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21/09/2021 | FRANCE | N°20NC03594

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 septembre 2021, 20NC03594


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de Jametz en date du 29 juin 2018 en tant qu'elle ne lui attribue pas les baux à ferme sur des parcelles communales et d'enjoindre à la commune de Jametz de lui attribuer les terres en litige.

Par un jugement n° 1802296 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération et enjoint à la commune de Jametz de prendre une nouvelle délibération relative au

choix du preneur ou des preneurs à bail rural sur les parcelles concernées.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de Jametz en date du 29 juin 2018 en tant qu'elle ne lui attribue pas les baux à ferme sur des parcelles communales et d'enjoindre à la commune de Jametz de lui attribuer les terres en litige.

Par un jugement n° 1802296 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération et enjoint à la commune de Jametz de prendre une nouvelle délibération relative au choix du preneur ou des preneurs à bail rural sur les parcelles concernées.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête enregistrée sous le n°20NC3594 le 11 décembre 2020, Mme A... B..., représentée par Me Dubaux, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 15 octobre 2020 ;

2°) de mettre à la charge de M. E... le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Jametz a examiné toutes les candidatures pour l'attribution des parcelles en litige ;

- lors de la séance les trois candidats ont été reçus et leur motivation a été entendue ;

- M. E... n'avait pas déposé de candidature mais un courrier de la chambre d'agriculture attestant qu'il était en cours de démarches pour son installation.

Par un mémoire enregistré le 14 juin 2021, M. E... représenté par Me Schindler, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'appel ainsi formé n'a plus d'objet ;

- le conseil municipal n'avait pas examiné les candidatures au regard des règles de priorité ;

- les moyens ne sont pas fondés.

II- Par une requête enregistrée sous le n°20NC3599 le 11 décembre 2020, complétée par un mémoire enregistré le 1er mars 2021, Mme B..., représentée par Me Dubaux, demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nancy du 15 octobre 2020.

Elle soutient que :

- la commune de Jametz a examiné toutes les candidatures pour l'attribution des parcelles en litige ;

- lors de la séance les trois candidats ont été reçus et leur motivation a été entendue ;

- M. E... n'avait pas déposé de candidature mais un courrier de la chambre d'agriculture attestant qu'il était en cours de démarches pour son installation ;

- elle a fait réaliser une étude sur les incidences de la perte d'une partie des terres communales montrant que la survie de son entreprise était compromise ;

- la délibération de la commune du 6 février 2021 lui attribue seulement 16 hectares du foncier sur lequel elle s'était positionnée au lieu des 27 hectares initialement prévus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2021, la commune de Jametz représentée par Me Tadic, conclut au non-lieu à statuer sur la requête.

Elle fait valoir que le jugement du tribunal administratif de Nancy du 15 octobre 2020 a été exécuté par une nouvelle délibération du 6 février 2021 relative au choix du preneur à bail.

Par un mémoire enregistré le 14 juin 2021, M. E... représenté par Me Schindler, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que le sursis est sans objet dès lors que la décision du tribunal a été exécutée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grossrieder, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Lazzarin, pour la commune de Jametz.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération en date du 29 juin 2018, la commune de Jametz a décidé d'attribuer à Mme B... et à Mme F... les baux à ferme sur les parcelles dont elle est propriétaire, lot n° 15 pour une surface de 15 ha, 87 a et 20 ca, lot n° 9 pour une surface de 21 ha, 58 a et 10 ca et lot n° 14 pour une surface de 5 ha, 81 a et 40 ca. M. E..., candidat évincé, a demandé devant le tribunal administratif de Nancy l'annulation de cette délibération. Par un jugement en date du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette délibération et a enjoint à la commune de Jametz de prendre une nouvelle délibération relative au choix du preneur ou des preneurs à bail rural des parcelles concernées. Par les requêtes enregistrées sous les numéros 20NC03594 et 20NC03599, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, Mme B... relève appel de ce jugement du 15 octobre 2020 et en demande le sursis à exécution.

