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15/07/2021 | FRANCE | N°21NC00614

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 15 juillet 2021, 21NC00614


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2002337 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procéd

ure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2021, M. D... C..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2002337 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2021, M. D... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002337 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 janvier 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 19 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois suivant l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destinations sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- les décisions en litige contreviennent aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C... est un ressortissant nigérian, né le 1er avril 1986. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 10 septembre 2014. Le 3 décembre 2014, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 octobre 2015, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 22 juin 2016. Sa demande de réexamen ayant été rejetée par l'Office pour irrecevabilité, le 27 juin 2017, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Le 19 octobre 2020, il a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 octobre 2020, le préfet de la Marne, par un arrêté du 19 octobre 2020, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. C... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 19 octobre 2020. Il relève appel du jugement n° 2002337 du 29 janvier 2021, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'accorder à M. C... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Marne s'est notamment fondé sur l'avis de collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 octobre 2020. Selon cet avis, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et au caractéristiques du système de santé, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. M. C... fait valoir qu'il est pris en charge par l'Etablissement public de santé mentale de la Marne pour un épisode dépressif majeur, en rémission partielle, associé à un trouble de stress post-traumatique, ayant nécessité une hospitalisation complète du 26 juin 2017 au 26 mars 2019. S'il bénéficie depuis d'un suivi psychothérapique en " appartement thérapeutique ", il résulte du certificat médical du 12 novembre 2020, établi par un praticien exerçant au sein de l'Etablissement public, que l'état psychique de l'intéressé n'est pas encore stabilisé et que l'intensité de sa symptomatologie dépressive demeure fluctuante. Toutefois, ni ce certificat médical, qui affirme sans aucune précision que la prise en charge du patient ne pourra pas être assurée dans son pays d'origine compte tenu de la pénurie de psychiatres et du caractère peu développé du système de soins psychiatriques, ni celui du même jour d'un praticien du service de neurologie du centre hospitalier de Reims, eu égard aux termes dans lesquels il est rédigé, ni les quatre études versées aux débats, dont les trois plus importantes sont anciennes ou circonscrites au nord-est du Nigéria, ne suffisent à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée le préfet de la Marne sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine et sur la capacité de l'étranger à voyager sans risque à destination de celui-ci. En outre, M. C... n'établit pas, par ses seules allégations, que ses troubles psychiatriques seraient en lien avec des événements traumatisants vécus sur le territoire nigérian, ni qu'un retour sur ce territoire aurait nécessairement pour effet d'aggraver sa pathologie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5 En second lieu, pour les raisons qui viennent d'être exposées, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de M. C... doit également être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter français :

6. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

7. En second lieu, M. C... ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour contester la légalité de la mesure d'éloignement litigieuse, laquelle n'implique pas par elle-même un renvoi de l'intéressé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

9. En second lieu, si M. C... fait valoir qu'il a été contraint de fuir le Nigéria en raison des persécutions dont il faisait l'objet au sein de sa communauté du fait de son appartenance à la religion chrétienne, ses allégations ne sont étayées par aucun élément probant. De même, pour les raisons qui ont été exposées au point 4 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un renvoi au Nigéria aurait pour conséquence une aggravation de son état de santé. Par suite, et alors que, au demeurant, les demandes d'asile et de réexamen du requérant ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2020. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00614
Date de la décision : 15/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SCP CHOFFRUT BOIA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-15;21nc00614 ?
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