Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 26 avril 2019 par laquelle le préfet de la Marne lui a refusé le regroupement familial au bénéfice de son époux.
Par un jugement n° 1902173 du 31 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 février 2020, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 31 janvier 2020 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de la Marne du 26 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer l'autorisation demandée au titre du regroupement familial ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car le montant des ressources requises par cet article est quasiment atteint ;
- la condition de ressources constitue une discrimination indirecte en raison de son handicap ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation.
Le préfet de la Marne, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 18 novembre 1962, de nationalité marocaine et résidant régulièrement en France, a demandé le 20 février 2019 à bénéficier de son droit à être rejointe, au titre du regroupement familial, par son époux. Par une décision du 26 avril 2019, le préfet de la Marne a rejeté sa demande. Mme A... fait appel du jugement du 31 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code, dans sa version applicable au litige : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail . Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 ou L. 821-2 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ou lorsqu'une personne âgée de plus de soixante-cinq ans et résidant régulièrement en France depuis au moins vingt-cinq ans demande le regroupement familial pour son conjoint et justifie d'une durée de mariage d'au moins dix ans ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 411-4 du même code, dans sa version applicable au litige : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ;- cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ;- cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus. "
3. Il résulte des dispositions précitées que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.
4. Mme A... produit une attestation de la caisse marocaine des retraites indiquant que son époux perçoit une pension d'un montant mensuel de 11 599,76 dirham, soit environ 1 054 euros selon l'intéressée, depuis le 1er septembre 2017. Toutefois, ce montant reste inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance, lequel est d'un montant de 1 153 euros net en 2017. En outre, si Mme A... justifie percevoir l'aide personnalisée au logement, cette allocation, versée directement par la caisse d'allocations familiales à l'organisme bailleur ne constitue pas une ressource stable au sens des dispositions citées au point 2. De même, le revenu de solidarité active prévu à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles est insusceptible d'être pris en compte pour apprécier le droit au regroupement familial du demandeur. Dans ces conditions et dès lors que le niveau de ressources du couple n'est pas atteint, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 411-5 précité.
5. En deuxième lieu, si Mme A... soutient que la décision attaquée présente un caractère discriminatoire faute de prendre en considération sa situation de handicap, elle ne produit à l'instance que la décision par laquelle la maison départementale des personnes handicapées de la Marne lui a reconnu le 17 septembre 2015 la qualité de travailleur handicapé. La circonstance que l'incapacité de Mme A... s'établit à un taux inférieur à 50%, ce qui ne la prive pas de toute possibilité d'accès à l'emploi mais nécessite une adaptation du poste de travail à son handicap, ne saurait suffire, à elle seule, à faire regarder la décision contestée comme présentant un caractère discriminatoire.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. L'autorité administrative ne peut légalement rejeter une demande de regroupement familial qu'après avoir vérifié qu'elle ne porte pas une atteinte excessive au droit du demandeur au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Si la requérante soutient que son handicap exige l'assistance de son époux, elle ne le démontre pas en se bornant à produire une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Marne du 17 septembre 2015 lui reconnaissant la qualité de travailleur handicapée avec un taux d'incapacité inférieure à 50%. Elle ne justifie pas que son époux, serait la seule personne en mesure de lui apporter de l'aide. Par ailleurs, et alors même qu'elle se prévaut avoir déjà déposé une demande de regroupement familial en 2016 qui aurait été rejetée, elle a toujours vécu séparée de son époux qu'elle a épousé le 17 septembre 2015 au Maroc. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de refus opposée par le préfet de la Marne à l'intéressée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être qu'écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle doit être écarté.
9. En dernier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet de la Marne a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 20NC00502