Sur les conclusions de non-lieu à statuer :

2. La seule circonstance que le conseil municipal de la commune de Jametz, en exécution du jugement contesté, a par une délibération du 6 février 2021 attribué les parcelles en litige à Mme B..., à Mme F... et à M. E... ne rend pas sans objet la requête d'appel de Mme B.... En conséquence, les conclusions à fins de non-lieu, présentées par M. E... ne peuvent être accueillies.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque le bailleur est une personne morale de droit public, le bail peut être conclu soit à l'amiable, soit par voie d'adjudication (...) Quel que soit le mode de conclusion du bail, une priorité est réservée aux exploitants qui réalisent une installation en bénéficiant de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs ou, à défaut, aux exploitants de la commune répondant aux conditions de capacité professionnelle et de superficie visées à l'article L331-2 du présent code, ainsi qu'à leurs groupements (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le propriétaire de terres agricoles destinées à être données à bail est une personne morale de droit public, l'organe délibérant, en présence de plusieurs demandes concurrentes d'attribution du bail, doit procéder à un choix en respectant les procédures et l'ordre de priorité qu'elles prévoient. L'exercice de ce pouvoir d'appréciation implique nécessairement que lesdits organes délibérants aient connaissance de l'ensemble des candidatures en présence et procèdent à leur examen.

4. La délibération attaquée du 29 juin 2018 attribue en location les parcelles communales cadastrées section ZH n° 19 et section ZE n° 19, lots n° 9, 14 et 15, pour partie à Mme F..., pour partie à Mme B... et écarte la candidature de M. E... en précisant que les trois postulants sont " à égale capacité d'installation au vu de l'article L. 411-15 ". Il ressort des pièces du dossier et notamment des attestations produites en appel des membres du conseil municipal de la commune de Jametz et de M. E... lui-même que lors de la séance du 29 juin 2018, les trois candidatures, figurant au même rang de priorité, ont fait l'objet du même examen, chaque candidat étant présent a été entendu par les élus. La circonstance que les candidatures de Mmes F... et B... avaient déjà fait l'objet d'une présentation lors d'un précédent conseil municipal ne saurait établir le défaut d'examen de celle de M. E... lors de la séance du 28 juin 2018 au cours de laquelle les candidatures ont été évoquées en vue de l'attribution des baux. Mme B... est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif du défaut d'examen complet de la candidature de M. E... pour annuler la délibération du 29 juin 2018.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Nancy et devant la cour à l'encontre de la décision du 29 juin 2018.

Sur les autres moyens :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

6. Aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : "Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune". En vertu de cet article, il appartient au conseil municipal, hors le cas où cette compétence a été préalablement déléguée au maire en application de l'article L. 2122-22, d'approuver la passation des baux sur les terrains communaux. Il revient au conseil municipal, pour l'exercice de cette attribution, de définir les principales caractéristiques de ces contrats, notamment quant aux bénéficiaires, à la nature et à la consistance des terrains en cause, au régime juridique applicable, au loyer et à la durée des baux. Les dispositions de l'article L. 2122-21, qui chargent le maire d'exécuter les décisions du conseil municipal et en particulier de passer les baux des biens, n'ont pas pour objet et ne peuvent avoir pour effet de dispenser le conseil municipal de se prononcer sur les caractéristiques évoquées ci-dessus.

7. En l'espèce, le maire de la commune de Jametz ne pouvait pas user de sa compétence pour décider de signer les baux qu'il détenait en application d'une délibération du conseil municipal en date du 11 décembre 2014 sur le fondement de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales dès lors qu'il était intéressé à l'affaire, objet de la délibération. C'est la raison pour laquelle, le conseil municipal a, par la délibération en litige, décidé d'attribuer les baux. Or, il ne ressort d'aucune pièce du dossier et notamment pas du compte-rendu de la séance du 29 juin 2018 que le conseil municipal se soit prononcé sur les caractéristiques des baux en litige dont la durée de location, le régime juridique de celle-ci, le prix du fermage qui constituent des éléments substantiels de tels contrats. Par suite, le moyen soulevé par M. E... tiré de ce le conseil municipal de Jametz, lors de l'attribution des baux en litige, s'est abstenu d'exercer toute l'étendue de ses pouvoirs entachant la délibération en litige d'une erreur de droit est fondé et de nature à entraîner son annulation.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération du 29 juin 2018.

Sur le sursis à exécution du jugement :

9. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel de Mme B... formé contre le jugement du tribunal administratif de Nancy du 15 octobre 2020. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

11. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme que M. E... demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C ID E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'il soit sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nancy du 15 octobre 2020.

Article 3 : Les conclusions de M. E... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., M. D... E... et à la commune de Jametz.

Copie en sera adressée à Mme C... F...

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N° 20NC03594-N° 20NC03599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03594
Date de la décision : 21/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-02-01 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles. - Statut du fermage et du métayage. - Baux ruraux.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SCP DEMANGE et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-09-21;20nc03594 ?
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