La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/07/2021 | FRANCE | N°21NC00617

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 15 juillet 2021, 21NC00617


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 juin 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2004740 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :r>
Par une requête, enregistrée le 2 mars 2021, Mme D... A..., représentée par Me B..., demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 juin 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2004740 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mars 2021, Mme D... A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2004740 du tribunal administratif de Strasbourg du 22 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 26 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision en litige méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A... est une ressortissante camerounaise, née le 26 décembre 1972. Elle est entrée en France le 13 juin 2015 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour, valable trente jours entre le 13 juin et le 28 juillet 2015. Le 21 avril 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêt n° 19NC00108 du 2 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé pour vice de procédure l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 15 mai 2018 refusant de faire droit à la demande de Mme A... et lui a fait injonction de réexaminer la situation de l'intéressée. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 13 décembre 2019, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 26 juin 2020, a réitéré son refus d'admettre au séjour la requérante, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 juin 2020. Elle relève appel du jugement n° 2004740 du 22 octobre 2020, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'accorder à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, la préfète du Bas-Rhin s'est notamment fondée sur l'avis de collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 13 décembre 2019. Selon cet avis, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et au caractéristiques du système de santé, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Mme A... fait valoir qu'elle souffre d'obésité, d'une dyslipidémie, d'une arthrose au pied gauche, d'une hypertension artérielle et d'une névrose post-traumatique. Toutefois, ni le certificat médical de son médecin psychiatre daté du 16 octobre 2020, affirmant sans aucune précision que la substitution des médicaments utilisés pour le traitement de sa pathologie psychiatrique, ainsi que le changement de thérapeute, compte tenu de la " relation transférielle " constituée pendant la psychothérapie, auront un effet négatif sur le tableau clinique, ni les autres éléments médicaux versés au dossier, eu égard notamment à leur caractère général ou aux termes dans lesquels ils sont rédigés, ne sont de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée la préfète du Bas-Rhin sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine et sur la capacité de l'étranger à voyager sans risque. En outre, la requérante n'établit pas, par ses seules allégations, que sa névrose post-traumatique serait en lien avec les violences conjugales subies au Cameroun, ni qu'un retour sur le territoire camerounais aurait nécessairement pour effet d'aggraver sa pathologie psychiatrique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est arrivée en France, le 13 juin 2015, à l'âge de quarante-deux ans. Elle n'y justifie d'aucune attache familiale ou même personnelle. Elle n'est pas isolée au Cameroun, où vivent notamment, outre son conjoint, ses cinq enfants, sa mère, une soeur et un frère. La seule circonstance que l'intéressée ait travaillé comme agent d'entretien en septembre et en octobre 2019 ne suffit pas à considérer qu'elle a fixé en France le centre de ses intérêts matériels et moraux. Par suite, compte tenu également de ce qui a été dit au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de Mme A... doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, de la méconnaissance des dispositions, alors en vigueur, du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

7. Eu égard à ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un retour au Cameroun exposerait la requérante à une dégradation rapide de son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 26 juin 2020. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

N° 21NC00617 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00617
Date de la décision : 15/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-15;21nc00617 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award