Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 20 octobre 2020 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités suédoises et l'a assigné à résidence.
Par un jugement no 2006920 du 16 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2020, M. C... D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 16 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités suédoises ;
3°) d'enjoindre à la préfète de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de transfert méconnait l'article 17 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a pas les ressources suffisantes pour financer les mesures nécessaires pour garantir l'exécution du transfert.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2021, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant afghan, né en 1986, est entré irrégulièrement en France en 2020 pour solliciter l'asile. Le passage des empreintes digitales de l'intéressé ayant révélé qu'elles avaient déjà été enregistrées en Suède, la préfète du Bas-Rhin a saisi ces dernières d'une demande de reprise en charge qu'elles ont acceptées par une décision du 5 octobre 2020 en application du d) du 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. M. D... fait appel du jugement du 16 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2020 décidant son transfert aux autorités suédoises ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le Bas-Rhin pour une période de 45 jours.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités suédoises :
2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...). ". La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève du pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
3. M. D... fait valoir qu'à son arrivée en Suède, il a présenté une demande de protection internationale rejetée par une décision de l'Office national suédois des migrations du 4 avril 2019, confirmée par une décision du 16 décembre 2019, à la suite de laquelle il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise le 7 janvier 2020. L'intéressé poursuit en indiquant que sa demande de réexamen ayant été rejetée le 29 janvier 2020, les autorités suédoises le renverront immédiatement dans sa ville d'origine, Helmand, en Afghanistan, où il craint d'être exposé à des persécutions de la part des talibans en raison de son refus de soigner des talibans et des groupes armés qui s'étaient présentés dans sa clinique vétérinaire. Il fait encore valoir que les membres de sa famille ont été contraints de se réfugier dans une région voisine où ils ont été retrouvés par les talibans et menacés.
4. Toutefois, l'arrêté en litige ne prononce pas l'éloignement de M. D... à destination de l'Afghanistan, mais seulement son transfert vers la Suède, Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, en admettant même, au vu des pièces, librement traduites, produites par l'intéressé que sa demande d'asile ait été définitivement rejetée par les autorités suédoises, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa demande de protection internationale n'aurait pas été traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, le requérant n'établit pas que la Suède procédera à son éloignement à destination de l'Afghanistan, sans procéder, préalablement, à une nouvelle évaluation des risques auxquels il serait exposé en cas d'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre, notamment s'il justifie d'indices sérieux relatifs à sa situation personnelle permettant de penser qu'il encourt des risques réels de subir des atteintes graves en cas de retour dans son pays d'origine. Du reste, les deux lettres rédigées sur papier simple en langue arabe, au demeurant traduites librement, n'offrent aucune garantie d'authenticité permettant de considérer qu'elles constitueraient des menaces provenant des talibans, comme l'allègue le requérant, ni davantage qu'il encourt des risques actuels et personnels en cas de retour en Afghanistan. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
5. Aux termes de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. / Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 au titre du 5° de cet article ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5, l'autorité administrative peut fixer à quatre au plus le nombre de présentations quotidiennes. La même autorité administrative est compétente pour désigner à l'étranger assigné à résidence, en application de l'article L. 561-1, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".
6. L'article 3 de l'assignation à résidence en litige impose à M. D... de se présenter les mercredis, hors jours fériés, entre 9 heures et 10 heures, à la DIDPAF Strasbourg à l'aéroport de Strasbourg-Entzheim, pour y confirmer sa présence. En se bornant à soutenir qu'en raison de son impécuniosité, il n'est pas en mesure de prendre le train, pour un coût aller-retour de 5,60 euros, et par suite de se soumettre à cette obligation, le requérant n'établit pas que la préfète du Bas-Rhin aurait ainsi pris une mesure disproportionnée au regard du but poursuivi, compte tenu du faible montant en cause et de la fréquence des présentations. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la préfète, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information à la préfète du Bas-Rhin.
N° 20NC03682 2