La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/07/2021 | FRANCE | N°21NC00212

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 15 juillet 2021, 21NC00212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2001799 du 8 octobre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20

janvier 2021, M. A... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2001799 du 8 octobre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2021, M. A... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 8 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que la motivation de la réponse au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation est insuffisante ; le premier juge n'a pas tenu compte de la note en délibéré.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de fait concernant sa situation familiale ;

- elle ne fait pas ressortir un examen particulier de sa situation ;

- le préfet n'établit pas avoir retiré l'attestation de demande d'asile dont il bénéficiait et qui faisait obstacle à son éloignement ;

- le préfet s'est cru lié par la décision rendue par la Cour nationale du droit d'asile et a ainsi commis une erreur de droit ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas examiné s'il encourrait des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 3-1 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant, l'article 9 du code civil ;

- le préfet n'a pas examiné l'atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant nigérian, né en 1989, est entré irrégulièrement en France en 2017, selon ses déclarations, pour solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 février 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 mars 2020. Par un arrêté du 15 juillet 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. D... fait appel du jugement du 8 octobre 2020 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Le jugement attaqué, contrairement à ce que soutient M. D..., répond au point 12 par une motivation suffisamment circonstanciée et satisfaisante au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire sur sa situation personnelle. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité.

4. En second lieu, lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant de l'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision, ainsi, au demeurant, que de la viser sans l'analyser. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte, après l'avoir visée et, cette fois, analysée, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. Dans tous les cas où il est amené à tenir compte de cette note en délibéré, il doit rouvrir l'instruction et soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré.

5. M. D... fait valoir que le premier juge n'a pas tenu compte des éléments produits dans la note en délibéré qu'il a présentée à l'issue de l'audience du 1er octobre 2020. Toutefois, cette note en délibéré, comportant une attestation de domiciliation du 28 septembre 2020, ne fait apparaître aucune circonstance de fait dont le requérant n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction, ni aucune circonstance de droit nouvelle ou que le juge aurait dû relever d'office. Dès lors, en n'en tenant pas compte, le premier juge n'a pas entaché sa décision d'une irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire.

7. Il est constant que le requérant a sollicité l'asile. Il lui appartenait, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, de fournir spontanément à l'administration, notamment à la suite du rejet de sa demande par la Cour nationale du droit d'asile, tout élément utile relatif à sa situation personnelle et familiale. Il n'est par ailleurs pas établi, ni même soutenu que l'administration aurait fait obstacle à ce qu'il puisse porter à la connaissance du préfet tout élément utile relatif à sa situation préalablement au prononcé de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire doit être écarté.

8. En deuxième lieu, la décision contestée comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Si elle ne mentionne pas certains des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. D..., concernant notamment la présence de son enfant sur le territoire français et son état de santé, alors qu'il n'établit pas au demeurant les avoir portés expressément à la connaissance du préfet, cette circonstance n'est pas de nature à affecter la régularité de cette motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

9. En troisième lieu, le requérant soutient que le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur des faits matériellement inexacts en mentionnant qu'il était célibataire et sans enfant. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a eu, avec cette compatriote, un enfant né le 12 avril 2019, changement de situation dont il n'établit pas au demeurant avoir informé le préfet, notamment lors du renouvellement de son attestation de demande d'asile le 6 juin 2019, ces erreurs ne sauraient avoir exercé une influence sur le sens de la décision en litige que le préfet aurait de surcroît prise, même s'il ne les avait pas commises, dès lors que la mère de l'enfant, en situation irrégulière, n'a pas vocation à demeurer en France. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

10. En quatrième lieu, il ne ressort pas des motifs de la décision contestée que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D... au vu des éléments portés effectivement à sa connaissance par l'intéressé. A cet égard, le requérant ne saurait déduire un tel défaut d'examen de la circonstance que le préfet aurait à tort mentionné qu'il était célibataire et sans enfant alors que l'intéressé n'établit pas avoir porté de tels éléments à sa connaissance. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; (...) ".

12. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".

13. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile du requérant a été rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile lue en audience publique le 11 mars 2020. Dès lors, en application des dispositions précitées, l'intéressé ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire français, sans que le préfet soit tenu expressément de retirer l'attestation de demande d'asile en cours de validité dont il bénéficiait. Ainsi, la situation de M. D... entrait dans le champ d'application du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en prononçant à son encontre une mesure d'éloignement, le préfet a méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé au vu des éléments portés à sa connaissance ainsi qu'il a été dit au point 10, se serait cru lié par la décision rendue par la Cour nationale du droit d'asile et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

15. En septième lieu, M. D... soutient que le préfet n'a pas tenu compte des conséquences de la décision en litige sur sa situation personnelle alors qu'il est père d'un enfant et que son état de santé nécessite des soins. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est suivi au centre psychothérapique de Nancy depuis 2018 et prend un traitement médicamenteux, les seuls éléments médicaux produits, notamment une attestation de suivi et une ordonnance médicale, ne sont pas de nature à établir qu'en prononçant à son encontre une mesure d'éloignement, le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant. Il n'établit pas davantage une telle erreur en se prévalant de la présence en France de son fils, alors que la mère de ce dernier, compatriote de M. D..., n'a pas vocation à se maintenir sur le territoire français. Par suite, le moyen est écarté.

16. En dernier lieu, aux termes de aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

17. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait informé le préfet de Meurthe-et-Moselle de problèmes médicaux lors du dépôt ou durant l'instruction de sa demande d'asile, alors que la mesure d'éloignement dont il fait l'objet et les décisions subséquentes ont été prises sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la suite du rejet de sa demande d'asile. La seule mention dans la décision de la Cour nationale du droit d'asile des certificats médicaux dont il s'était prévalu à l'appui de sa demande d'asile ne saurait être regardée, compte tenu notamment de l'imprécision de ces mentions, comme imposant au préfet de saisir le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. En outre, les pièces médicales, notamment une attestation d'un médecin généraliste et une autre du centre psychothérapique de Nancy, non circonstanciées, ne permettent pas de considérer que l'absence de traitement aurait pour la santé de l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le requérant n'est fondé à soutenir ni que la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, ni que l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

19. En deuxième lieu, la décision en litige, après avoir visé notamment l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne que le requérant n'établit pas encourir un risque de traitement prohibé par ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. Elle comporte ainsi les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

20. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

21. Si M. D... soutient encourir des risques en cas de retour dans son pays d'origine, en raison de sa conversion au catholicisme et de son refus de devenir prêtre traditionnel de son village à la suite de son père, décédé, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations. Au demeurant la CNDA a considéré que ses propos n'étaient pas suffisamment précis et cohérents pour être crédibles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, doit être écarté.

22. En quatrième lieu, il ressort des motifs de la décision en litige, qui mentionne que le requérant n'a pas établi encourir un risque de traitement contraire à l'article 3 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, contrairement à ce que soutient l'intéressé, le préfet a procédé à un examen des risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine.

23. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Aux termes de l'article 9 de la même convention : " Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré (...) ".

24. M. D... soutient que la décision en litige aura pour effet de le séparer de son fils. Toutefois, il résulte de ce qui a été indiqué au point 15 que sa compagne, également de nationalité nigériane, et mère de son enfant, est en situation irrégulière en France. L'intéressé ne fait état d'aucune circonstance qui s'opposerait à la reconstitution de la cellule familiale, avec son fils, au Nigéria. Dans ces conditions, et en tout état de cause, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations de

l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés. Par ailleurs, le requérant ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9 de cette convention qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

25. En dernier lieu, le requérant ne peut utilement soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait omis de prendre en compte l'intérêt supérieur de son fils, alors qu'il n'est établi par aucune pièce qu'il aurait porté à la connaissance du préfet la naissance de celui-ci en 2019.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de Meurthe-et-Moselle.

N° 21NC00212 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00212
Date de la décision : 15/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-15;21nc00212 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award