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15/07/2021 | FRANCE | N°21NC00264

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 15 juillet 2021, 21NC00264


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 9 septembre 2019 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui accorder l'autorisation de regroupement familial au profit de son épouse, Mme B... A....

Par un jugement no 1901973 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2021, M. F... E..., représenté par Me C..., demande à la cour :


1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 24 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 9 septembre 2019 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui accorder l'autorisation de regroupement familial au profit de son épouse, Mme B... A....

Par un jugement no 1901973 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2021, M. F... E..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 24 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 9 septembre 2019 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui accorder l'autorisation de regroupement familial au profit de son épouse Mme B... A... ;

3°) d'enjoindre à titre principal au préfet d'autoriser le regroupement familial au profit de son épouse, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre à titre subsidiaire au préfet de réexaminer la demande de regroupement familial au profit de son épouse, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros passé ce délai ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 600 euros et 900 euros respectivement pour lui et son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par le caractère insuffisant et instable de ses ressources pour refuser la demande de regroupement ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée en fait au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la condition de ressources prévue par l'article 4 de l'accord franco-algérien était remplie ; le fait de percevoir l'allocation de retour à l'emploi n'implique pas nécessairement l'instabilité des ressources ; il bénéficiait à la date de la décision en litige d'un contrat à durée déterminée ;

- le délai d'instruction de la demande ayant été anormalement long, le préfet aurait dû faire réactualiser son dossier ;

- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du 24 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant algérien, né en 1969, a sollicité le bénéfice du regroupement familial au profit de Mme B... A... qu'il a épousée le 29 août 2013. Par une décision du 9 septembre 2019, le préfet du Doubs a refusé de lui accorder l'autorisation de regroupement familial sollicité au motif que s s ressources au cours des douze mois précédant la demande n'étaient pas stables. M. E... fait appel du jugement du 24 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; (...) Peut être exclu de regroupement familial : (...) 2 - Un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français ".

3. Il résulte de la combinaison de ces stipulations et des dispositions des articles R. 4114 et R. 4214 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction alors en vigueur, qui sont également applicables aux ressortissants algériens dès lors qu'elles sont compatibles avec les stipulations de l'accord francoalgérien, que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période.

4. Pour refuser la délivrance de l'autorisation de regroupement familial sollicitée par M. E..., le préfet du Doubs s'est fondé sur l'absence de ressources personnelles suffisantes et stables. Toutefois, il est constant qu'au cours des douze mois précédant la demande de regroupement familial, le requérant a perçu un revenu moyen mensuel de 1 366,30 euros, supérieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance. Si ses revenus se décomposaient essentiellement de salaires pour un montant de 12 099,02 euros provenant de missions d'intérim et de l'allocation de retour à l'emploi perçue pour un montant de 4 225,07 euros sur la période de janvier à juillet 2018, il ressort des pièces du dossier que le requérant était titulaire depuis le 26 novembre 2018, d'un contrat de travail à durée indéterminée, avec effet au 3 décembre 2018, soit antérieurement à la décision en litige, pour un salaire brut mensuel de 1949, 94 euros, supérieur au SMIC net de 1521,22 euros. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, notamment des fiches de paie de l'intéressé depuis décembre 2018, qu'il travaillait le mois précédent la décision contestée et que son salaire net excédait le SMIC net. Le préfet du Doubs ne conteste pas en outre que M. E... l'a informé de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée. Cette évolution de sa situation avait d'ailleurs été mentionnée dans leurs avis favorables par le directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que par le maire de la commune de résidence de l'intéressé. Le requérant doit ainsi être regardé comme disposant à la date de la décision en litige de ressources stables et suffisantes. Il s'ensuit qu'en rejetant la demande de regroupement familial de M. E... au motif qu'il ne disposait pas de ressources suffisantes et stables, le préfet du Doubs a méconnu les dispositions précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien précité.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 septembre 2019 du préfet du Doubs refusant de lui accorder l'autorisation de regroupement familial qu'il sollicitait pour son épouse.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt, qui annule, en raison d'une erreur dans l'appréciation du niveau de ressources de M. E..., la décision du 9 septembre 2019 du préfet du Doubs refusant de lui accorder l'autorisation de regroupement familial qu'il sollicitait pour son épouse, implique nécessairement, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n'est d'ailleurs allégué, que l'intéressée ne satisferait pas aux autres conditions requises pour y prétendre, l'avis émis par l'Office français de l'immigration et de l'intégration relevant d'ailleurs que le logement dont dispose la famille est conforme, que le préfet du Doubs lui délivre cette autorisation. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de délivrer cette autorisation dans un délai de deux mois à compter la date de notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

7. M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 %. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 600 euros à M. E... et, en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement de la somme de 900 euros à son avocate, Me C..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 24 septembre 2020 du tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : La décision du préfet du Doubs du 9 septembre 2020 refusant de délivrer l'autorisation de regroupement familial sollicité par M. E... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. E... l'autorisation de regroupement familial qu'il sollicitait au profit de son épouse dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. E... la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que la somme de 900 euros à Me C... en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.

N° 21NC00264 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00264
Date de la décision : 15/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-15;21nc00264 ?
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