l'article L.572- 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de réexaminer sa situation dans un délai de 8 jours et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision litigieuse méconnaît l'article 9 du règlement ( UE) n° 604/2013 ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

II. Par une requête, enregistrée sous le n°21NC01803, le 22 juin 2021, M. D..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juin 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a présenté à l'appui de sa requête au fond des moyens sérieux de nature à entrainer l'annulation du jugement ;

- l'exécution de la décision risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables ;

- la décision litigieuse méconnaît l'article 9 du règlement ( UE) n° 604/2013 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère ;

- et les observations de Me Airiau, représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant ivoirien, est entré en France le 1er novembre 2020, selon ses déclarations. Il a sollicité le 11 mars 2021 la reconnaissance du statut de réfugié. La comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes avec le fichier " Eurodac " a révélé qu'elles avaient été relevées par les autorités allemandes et italiennes. Le 16 mars 2021, la préfète du Bas-Rhin a saisi ces autorités d'une demande de reprise en charge de l'intéressé. Les autorités allemandes ont explicitement donné leur accord à cette mesure le 1er avril 2021. Par arrêté du 30 avril 2021, la préfète du Bas-Rhin a décidé le transfert de M. D... aux autorités allemandes. M. C... fait appel du jugement du 7 juin 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté et demande également qu'il soit sursis à son exécution par deux requêtes, enregistrées respectivement sous les n°21NC01804 et 21NC01803, qu'il y a lieu de joindre.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 61 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...) L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence ( ...) L'admission provisoire est accordée par le président du bureau ou de la section ou le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué ".

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'admettre M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dans les instances n° 21NC01803 et 21NC01804.

Sur la requête n°21NC01804 :

4. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D... vit en concubinage avec Mme B..., avec laquelle il serait marié religieusement et qui est titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugiée. De leur relation qui aurait débuté plusieurs années auparavant, sont nés deux enfants, A... le 28 octobre 2017 et Mohamed le 30 décembre 2020. M. D... a reconnu Mohamed le 4 janvier 2021 et A... le 11 mai 2021, laquelle a obtenu la qualité de réfugiée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 mai 2019. Dans ces conditions, et alors que M. D... dispose d'attaches fortes en France dont la réalité n'est pas contestée et qu'il a indiqué sa relation avec Mme B... dès son entretien de demande d'asile en France, il est fondé à soutenir qu'en ne faisant pas usage de la clause de souveraineté de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, la préfète du Bas-Rhin a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

8. Compte tenu du motif retenu pour annuler l'arrêté en litige, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve de toute modification de droit ou de fait pouvant affecter la situation de M. D..., que la préfète du Bas-Rhin lui délivre une attestation de demande d'asile en " procédure normale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et ce, sans qu'il soit d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur la requête 21NC01803 :

9. Le présent arrêt statue sur les conclusions de M. D... tendant à l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juin 2021. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête susvisée par lesquelles M. D... demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les frais liés aux instances :

10. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire pour les deux instances. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Airiau, avocat de M. D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État et sous réserve de l'admission définitive de M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme globale de 1 600 euros pour les deux requêtes.

D E C I D E :

Article 1er : M. D... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dans les instances n° 21NC01803 et 21NC01804.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juin 2021 et l'arrêté du 30 avril 2021 de la préfète du Bas-Rhin sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin, sous réserve de toute modification de droit ou de fait pouvant affecter la situation de M. D..., de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en " procédure normale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Article 4 : L'Etat versera à Me Airiau la somme globale de 1 600 euros pour les deux requêtes, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, et sous réserve de l'admission définitive de son client au bénéfice de l'aide juridictionnelle pour les deux requêtes.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à Me Airiau et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

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N° 21NC01803, 21NC01804


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01803
Date de la décision : 21/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-09-21;21nc01803 ?
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